jeudi 24 septembre 2009

LE SOMMET DU PITTSBURGH : DE LA PAROLE AUX ACTES ?

Voilà , aujourd"hui le 24 septembre 2009 s'ouvre le sommet du Pittsburgh qui va reunir sur la table de négociation les dirigeants du G20 ( le G8 plus les principaux pays émergents ) .Pour les uns , cette date restera dans les annales de l'histoire économique du monde du XXI ème siècle , pour les autres , ce n'est qu'un sommet parmi tant d'autres .IL est évident , le seisme financier du 2008 et ses effets de contagion qui se font sentir encore aujourd"hui montrent que l'architecture et le mode de fonctionnement du Système Financier International ( SFI ) merite une reforme en profondeur .D'ici et là , des multitudes de propositions naissent de la part des dirigeants , des économistes renommés ou des responsables des grands organismes internationaux . Effectivement , c'est l'éffectivité et la faisabilité de ces différentes propositions qui posent problème et les dirigeants du G20 lors de ce sommet du Pittsburgh sont sensés se pencher là dessus.
Reconnaissons le , il est extremement difficile d'avancer dans quelques lignes , les grandes lignes de ce sommet mais on va seulement ici éssayer d'etayer notre point de vue focalisant l'analyse sur les principaux points qui doivent guider ce sommet qui s'annonce GRANDIOSE .

Adopter un projet de reforme du SFI n'est pas chose facile . Il faut savoir les principaux points sur lesquels la négociation doit s'orienter . A l'allure des tendences récentes et de la crise que nous traversons encore ,cinq poins meritent l'attention des dirigeants lors de ce sommet:
i) Les paradis fiscaux ;
ii) Les bonus des traders;
iii) La mise en place des normes qui regissent le SFI;
iV) L'équité des membres au niveau des organistations internationales ( FMI , Banque mondiale );
v) Les ressources des organisations internatinales ( FMI , BM ).

Parmi ces différets points , seulement le point i) (les paradis fiscaux ) et v) ( les ressources des organisations internationales ) qui ne doivent pas poser problème lors de ce sommet .La discussion sur les poins ii) ( bonus des traders) , iii) ( la mise en place des normes ) , iv) ( l'équité des membres ) ne sera pas facile . Lors de ces différentes interventions , le Président Obama a dejà fait savoir à plusieurs reprises qu'il n'est pas du tout d'accord pour la fixation du salaire des traders( à vrai dire les bonus des traders) . Dans un pays comme les Etats-Unis où le système financier pèse lourd ,il est est extremement difficile d'imaginer que le président va prendre une mesure à l'encontre du mecanisme autoregulateur du marché , principale éssence du modèle économique américain .Là , on voit bien que le liberalisme économique est largement ancré au plus haut sommet de l' administration américaine . De l'autre coté de de la pendule , le Président Sarkozy est farouchement opposé à ce genre de pratique qui selon lui constitue le point focal de la crise récente .La différence entre la legislation de chaque pays constitue un problème majeur de la mise en place des normes universeles qui doivent regir le SFI . L' echec de Bale II ( qui n' a jamais eu la faveur des USA ) en est un exemple formel sans oublier les pays émergents qui commence aussi à se faire entendre.En ce qui concerne le dernir point : l'équité du pouvoir des pays membres des organismes internationaux , il ne faut pas rever , le monde de la finance ressemble beacoup à une vie dans la jungle , c'est la loi du plus fort qui prime ,et quand on dit plus fort , c'est avant tout les USA et l' Europe , après les autres .On connait la règle , la BM est réservé à un ressortissant américain , le FMI est pour l'Europe , c'est ainsi .
Grosso modo , si les Etats-Unis et la Grande Bretagne ne sont pas pour une reforme en profondeur du mecanisme du laissez- faire du marché ( base meme du système financier anglo-saxon),les européens sous l'mpulsion du couple Sarko-Merkel avancent une regulation en profondeur du SFI . Les pays émergents au premier rang desquels la Chine ( bailleurs des Etats-Unis) , le Brésil , l'Inde vont éssayer de peser dans la balance lors de ce sommet, mais il semble que la vraie discussion sera focalisée sur la position et l' équilibre de l' antagonisme Etats-Unis/Europe.
Comme disait l' économiste américain Galbraith :"Le système capitaliste est instable par nature surtout dans sa prime jeunesse" . Le système capitaliste des pays du G20 ( surtout celui du G7) est surement mature depuis longtemps , mais le capitalisme financier et la quete de rendement execessif à la lumière du modèle de ces dernières années est encore jeune . Il est temps surement de remettre en cause ce système à vide de sens ( le librelisme à tout va )et de reflechir sur la possibilité de la mise en place d'un système financier regulé .
Parmi les différents modèles alternatifs proposables , le keynesianisme ( dans sa version deguisée comme le font bon nombre de politiciens ou pure ) fait figure au premier plan .Alors pour finir , à l'instar du précedent sommet de Londres du 02 avril dernier , il y aura des bonnes déclarations issues de ce sommet , mais l'effectivité des mesures prises resteront encore du domaine de l'incertain.

En attendant , le système financier commence à retrouver son rythme d'avant crise si l'on se réfère aux principaux indices boursiers et les principaux indicateurs des grands pays malgré le marasme économique du secteur réel ( chomage , etc) .

dimanche 23 août 2009

HOMMAGE AU Pr PEPE ANDRIANOMANANA :LA POLITIQUE DE CHANGE DE MADAGASCAR DANS LE CADRE DE L 'AJUSTEMENT STRUCTUREL

Il y a à peine une semaine , le 17 Aout 2009 ,le Pr Pépé ANDRIANOMANANA vient de nous quitter à l' age de 64 ans suite à une grande maladie .Faisant parti de ses anciens étudiants , c'était avec grande tristesse que j'ai pu lire cettez mauvaise nouvelle pour la première fois le mardi 18 aout en surfant sur le site de Wanadoo Madagascar . C'est la vie , tout le monde va partir tot ou tard , il nous a juste devancé . On ne peut pas réécrire l'histoire dit -on ,Pépé et Parti mais ses oeuvres et enseignement demeurent sans oublier les fruits de plusieurs generations passés sous sa direction ou des simples étudiants .
Pour rendre hommage à ce grand Professeur Pépé ANDRIANOMANANA , un spécialiste reconnu de l' économie monétaire à Madagascar mais aussi en Afrique , dans le cercle trés fermé du FMI et de la Banque Mondiale , c'est avec plaisir que je vous livre mes humbles reflexions sur la politique de change de Madagascar depuis la période d'ajustement.C'est juste l'hommage d'un jeune économiste ( moi ),qui a eu l'occasion et le privilège de faire son memoire de maitrise ( LE SECTEUR FINANCIER ET LE SECTEUR REEL DE L 'ECONOMIE MALGACHE A L 'AUBE DU XXI ème SIECLE )avec cet économiste hors paire qu'est PEPE ( comme on l'appelait toujours , ).Il est évident , les reflexions qui ressortent de cet article n'engagent en rien celles du Pr PEPE , c'est une variante en quelque sorte du domaine de l' Economie monétaire dans lequel le Pr Pépé a brillé par la rigeur de ses analyses .En somme , le Pr Pépé part , ses oeuvres , ses écrits et sa pensée vont encore guider bon nombres d'économistes malgaches , politiciens dans les decennies à venir . .Une chose est sûre , le cafeteria du Motel d' Anosy ( là où il se rendait regulièrement tous les jours papoter avec ses amis et surtout faire le point sur l'avancement de ses étudiants dans leurs memoires ou leurs thèses ) a perdu quelqu'un qui a marqué le lieu , mais c'est c'est l' Université d'Antananarivo , en particulier le Département Economie qui perdu son pillier .Esperons que les jeunes rélèves ( sans oublier la compétence des autres professeurs encore vivants ) dont Mamy Ravelomanana ,les jeunes profs (que je connaissent pas personnelllement ) ,et évidemment SHADOW ( celui du tafatafa )seront à la hauteur du vide que Pépé nous a laissé et que Madagascar puisse arriver à appliquer une politique monétaire responsable et souveraine- un combat qu'il a toujours mené avec acharnement et rigeur.ALORS PARTEZ EN PAIX MONSIEUR LE PROFESSEUR PEPE , ON PENSE A VOUS


BONNE LECTURE A VOUS TOUS ET BONNE CRITIQUE

LA POLITIQUE DE CHANGE DE MADAGASCAR DANS LE CADRE DE L’AJUSTEMENT STRUCTUREL :DU REGIME DE DEVALUATION SUCCESSIVES DES ANNEES 1980 AU FLOTTEMENT LIBRE D’APRES 1994
Introduction
Depuis des siècles et de nos jours, la sphère monétaire constitue une branche fondamentale de l’économie. Les crises financières récurrentes des pays émergents des années 1990 et des années subséquentes mais aussi la vulnérabilité financière des PMA montre à quel point le régime monétaire des PED constitue le noyau dur de leur système financier .Ce constat met en exergue la problématique de la souveraineté monétaire des PED dans une perspective historique mais aussi celle récente. Le Système Monétaire International (SMI) d’aujourd’hui comme celui d’après guerre est marqué par une forte domination du dollar américain. L’hégémonie du dollar est une évidence malgré les disfonctionnements qu’a traversés l’économie américaine. Les Etats-Unis avec sa monnaie restent le cœur du SMI , alors que de l’ autre coté , il y a la périphérie essentiellement constituée des PED (émergents , et PMA) et les autres pays industrialisés .Le régime de change des PED est de plus en plus disparate dans un monde fortement financiarisé [Allegret Jean , 2005] .La dollarisation (et l’ euroisation ) des PED (Colliac [2006 ], Sorocco [ 2005] ,Minda [ 2005] ,Salama [ 1988] ) ;les régimes de currency board (Ponsot [2004], Duburq [2006] ) ;le régime de zone franc en Afrique (Sandreto [ 1994] ,Benoit Claveranne [2005] ,Célestin Monga et Jean Claude Tcatchouang [1996] ,Michel Lelart [2003, 2007] ,Hakim Ben Hammouda [2001]) sont les preuves tangibles qui corroborent le fait que les PED sont condamnés d’avance à vivre dans une sorte de « soumission monétaire » malgré leur bonne volonté de mettre en place une politique monétaire et financière responsable .Le déséquilibre croissant des rapports financiers et monétaires au niveau mondial débouche régulièrement à une sorte d’asymétrie monétaire du SMI qui s’explique par la perte progressive ou totale de la souveraineté monétaire des PED .Devant une telle situation ,pour faire face au défi de développement et aux reformes qui s’ensuivent , bon nombre des PED ont essayé de mettre en place une politique financière responsable jugée apte à faire face au sous-développement de leur secteur financier. Si dans certains pays à l’instar des grands pays émergents asiatiques d’aujourd’hui ( Singapour ,Chine , Thaïlande , Indonésie , Malaisie ) ou de quelques pays de l’ Amérique latine ( le Brésil , Argentine , Mexique ) le résultat était presque au rendez-vous , dans bon nombre de pays constitué principalement des PMA ,la stagnation et la pauvreté constituent encore les deux maux qui les rongent .Fautes de ressources suffisantes et face à leur besoins de financement pour faire face à la crise d’endettement international des années 1980 , bon nombre des PED ont été obligés d’appliquer la Politique d’ Ajustement Structurel (PAS) imposées par les Institutions de Bretton Woods (IBW) . Cette politique a mis d’office ces pays sous tutelles financières des IBW avec les conditionnalités qui s’ensuivent .Comment un pays comme Madagascar a pu gérer sa politique monétaire durant la période d’ajustement structurel qui date du début des années 1980 ?Pour être précis cette étude sera consacrée particulièrement à la politique de change de Madagascar .D’une autre manière quelle était l’éffectivité de la politique de change de Madagascar durant la période d’ajustement ?Les éléments de réponses à cette question nous incite à voir successivement ci-dessous : i) un bref rappel de la relation entre les IBW et les PED en matière monétairer ;ii) la période de change fixe d’avant 1994 marquée par une dévaluation successives ;iii)la période de change flottant d’après 1994 marquée par une dépréciation en cascade de la monnaie malgache; iv)quelques pistes de réflexion pour une politique de change responsable
Développement
I-Bref rappel de la relation entre les PED et les IBW en matière monétaire
La Politique d’Ajustement Structurel (PAS) des années 1980 a mis bon nombre des PED sous tutelle financière des Institutions de Bretton Woods (IBW) avec les conditionnalités qui s’ensuivent .La PAS est un domaine très vaste ,mais ici l’analyse sera surtout focalisée dans le cadre monétaire en particulier la politique de change .
Dans quelle mesure alors les coopérations avec les IBW remettent en cause la souveraineté monétaire des PED sous ajustement ? Les accords de coopération avec les Institutions de Bretton Woods (IBW) influent –ils d’une manière significative la souveraineté et la gestion monétaire des pays sous ajustement ? Voilà les deux questions centrales qui méritent d’être posées ici.
On sait, au centre des relations avec les IBW se trouvent des conditionnalités qui cadrent les négociations avec les Etats membres en besoin de financement. Si dans le cadre général , le FMI est tenu à faire respecter l’équilibre macroéconomique via un cadrage pointu des critères à respecter , la Banque mondiale est traditionnellement tenu à financer le développement dans toutes ses dimensions avec des résultats plus mitigés qu’on connait déjà .A coté de la rigueur budgétaire , des mesures de libéralisation et des autres critères retenus dans les dix commandements du Consensus de Washington , la rigueur monétaire fait figure parmi les critères vedettes de la Politique d’Ajustement Structurel ( PAS).Le FMI en particulier fait de ce critère de rigueur un dogme. Se référant à l’ article IV du FMI , Michel Lelart [2007,p.73] résume d’une manière synthétique les contraintes qui pèsent sur les PED dans le cadre de la PAS : « Chaque pays s’efforcera d’orienter sa politique économique… ,il ne doit pas l’orienter mais seulement s’efforcer de le faire ; chaque pays cherchera à promouvoir la stabilité …,il ne doit pas la promouvoir mais seulement chercher à le faire ;enfin, chaque pays évitera de manipuler les taux de change …, il ne lui est pas interdit de manipuler les taux de change , il doit seulement éviter de le faire ».En Afrique , comme dans les pays émergents , le FMI a été toujours présent dans le cadrage de la politique monétaire . La programmation financière (y compris monétaire) des pays sous ajustement doit avoir l’aval du FMI sinon, le déblocage des fonds ultérieurs et des programmes y relatifs pourraient être suspendus. Encore , dans bon nombre de pays, le FMI n’hésite pas à interférer directement dans leur gestion monétaire .L’article IV du FMI stipule qu’un pays peut choisir de définir et de stabiliser sa monnaie par rapport au DTS, à une autre monnaie, à plusieurs monnaies ou de la laisser flotter plus ou moins librement. Il faut seulement que sa politique soit conforme aux objectifs du Fonds. La seule limitation est l’interdiction formelle de toute référence à l’or. Une fois son choix effectué , un pays doit s’y tenir et appliquer le système choisi.[Ibid ,p.72].Le statut du FMI donne alors une certaine liberté aux pays membres en matière de régime monétaire ou régime de change .Mais il doit en même temps exercer une ferme surveillance sur les politiques de change des Etats membres , ce qui justifie son intervention régulière dans le choix des régimes de change des PED .Une des dispositions de l’ article IV adoptée par les administrateurs le 29 avril 1979 stipule : « Tout membre doit s’abstenir de manipuler les taux de change … en vue d’empêcher l’ajustement effectif de sa balance des paiements ou de s’assurer un avantage compétitif inéquitable sur d’autres membres ».[Ibid , p.76] . Ce point montre comment la coopération avec le FMI remet en cause la souveraineté monétaire des pays sous ajustement. Malgré la liberté du choix de régime monétaire et de change que leur offre le statut IV , une autre section de celui-ci contredit ce fait privant les PED de l’ajustement monétaire qui s’impose à un certain moment .Il en ainsi des mesures de dévaluations successives imposées des années 1980 et 1990 mais aussi celles des dernières années dans les pays africains, en Amérique latine ,le changement de régime de change juste à la demande du FMI , les changements de parité dans les pays émergents .
II-La période de Change fixe : les dévaluations successives de 1980 à 1994
Avant d’entrer dans le vif du sujet , un petit detour relatif à la Banque Centrale Malgache ( BCM) s’avère capital .
Sur le site de la BCM on peut lire qu’ « après la sortie de Madagascar de la zone franc, la Banque Centrale fut créée le 12 Juin 1973 par l’Ordonnance n° 73/025 définissant ses statuts. Elle a pris la succession de l’Institut d'Emission Malgache. L’abrogation de cette loi et son remplacement par la Loi n° 94-004 du 10 Juin 1994 consacrent l’indépendance de la BCM en matière de politique monétaire... Ainsi, l'année 1994 a-t-elle été une année charnière pour la BCM, car elle marque le début de l'abandon des instruments d'intervention directe et l'usage accru des instruments d'intervention indirecte de politique monétaire ».
De manière générale, « la BCM a pour mission générale de veiller à la stabilité interne et externe de la monnaie. A ce titre, elle élabore et met en œuvre la politique monétaire. Cette mission est soumise à deux contraintes :
a. la politique économique générale du Gouvernement, dont l'élaboration, matérialisée par la Loi des Finances, aura fait l'objet de consultation auprès de la Banque centrale ;
b. la Banque centrale doit veiller à maintenir un niveau approprié de la réserve nationale de change. »
Théoriquement, la mission, l’indépendance et la transparence consacrées par les textes de la BCM devraient contribuer à la crédibilité que peuvent lui accorder les marchés quant à la pertinence de la politique monétaire. Or dans la pratique, les décideurs de la BCM se plient au bon vouloir du pouvoir politique et n’ont pas d’attitude responsable.
Le Gouverneur de la BCM est le personnage central de la politique monétaire. Le Directeur général supplée le Gouverneur dans sa mission. Au regard de la mission de la BCM, les critères de choix des administrateurs et des censeurs mériteraient plus de rigueur. Si on y trouve certes des professionnels, certains sont plus des personnalités inféodées au régime, que des personnes reconnues pour leurs compétences en matière monétaire et financière. Idem pour toutes nominations à la BCM. La crédibilité de la BCM exige qu’elle ne doive pas souffrir d’interférence de conflits d’intérêt dans les nominations pour éviter des suspicions de délits d’initié.
La Politique de change constitue une partie intégrante de la politique monétaire de la BCM. En effet, elle considère que la défense de la parité des pouvoirs d’achat passe avant tout par la stabilité des prix intérieurs. Le taux de change nominal de l’Ariary en est un des principaux facteurs.
Durant les années 1980 ,la politique de change appliquée par l’ autorité malgache est « un régime de change fixe « comme monnaie pivot le Franc Français ( FF).Ce choix se justifie par le fait que du point de vue de l’ autorité monétaire ( largement sous contrôle du pouvoir public ) ,Madagascar reste un pays qui ne dispose pas de ressources en devises suffisantes pour faire face aux fluctuations des prix des matières premières .La fixité de change vis-à-vis du Franc Français ( le premier partenaire économique ) constitue un gage de stabilité de économique pour l’autorité locale et ce jusqu’en 1994 .
On sait, la fixité du taux de change signifie que la constitution de réserves de change pour assurer la valeur de la monnaie nationale est devenue une obligation dans la politique économique. Comme c'est à la politique monétaire de satisfaire cette contrainte de réserves de change, la règle de Tinbergen [1952] bien connue des économistes se trouve mise à mal. Selon cette règle, la politique économique gagne en efficacité quand le nombre des objectifs à atteindre correspond au nombre des instruments utilisés. Si la politique monétaire doit s'occuper, en plus de la régulation de l'inflation par exemple, de la constitution de réserves de change, elle deviendra moins efficace. A Madagascar, le choix du régime de change fixe est largement influencé par cette hypothèse et les différentes contraintes qui pesaient sur l’économie malgache ont conduit régulièrement l’ autorité monétaire à prendre des mesures de dévaluations.
Sous l’impulsion du FMI , l’autorité monétaire malgache a opté à plusieurs reprises à des mesures de dévaluations successives du FMG ( la monnaie malgache) pour relancer la compétitivité prix de l’ économie malgache. Il est à rappeler que les relations entre prix, compétitivité et taux de change se base entre autres sur la théorie de la parité des pouvoirs d'achats développée par Gustave Cassel [1918] il y a plus de 80 ans déjà .
Cette politique ( la dévaluation ) sert en particulier à compenser les pertes de revenus des paysans en cas d’effondrement des cours des matières premières en augmentant la compétitivité prix des produits exportés. Mais la réalité a été toute à fait une autre. Loin d’assurer la stabilité des revenus des exportateurs (secteur agricole et autres secteurs exportateurs) ,les différentes mesures de dévaluations ont empiré encore la situation économique de Madagascar . Par le fait que Madagascar est un pays qui ne domine pas et ne peut pas influencer le marché international, la compétitivité prix des produits malgaches via la dévaluation n’était pas au rendez-vous.
En plus, le Marché Interbancaire des Devises ( MID ) n’existait pas encore . Ceci fait que les effets attendus de la dévaluation via l’effet d’annonce a presque disparu.
Entre 1986-1992 , les cours des principales matières premières ( café , cacao , vanille) ont chuté dans des proportions entre 60 % et 80 % .Dans un contexte marqué par une baisse notable du prix des matières premières ( cacao , café) , alors que dans bon nombre de pays africains comparables –les pays de la zone franc CFA , l’arrachage était de règle , à Madagascar ,la surproduction a renforcé encore le dégringolade des recettes d’exportations.
Entre 1986-1992 , le franc malgache a été devalué de 540 % .Mais contrairement à l’ argumentation du FMI , la compétitivité de l’ économie malgache n’ était pas du tout retrouvée .Le bilan est donc très mitigé voir décevant pour les bailleurs de fonds ( en particulier le FMI ) ,car la dépréciation de la monnaie Malgache, malgré son ampleur, est demeurée insuffisante pour endiguer la baisse de la production et pérenniser la culture du café et de la vanille entre autres.
La dévaluation, ce mécanisme fruit de la « pensée unique technocrate », appliquée aux pays du tiers-monde et notamment à Madagascar est :
- techniquement infondée : une demande mal satisfaite (payée trop chère) ou insatisfaite
d.une devise, n’engage en aucune manière la responsabilité de l’Etat Malgache et ne peut donc impacter la parité de la monnaie nationale.
Au demeurant, les parités de l’Ariary sont du ressort de la souveraineté nationale et doivent être déterminées uniquement sur la base des critères et des paramètres fondamentaux de l’économie malgache.
- et économiquement aberrante : quel pays dont 80% des recettes d’exportation reposaient sur des matières premières et les produits manufacturés dont les prix sont fixés par le marché, aurait eu un intérêt quelconque à dévaluer ?
Force est de constater que les contradictions ne manquent pas. Ainsi , lors des discussions sur l’OMC, les pays du Nord accusaient ceux du Sud de Dumping social, alors que dans le même temps les bailleurs de fonds ( le FMI ) leur imposaient la « dévaluation compétitive ».
Et enfin plus simplement, si la dévaluation était une panacée, pourquoi la 1ère économie du monde
qui présente pourtant tous les symptômes pour y procéder ne le fait-elle pas :
- un déficit commercial record qui dénote une absence évidente et totale de compétitivité,
- un record « mondial » en termes de déficit budgétaire,
- et partant, le pays le plus endetté de la planète.
Pourtant au lieu de dévaluer, elle s’est contentée de demander, sans succès, à son partenaire commercial principale source de son déficit (la Chine), de réévaluer sa monnaie.
Revenons nous à nos moutons ,l’économie malgache, au lieu de se développer dans un « cercle vertueux » de croissance, se retrouve enfermée dans une spirale dépressive et un « cercle vicieux » qui se rétrécit sur son centre .Une dévaluation génère une inflation importée qui ponctionne substantiellement et de manière instantanée le pouvoir d’achat des ménages et maintient les taux d’intérêts à des niveaux très élevés. La baisse des ventes des Entreprises qui en résulte, conjuguée aux coûts prohibitifs du financement empêchent toute initiative de création d’Entreprises et donc d’emplois, et détruisent ceux existants car les PME fragilisées en sont réduites à licencier du personnel, voire à déposer leurs bilans, entrainant une contraction complémentaire de la demande.
Les effets cumulés de ces phénomènes provoquent une chute des recettes fiscales de l’Etat que les bailleurs de fonds obligent alors à réduire de train de vie. Ce qui entraîne une réduction additionnelle de la demande et puis survient une nouvelle dévaluation qui ne fera que répéter en l’accentuant tout cet enchainement de baisses, allant jusqu’à casser l’appareil productif.
Et le cycle de pauvreté de se reproduire ainsi indéfiniment, avec son cortège d’insécurité et de corruption généralisée, qui pour 99% de la population n’est finalement qu’un moyen essentiel et vital de survie au jour le jour.
Malgré la surevaluation du taux de change effectif réel observée entre 1970 et 2003 [Michael GOUJON , 2008],le taux de change nominal reste largement marquée par des mesures de dévaluations en cascades .Goujon [ 2008] note ainsi : « Accompagnant la libéralisation commerciale en 1987, une forte dévaluation
Mène à une dépréciation réelle durable. Des difficultés économiques puis la
crise politique de 1991 amènent les autorités à maintenir constant le taux de
change (toujours vis-à-vis du panier de devises) et à adopter de fortes restrictions sur le change en 1992-93 ».
Une chose est sure , à chaque dévaluation, la précarité augmente mécaniquement et des milliers d’êtres humains, y compris les travailleurs, sont de fait condamnés à mort. Non pas parce qu’ils ne travaillent pas mais tout simplement parce que leurs revenus ne leur permettent plus, du jour au lendemain, de s’alimenter suffisamment, et encore moins de se soigner en cas de maladie. Les Experts du FMI et de la Banque Mondiale mettent cet appauvrissement mécanique dû à la dévaluation et son corolaire (l’abaissement spectaculaire de l’espérance de vie) sur le compte de la pauvreté qui elle-même serait due aux dirigeants dictateurs, corrompus et incompétents. Quelle logique de raisonnement !
Du fait, d’une part, de la faiblesse de l’exportation expliquant le déficit chronique de la balance commerciale et d’autre part, de la grande dépendance de l’État à l’aide financière internationale sous la forme de dette publique externe et de l’endettement interne important par émission de titres par l’État, les dévaluations successives n’ont pas été bénéfiques à l’économie malgache mais ont plutôt contribué à la paupérisation généralisée de la population. Les dévaluations n’ont pas développé pour autant l’exportation car les besoins en intrants fortement taxés des entreprises sont en général importés.

En bref, à Madagascar, la demande a été totalement atrophiée par les dévaluations successives destinées à maintenir artificiellement les cours des matières premières en monnaie locale et à en pérenniser la production à tout prix. Elles ont complètement déstructuré le rapport entre salaire et coût de la vie dans le reste de l’économie pourtant étranger au « café et à la vanille » et par ailleurs majoritaire, et fait que la quasi-totalité de la population, y compris les salariés, vit dans la plus grande précarité.
La classe moyenne a disparu depuis des lustres et depuis longtemps, un salaire ne suffit plus qu’à couvrir à peine les besoins alimentaires primaires.

Les mesures de dévaluations successives a fait que le FMG a perdu 540 % de sa valeur de 1986 à 1992 . C’est dans ce contexte que les mesures de flottement commençaient à prendre le relais dans les cercles de décisions et des négociations en haut lieu entre Madagascar et les IBW en particulier le FMI .


C’est alors que les experts ont imaginé le système du « flottement » de la monnaie malgache, qui marque le début de la glissade sans fin du Fmg, et dès 1994 la rumeur préparait l’opinion publique à une parité de 1.000 Fmg pour 1FF .
III-La période de flottement libre d’après 1994
Pour ses partisans, le régime de flottement présente l’énorme avantage d’introduire une flexibilité dans la conduite de la politique économique. Après une concertation avec le FMI dans le cadre du SHADOW programme ,l’autorité monétaire malgache avec l’aval du pouvoir public a progressivement libéralisé sa politique monétaire. Après un système de change dirigé où le taux de change est fixé par voie officielle, par les autorités, le pays a opté pour un régime de change flottant par la Convention de place du 04 Mai 1994 entre la Banque Centrale de Madagascar et les banques primaires malagasy. Comme le note la BCM dans son site internet: « Au niveau de la règlementation des changes, les grandes orientations vers une économie de marché, suite à l’acceptation par Madagascar des obligations de l’Article VIII des statuts du FMI ont impliqué une réforme du cadre légal et règlementaire dont les dispositions sont définies par la loi n° 2006-008 du 02/08/2006 portant Code des Changes.
Ainsi ,le 6 Mai 1994, le Marché Interbancaire de Devises (MID) dont le taux de change est déterminé par la confrontation de l’offre et de la demande de devises a été créé. A partir de là ,le cours du Franc Malgache par rapport aux devises étrangères est librement déterminé par le marché. Il peut varier à l’intérieur de chaque journée en fonction de l’évolution. Seules la Banque Centrale et les banques commerciales agréées et ayant adhéré à la convention participent au marché interbancaire .Les banques commerciales peuvent effectuer des opérations correspondant soit à la couverture d’ordres reçus de leur clientèle, soit à des prises de position pour leur compte propre dans le cadre des limites fixées par les autorités. La Banque Centrale opère sur ce marché soit pour couvrir les ordres de sa propre clientèle, soit dans le cadre des opérations de gestion des réserves de change du pays. Comme le note le Pr Andrianomana Pepe [2000] : « le MID est marché d’oligopole par excellence » car il n’y a que quelques intervenants consitutés principalement des banques primaires et la Banque Centrale Malgache ( BCM) .
D’autre mesures viennent renforcer le décret relatif au MID en 1995 et durant les années subséquentes .Le texte de 1995 sur la règlementation des comptes en devises d’inspiration libérale a permis aux acteurs économiques, à partir de 1996, de garder, à leur gré, leurs recettes d'exportation dans des comptes en devises. « De même, la libéralisation des changes a été renforcée la même année par la libéralisation des transactions courantes avec l'étranger (Paiement des transactions de biens et services, transfert des salaires et dividendes, des revenus des biens meubles et immeubles,…) ». Ces mesures ont rétabli la confiance et réduit fortement la différence de changes entre les cours officiels et les cours du marché noir. En 2004, un texte contraignant sur la libre transférabilité des opérations financières a été adopté, en prétextant la lutte contre le blanchiment et la corruption. En réaction, le marché parallèle de change s’est revigoré et l’écart entre les cours officiels et les cours du marché noir a augmenté, cela dénote un manque de confiance du marché.
Mais comme c’était encore très loin de compenser la faiblesse des cours des matières premières, les dirigeants d’alors avertissaient déjà que cela ne serait sans doute pas suffisant. Mais surtout, ils leur permettent d’atteindre le niveau de parité souhaité quel qu’en soit le niveau, dans un laps de temps très limité. Quoi de plus naturel diront-ils puisque c’est le marché qui détermine le cours du FMG devenu l’Ariary.Mais l’évènement qui s’ensuit va monter tout à fait le contraire car la monnaie malgache va dégringoler d’une manière substantielle sans apporter une compétitivité économique à l’économie.
Ainsi sous couvert de « technicité » et de « loi du marché » selon laquelle la parité de l.Ariary ( la monnaie malgache ) doit être déterminée par « l’offre et la demande » sur le MID, le FMI et la Banque Mondiale ont abusivement imposé la dévaluation pour soutenir artificiellement les cours des matières premières,
enregistrant comme seul succès l’amélioration très remarquée du rang de la Grande île dans le classement des pays les plus pauvres du monde. Quelle absurdité !
Etant donné que la monnaie malgache ( l’ Ariary ) est une monnaie non convertible , l’autorité monétaire malgache n’a aucune obligation , ni d’aucune d’autre nature de se constituer contrepartie en dernier ressort aux fins de satisfaire une demande formulée par un tiers (Investisseurs, particuliers, importateurs ,etc.) d’échanger de la monnaie locale contre une devise étrangère.
Ce qui n’est pas le cas d’un pays à monnaie convertible, qui à défaut de ne pouvoir faire face à une telle obligation liée à la convertibilité, verrait sa monnaie subir une dévaluation technique. C’est bien pour cela que le Brésil et l’Argentine, dont les monnaies ne sont pas convertibles, ont pu en 1994, et ce pratiquement du jour au lendemain, aligner leurs monnaies respectives sur le Dollar américain.
De ce fait, une dépréciation de la monnaie malgache suivant un soi disant « loi de l’offre et de la demande » sur le MID apparait une fausse route .
Et d’ailleurs de quelle « offre et demande » parle t-on à Madagascar sinon de transactions quotidiennes qui frisent le ridicule par leurs volumes et leurs montants : parfois quelques millions et un nombre de transactions qui se compte avec les doigts d’une main pour la devise la plus active (l’Euro) voire aucune transaction pour la 1ère devise mondiale (l‘USD).
On veut convaincre les malgaches que parce que quelques importateurs, un jour que le bon Dieu a fait, ont eu du mal à trouver une devise et ont dû la payer plus chère, la parité de l’Ariary doit en être affectée entrainant le reste de l’économie du pays dans un gouffre sans fond.
Ou alors on avance l’argument éculé du différentiel d’inflation avec le marché financier international : mais c’est bien la dévaluation qui alimente l’inflation .
Le tableau ci –après illustré par le graphique montre à quel point le régime de change flottant mis en place en 1994 a amené la monnaie malgache dans un rythme de dépréciation exceptionnelle.


Tableau : Taux de change nominal de l’ Ariary par rapport à l’ Euro et le Dollar US ( 1996-2008)

1996 1997 2000 2002 2004 2005 2008
EURO 1150 1251,4 1273,8 1437,2 2488 2504
$US 810 1020,2 1357,4 1318,4 1277,8 2003 1708
Source :Auteur à partir de Banque Centrale de Madagascar ( Rapports et bulletins d’information annuel).
















Graphique :



Source : Auteur à partir de Banque centrale de Madagascar ( Rapport et Bulletin d’information annuels)

La dépréciation de la monnaie malgache est flagrante depuis la mise en place du flottement en 1994 . A cause d’un problème statistique fiable, l’analyse a été faite ici entre l’année 1996 et 2008 . Ainsi l’ Euro valait 1150 Ariary en 1997 , passe à 1273 Ariary en 2002 au moment de la crise politique de 2002 et s’établit à 2504 Ariary en 2008 . Dans l’ espace d’une décennie , l’ Ariary s’est dépréciée ainsi de l’ordre de 1354% par rapport à l’Euro .Le cours de l’ Ariary par rapport à au dollar US suit la même tendance .Alors qu’un dollar valait 810 Ariary en 1996 , en 2002 , ce cours s’était fixé à 1318 Ariary en et 1708 Ariary en 2008 . De 1996 à 2008 , la monnaie malgache a perdu alors de l’ordre de 1177, 39 % de sa valeur .
Dix –on , les chiffres parlent d’eux –même , à la lumière de ces chiffres , le régime de flottement mis en place depuis 1994 n’a pas du tout apporté une stabilité à l’ économie malgache . A la lumière de la théorie économique dominante largement véhiculée par les IBW , la dépréciation chronique de la monnaie malgache ( l’ Ariary ) devait rendre compétitive l’économie malgache via la compétitivité prix des produits exportés . Mais au contraire, cette dépréciation soutenue de l’Ariary a alimenté l’inflation via le renchérissement des produits importés. En tout état de cause, le régime de flottement n’a pas pu mettre la Grande ile sur le même diapason que des pays comparables comme l’iles Maurice, l’Afrique du Sud , le Botswana et quelques pays de l’ Afrique australe .
Il est crucial de noter qu’en dehors des paramètres nationaux, l’évolution du cours de l’ Ariary est aussi largement influencée par la parité Euro/Dollar au niveau international .La Banque Centrale Malgache dans son bulletin d’information 2008 note bien cette tendance .On peut lire ainsi dans ce bulletin de la BCM [ 2008] : « A fin septembre 2008 et par rapport à fin décembre 2007,
il a été enregistré une appréciation de 8,5 pour cent vis-à-vis de l’euro et de 7,4 pour cent vis-à-vis du dollar US, soit une appréciation de 8,5 pour cent de l’indice composite. Cependant, par rapport à fin juin 2008 et consécutivement à l’appréciation du dollar au niveau mondial, la monnaie nationale s’est appréciée de 4,7 pour cent par rapport à l’euro, mais s’est fortement dépréciée de 4,4 pour cent par rapport au dollar US. L’indice composite
indique une légère appréciation de 1,2 pour cent de l’ariary. Les trois premiers trimestres de 2008 ont été marqués par la poursuite de l’appréciation du Taux de Change Effectif Réel (TCER), donc de l’érosion de la compétitivité externe
de la monnaie nationale. Il s’agit d’une tendance déjà observée depuis le second trimestre 2006. A fin septembre 2008, le TCER s’est apprécié de 13,6 pour cent par rapport à fin décembre 2007 et de 17,0 pour cent en glissement annuel. Cette appréciation réelle est essentiellement attribuable à l’appréciation nominale de l’ariary (hausse du TCEN) et à l’inflation intérieure relativement plus élevée (6,7 % par rapport à décembre 2007) que celle des partenaires commerciaux de Madagascar (2,4 %) ».
Dans la mesure où Madagascar est un pays extraverti largement dépendant des exportations, de l’aide extérieure et du tourisme, le régime de flottement n’apparait pas la solution optimale dans la conduite de sa politique de change. L’étroitesse du Marché Interbancaire des Devises ( MID ) et le volume de transactions traitées sur ce marché font que l’équilibre résultant de l ’offre et de la demande en devise ne reflète pas vraiment la réalité économique du pays .Il faut rappeler que le MID à Madagascar est une sorte de marché d’oligopole sur lequel intervient la Banque Centrale Malgache ( BCM ) , quelques institutions bancaires et institutions agrées[Pepe Andrianomanana ,2000] .La moindre information ou un petit dérapage politique ( comme celle de mesure de détaxation de à l’aveuglette de 2004 ) ,la chute de l’entrée en devise via la suspension des aides et financements des bailleurs de fonds , la forte variation des recettes d’exportations , la fluctuation du volume relatif à l’ IDE ,le mouvement en dent de cie du tourisme , la stabilité politique sont autant de paramètres qui déterminent et influencent la stabilité ou la variation du taux de change à Madagascar.


Conclusion
De 1980 à nos jours qu’on soit dans un régime de change fixe ou dans un régime de change flottant, la monnaie malgache n’a cessé de se déprécier (versus se dévaluer) par rapport aux devises clés ( FF , Euro ,$US ) . Sans vouloir infligé un jugement infondé sur la BCM , ce constat nous amène à dire que la Banque Centrale Malgache ( BCM) a failli à l’une de ses principales missions : la stabilité monétaire .Mais elle n’était pas seule responsable de ce désastre .
Malgré l’indépendance apparente de la BCM stipulée par son statut, l’autorité politique qui s’est succédé s’immisce régulièrement dans la conduite de la politique monétaire et la politique de change. La main mise des IBW surtout le FMI dans le cadre des différents programmes successifs ( FAS , FASR , FRPC ) constitue aussi un des blocages majeurs de la mise en place d’une politique de change responsable à Madagascar .Pour beaucoup de raisons ,le retour à un régime de change fixe est largement conseillé car à l’ allure actuelle des choses ,avec les conséquences économiques de la crise politique actuelle ( depuis janvier 2008), la monnaie malgache risque encore de s’enfoncer et de se déprécier fortement vis-à-vis des deux devises pivot ( l’ Euro et le Dollar).Mais à l’instar de bon nombre des PED , en matière de taux de change , l’important est de savoir quel est la priorité du gouvernement .Jusque là , ni le change fixe , ni le change flottant n’ont pas encore apporté leur fruit , les résultats escomptés à Madagascar .Certes , la politique de change ne constitue qu’une partie de la politique monétaire d’un pays qu’il soit riche ou non ( Emergents et PMA ) .Mais elle constitue quand même le noyau fondamental de celle-ci et influe d’une manière significative sur la performance économique du pays en question ainsi que sur les conditions de vie de la population. On peut se demander ainsi, comment et quand l’autorité monétaire, le pouvoir politique local , les IBW arriveront-ils à trouver un régime de change optimal apte à faire décoller Madagascar du cercle vicieux de la pauvreté qui évidement passe obligatoirement par la stabilité de sa monnaie ? L’avenir nous apprendra la suite !






BIBLIOGRAPHIE
-Andrianomanana Pepe ., al. [2000], Madagascar, Le secteur financier à l’aube du XXI ème siècle : Etat des lieux et orientations, Centre d’Etude Economique(CEE), Université d’Antananarivo et JFK School of Government, Harvard University.
-Artus Patrick [2006], La résolution des crises dans les pays émergents, Economica, Paris.
- Aglietta M ., Orléan A. [2003]; La monnaie entre violence et confiance, Odile Jacob.
-Allegret Jean Pierre[2005] ,Les régimes de change dans les marchés émergents :Quelles perspectives pour le XXIème Siècle ? , Vuibert ,Paris .
-Banque Centrale de Madagascar, Bulletin d'Informations et de Statistiques - Supplément Annuel, de 2000 à 2008, Antananarivo.
_______ ,Rapports annuel , 1996 à 2008 .
-Blanc Jerome , Ponsot Jean François [2004] crédibilité et currency board :le cas lituanienrevue d’économie financière, n°75, 2004, pp. 113-127.
- Colliac Stéphane [2006] , Les conditions préalables à la dollarisation totale : Application à l’ Amérique latine , Thèse de Doctorat ès Science Economiques , Université Montesquieu Bordeaux IV , Octobre.
- Cravereau J., Jacques Trauman [2001] ,Crises financières, Economica.
-Duburq Caroline [2006] , Comportement de l’indice de risque-pays en régime de fixité extrême des changes , Économie internationale 2006/2, N° 106, p. 85-108.
-Hakim Ben Hammouda , Moustapha Kasse [2001],L’avenir de la zone franc.
-Lelart, M [2007], Le système monétaire International, la Découverte, Repères.
-Lelart M., L'Union monétaire en Afrique de l'Ouest, L'Économie Politique 2003/3, n°19, p. 106-112.
-Minda Alexandre [ 2005] , La dollarisation intégrale : une option monétaire de dernier ressort pour l’Amérique latine ? Mondes en Développement Vol.33-2005/2-n°130.
-Sandretto Réné (sous la direction) [1994], Zone franc : Du franc CFA à la monnaie unique européenne, les éditions de l’épargne, Paris .
-Sgard Jérôme [2002] , L’économie de la panique, faire face aux crises financières, Découvertes.
-Socorro Heysen [2005], La dollarisation le tout, Revue Finance et Développement, Mars, FMI.
-Stiglitz J. [2002], La grande désillusion, Fayard.
-Tinbergen Jan [1952], On the Theory of Economic Policy, North Holland, Amsterdam.

jeudi 2 avril 2009

KEYNES IS BACK

Bonjour ,
A propos du G20 , c'est le jour J aujourd"hui .
Sans entrer dans les details des mesures et decisions qui vont sortir de ce sommet, la proposition chinoise de création d'une monnaie internationale me semble l'une des propositions importantes de ce sommet . Cette proposition va certainement constituer le noyau dur des reformes du SFI et du Système Monétaire International (SMI) dans les années à venir .
Evidement , les Etats-Unis ne vont jamais accepter ce genre de proposition qui évidement remet en cause les avantages de la " Suprematie du dollar" comme monnaie internationale jusque là.
La création d'une monnaie internationale est l'une des propositions phares du plan Keynes de 1944 ( proposition britannique ) dans le cadre de la preparation du SMI de l' après guerre . Mais c'est la proposition avancée par Harry Dexter White ( secretaire d'Etat au trésor américain ) qui l' a emporté comme finalité , la crétion du FMI .
Peut etre , le temps du liberalisme à tout va et de l'imperialisme financier occidental ( surtout américain à) est dejà revolu . A l'allure actuelle des choses , ce genre de reforme ( si possibilité il y en a ) mettra encore des années à mettre en place et il faut le soutien massif sans condition de bon nombre des pays émergents et surtout l' Europe pour péser face à l' hegemonie americaine .
La tendance regulationniste , interventionniste ( mesure de relace à tout va meme aux USA , Europe )qui plane le monde de la finance ces derniers temps et cette proposition de créattion d'une monnaie internationale ( le BANCOR pour Keynes ) sont les signes precursseurs du retour en force du Keynesiannisme.

ALORS DISONS KEYNES IS BACK .

lundi 30 mars 2009

LE SOMMET DU G20 DU 02 AVRIL A LONDRES:QUEL AVENIR POUR LA FINANCE MONDIALE?

Voilà , à quelques jours du sommet du G20 ( G7 plus les principaux pays émergents) , bon nombre d'observateurs, des analystes , politiciens et simples citoyens se demandent sur les réponses que pourront amener les dirigeants de la planète face aux désordres de plus en plus menaçant du disfonctionnement du capitalisme financier de ces dernières années qui constituent la pièce centrale de la crise actuelle .Si pour les uns , il importe de mettre en place un système financier plus règlementé qui fait appel à une coordination supranationale de la finance mondiale .Pour d'autres c 'est le fonctionnement du capitalisme financier qui mérite des reformes tout en avançant que le système libéral de l' économie de marché ne doit pas être remise en cause profondément . Cette position reste ( à l' évidence ) la position des Etats-Unis et d'une certaine manière celle de la Grande Bretagne qui ne trouve pas intérêt à ce que le fonctionnement et le modèle néolibéral de l' économie de marché (cœur du capitalisme financier ) soit remise en cause .Il ne faut pas oublier que Londres est la capitale de la finance où la loi de la finance et la quête de rendement prime avant tout à l'image des principaux centres financiers. La position régulationniste de l’Europe au premier rang se trouve le président pseudo-libéralo-keynésien français Sarkozy (tantôt libéral, tantôt interventionniste on ne sait plus)et la chancelière allemande Merkel doit faire face alors au libéralisme et laisser faire déguisé des américains et des anglais. Evidement, la position des pays émergents et surtout de la Chine sera déterminante mais une chose est sure, c'est le rapport de force entre l'Europe et les Etats-Unis qui va déterminer l'issue de ce sommet qui s'annonce grandiose. L’ampleur de la crise actuelle et ses effets désastreux sur l' économie réelle en termes de croissance et d'emploi montre à quel point le système financier mondial mérite d'être reformée .Mais une reforme mondiale nécessite des concessions de la part des participants .En théorie ( parole) , effectivement on peut imaginer une infinité de solution ( optimale ou non ) pouvant remédier à ce disfonctionnement total du système financier international ( SFI) mais en réalité la faisabilité des reformes avancées reste largement en suspens .Certains observateurs avancent dans ce sens que le FMI est déjà là , il suffit juste de donner un peut de moyen et de pouvoir à cette organisation de Bretton Woods (l'œuvre de Harry Dexter White : ancien secrétaire d'Etat au trésor américain ) qui date de 1944 .Oui , on peut confier un rôle de plus en plus important au FMI pour juguler l'imperfection du fonctionnement de la finance mondiale .Mais pour deux raisons :i)l'effectivité réelle de son pouvoir ;ii)-manque de ressources financières , il ne sera jamais en mesure de réguler et de prendre e charge réellement l'avenir du SFI .
Je m'explique
L'effectivité réelle du pouvoir du FMI est (sera) limitée à une crise qui touche les PED ( pays émergents ou pays pauvres) .Faut-il encore rappeler que même ces dernières années, bon nombre de pays émergents ont pris leur distance par rapport aux Institutions de Bretton Woods et en particulier le FMI . L'Argentine , le Brésil ,l'Uruguay , le Venezuela ,la Malaisie et bien d'autres sont des pays qui ont voulu s'échapper aux politiques néolibérales dans leur pays en remboursant precocement leurs dettes vis à vis de cette institution mais aussi de la Banque mondiale .Le Venezuela de Chavez pour sa part a décidé carrément de rompre sa relation avec les IBW ( Banque Mondiale et FMI ).La gestion des crises financières successives des pays émergents des années 1990 et des années subséquentes ( crise mexicaine de 1994 , asiatique de 1997, russe de 1998 , argentine et turque de 2001 )montre encore les limites de l'effectivité des mesures imposées par le FMI aux pays membres qui demandent son assistance .Que ce soit dans les pays émergents ( à l' exception de la Chine ou quelques pays en désaccords avec le FMI )ou dans les pays pauvres , l'ingérence de plus en plus marquée du FMI dans leur programmation financière et leur politique économique ,les désastres sociaux des Politiques d'Ajustement Structurel ( PAS ) constituent les deux faits majeurs qui l'oblige à changer de cap . Le FMI doit changer de cap alors dit-on d'ici et là et enterrer le culte de l'économie de marché, les rigueurs budgétaire et monétaire pour faire face aux véritables défis des PED (émergents et pauvres ) qui n'est autre que le Développement économique et la stabilité macroéconomique.
Mais il ne faut pas oublier qu'une institution du genre du FMI ne peut pas vraiment exercer un rôle déterminant dans les pays riches à l' allure actuelle des choses .Il est extrêmement impensable d'envisager qu'en cas de crise , les dirigeants et les autorités politiques des pays riches ( même la Chine ou l'Inde) acceptent l'ingérence ou l'imposition voir même le conseil d'une organisation supranationale qui n' a pas de compte à rendre aux électeurs ( souverains potentiels ).L'attitude de ces grands pays riches pendant la période charnière du FMI sur le plan international ( 1944-1973 ) en est l' exemple formel .Certes la mission principale du FMI stipulée dans son statut -en particulier l' article IV est :" la garantie d'une stabilité macroéconomique et d'un régime de change convenable tout en assurant le bon fonctionnement du Système Monétaire International ".Mais à l' exception de quelques pays et c'était d'ordre purement conjoncturel , le FMI n 'a jamais joué un rôle crucial dans la régulation financière des pays riches .Son principal apport a été d'avoir assuré la stabilité de change pendant la trente glorieuse et admettons- le , c'était pas rien quand même .Mais en cas de crise , il est extrêmement difficile d'imaginer que les pays riches vont tourner vers le FMI . A l 'égard des pays riches , le FMI joue le rôle de conseil et pas plus .Les banques centrales respectives de ces pays et leurs ministères de finances , sans oublier les différents organismes spécialisés leur suffisent déjà .L'effectivité réelle du rôle du FMI reste alors à vérifier du coté de quelques pays émergents et des pays pauvres ( qui faute d'accès aux marchés financiers n'ont pas d'autres choix que de demander l'assistance du FMI et de la Banque mondiale ).Il ne faut pas oublier que le flux financier réel net des IBW ( FMI et BM ) vers les PED (par région et dans l'ensemble , pour les principaux pays émergents )est négatif entre 1990 et 2008 à l'exception de quelques pays ( très pauvres) .La crise financière qu'a traversée cette institution ( faute de clients emprunteurs , les recettes diminuent ) a été déjà à l'origine d'un comité spécial censé se pencher sur la situation financière du FMI en 2006 .En effet Monsieur Rodrigo de Rato ( ancien Directeur General du FMI ) a remarqué que la situation financière du FMI est de plus en plus alarmante car les emprunteurs potentiels ( les pays émergents ) n'empruntent plus ce qui constitue un manque à gagner substantiel .Certes , il est indéniable d'avancer que le FMI a encore des rôles à jouer dans un monde de plus en plus financiarisé de nos jours mais sa capacité d'intervention et l' effectivité de son action dépend de la nature , de l'ampleur de la crise à gérer et surtout du poids économique du pays concerné.Tout récemment(il y quelques semaines) , son assistace financière en faveur de la Hongrie , de la Roumanie mais aussi le sauvetage financier en faveur de l' Islande vers le mois de novembre 2008 corrobore ce fait.
ii) La limite des ressources financières du FMI constitue aussi un blocage majeur à ce qu'il joue le rôle de régulateur potentiel du Système Financier International ( SFI).Ces derniers temps , bon nombre d'observateurs avancent que l' augmentation des ressources du FMI constitue la solution la mieux adaptée pour réguler et stabiliser la finance mondiale dans un avenir proche . Evidement , il n'y a pas de mal à ce que l'on augmente les ressources du FMI mais cet effort ne sera jamais à la hauteur de l'enjeux financier du monde actuel .Le budget du FMI est estimé à 338 milliards de dollars US ( 2007) dont environ seulement 150 milliards de dollars US de fonds disponibles ( qu'il peut utiliser immédiatement ).Le doublement de ces ressources ramène le fonds du FMI à environ 700 milliards de dollars US ( dont 300 Milliards de dollars US disponible ) . Il est clair si on se réfère aux enjeux financiers du monde d'aujourd'hui que le FMI ne peut ( ne pourra) pas ( jamais)jouer un rôle déterminant dans la régulation de la finance mondiale en cas de crise . Un rapide coup d'œil des fonds souverains des pays pétroliers et de la Chine suffit à corroborer ce constat .Avec une force de frappe estimée à 943 milliards de dollars US [2007], l’Abu Dhabi Investment Authority (Emirats Arabes Unis ) est le plus grand fonds souverain de la région Moyen -Orient( deuxième après la chine au niveau mondial : 1200 de fonds souverains ). Le « Kuwait Investment Authority » (Koweït) avec 300 milliards de dollars Us de capital, suivi du Qatar Investment Authority (60 milliards), sont les fonds souverains les plus convoités de la région, sans oublier les 400 milliards de dollars de réserves des changes gérées par la Banque centrale de l’Arabie Saoudite.
Encore tout récemment le plan de relance de l'ordre de 783 milliards de dollars US du gouvernement américain ( avec Obama ) , celui de l'ordre de 700 milliards de dollars US ( plan Paulson sous Bush ) de Novembre 2008 ,le plan concerté ou individuel ( par pays ) au niveau européen montre à quel point la force de frappe financière du FMI ne constitue qu'une infime partie par rapport à l 'enjeux financier du monde des pays riches .

Le FMI ne sera jamais alors en mesure de faire face à une quelconque crise financière de grande envergure future .Son effectivité, son pouvoir et surtout ses ressources sont largement en deçà des enjeux politico-économique et financier du monde d’aujourd’hui .
Il appartient alors aux dirigeants du G20 de chercher la solution ailleurs .Une chose est sure, la régulation et la recherche de régulation du Système Financier International ( SFI ) ne sera jamais facile . Mais la défense des intérêts de chacun, et la recherche de compromis (jugé optimal) vont guider impérativement ce sommet du 02 avril.Ici des reformes qui s'inscrvent dans la suite de reglementation relative aux banques ( BALE II:dispositif relatif aux fonds propres des banques , etc ) ou des mesures connexes peuvent etre envisagée . Mais ces genres de reformes ne constituent qu'une partie imergée de l"iceberg . Il est impératif alors de trouver des accords pouvant reguler le fonctionnement du SFI e du SMI dans lensemble , ce qui smble difficile .

A mon sens , il est difficilement concevable que ces dirigeants vont trouver la solution la mieux adaptée à la régulation de la finance mondiale .A défaut d'une institution multinationale dotée d'un pouvoir supranational , ce sommet est déjà voué à l' échec .Cette institution multinationale ( FMI BIS ) doit règlementer le mode fonctionnement du SFI .Là surgit un grand problème , comment va-t-elle intervenir et sur quelle base puisque chaque pays a leurs propres législations et règlementations qui encadrent le fonctionnement de leur système financier .
Formuler les reformes adéquates me parait faisable mail le plus difficile est de passer du parole à l’acte .

En attendant , je pense ( même si sa faisabilité reste encore utopique ) que la création d'un Système de Compensation des Banques Centrales conformément au plan Keynes de 1944 fait figure parmi les principaux pistes alternatives au disfonctionnement du SFI actuel.Ce plan a pour finalité la création d'une monnaie internationale ( Keynes l' appelait le BANCOR ) .
La mise en place de ce plan est difficile à mettre en œuvre car il ( le plan ) remet en cause les avantages des principaux pays riches ( Etats-Unis , Europe ) dans le fonctionnement du monde économique d'aujourd'hui .Dans la mesure où le dollar des Etats -unis assurent respectivement 65 % des transactions internationales et environ 68% des réserves de change des banques centrales ( respectivement 28% et 32% pour l'Europe ( chiffre FMI 2007), il est impensable d'imaginer que ces deux pôles économiques vont accepter ce plan Keynes .Dans un avenir proche , une chose est sure , sur le plan monétaire et financier , ces deux pôles ( Etats-Unis et l' Europe )vont toujours constituer les cœurs de l' économie mondiale .Mais la place et l' hégémonie américaine mettent encore les Etats-Unis largement devant l' Europe .Dans un monde de plus en plus financiarisé de nos jours , le dollars et l'euro jouent un rôle capital .La souveraineté monétaire des PED ( émergents ou les pays pauvres ) à travers les différents régimes monétaires dont la dollarisation ( partielle ou intégrale ) , la zone franc , les currency board ,etc reste encore du domaine du future invisible et incertains .En attendant la solution miracle des dirigeants des pays riches ( eux même dans l' embarras passager ) , les PED sont (seront ) encore obligés de vivre dans une sorte de "soumission monétaire" .Ces dernières années ,malgré , les critiques et menaces de plus en plus dure des Etats-Unis et de l' Europe à l' égard de l'autorité chinoise accusée d'avoir appliqué une politique de "dumping monétaire" en sous -évaluant le yuan ,la Chine tient tête face aux pays riches mettant en avant sa souveraineté monétaire. C’est un bon exemple qui reste encore rare parmi les PED en matière de souveraineté monétaire.
Les membres du G20 ( surtout le G7) via la vitalité de leur système financier et la crédibilité de leur banque centrale disposent encore des forces de frappes non négligeables pour atténuer les effets désastreux de la crise actuelle et celles futures ( politique de relance , injection de liquidité dans les banques , achats d'actifs toxiques des banques ,amortisseurs sociaux comme l’assistance de la CAF en France ) .De l’ autre coté de la pendule bon nombre des PED fautes de munitions suffisantes sont contraints d’attendre les retombées de ces crises sur leur économie ,s’ajoutent les directives de plus en plus dure des IBW dans la conduite de leur politique économique. Récemment ,le Directeur General du FMI Monsieur DSK a reconnu ( émission "à vous de juger" france 2 ) :" désormais la rigueur budgétaire n’est pas la solution la mieux adaptée pour les PED pour faire face aux crises" .Le temps de l’ économie de marché à tout va et Le modèle néolibéral , de la rigueur imposée semble alors révolu du coté des IBW .Mais il ne faut pas oublier qu’en réalité la pratique des préceptes du Consensus de Washington règnent encore surtout dans les pays pauvres .
Dans un monde de plus en plus financiarisé de nos jours , il est utopique d’envisager qu’on pourra éviter des crises futures . Comment serait –il possible d’éviter une crise dans un monde où les actifs financiers ( 200000 Milliards de dollars US ) représentent quatre fois le PIB mondial ( 50000 Milliards de dollars US ). Les crises sont inévitables, mais il appartient aux dirigeants et décideurs politico-économiques de chercher la solution la plus viable pour atténuer les chocs .Pour un budget total de l'ordre de 3500 milliards de dollars , le gouvernement américain table sur un déficit record de 1700 milliards de dollars US cette année 2009 ( soit 12% du PIB) . La France quant à elle prevoit un déficit de 103 milliards d' Euros pour une enveloppe budgetaire de l'ordre de 350 milliards d'euros . Les chiffres dit-on parlent deux-meme , on voit bien comment les mondes des pays riches qui vivent dejà dans un rythme de déficit budgetaire chronique ( deficits jumeaux chroniques pour les USA ) financé par le surplus des PED ( fonds souverains des pays petroliers et surplus des grands pays émergents )et " une économie à découvert" comptent assainir la finance mondiale .
A ce sommet du G20, le dé reste encore pipé (jeux truqué) mais la balance commence déjà à bouger. Une question demeure, la balance va tourner jusqu'où et à quel degré?
A l'image du blocage des cycles de négociations de l' OMC ( Cancun ,Doha ,etc ) , l'issue de ce sommet est déjà presque vouée à l' échec . Evidement, il y aura des déclarations qui font rêver mais leur faisabilité et leur exécution restent encore du domaine de l’incertain.

A JEUDI 02 AVRIL ALORS ET ON VERRA SI LE MONDE DE LA FINANCE VA PRENDRE QUELLE TOURNURE

samedi 10 janvier 2009

SOUVERAINETE MONETAIRE DES PED DANS LE CADRE DE L 'AJUSTEMENT STRUCTUREL

La souveraineté monétaire des PED dans le cadre de la PAS du FMI

Comme l’a noté Edwin Le Heron [2008,p.119] :« la force de la FED est d’avoir pu être keynésienne en 1970 , monétariste après 1979 , originale avec Greenspan et peut être nouvelle keynésienne avec Bernanke sans avoir eu à modifier son cadre institutionnel ».Cette phrase résume bien la signification d’une banque centrale responsable dans un pays souverain monétairement et peut être considérée comme référence en matière d’analyse de la dynamique et de l’effectivité de la souveraineté monétaire d’un pays .
Dans quelle mesure alors les coopérations avec les IBW remettent en cause la souveraineté monétaire des PED sous ajustement ? Les accords de coopération avec les Institutions de Bretton Woods (IBW) influent –ils d’une manière significative la souveraineté et la gestion monétaire des pays sous ajustement ? Voilà les deux questions centrales qui méritent d’être posées ici.
On sait, au centre des relations avec les IBW se trouvent des conditionnalités qui cadrent les négociations avec les Etats membres en besoin de financement. Si dans le cadre général , le FMI est tenu à faire respecter l’équilibre macroéconomique via un cadrage pointu des critères à respecter , la Banque mondiale est traditionnellement tenu à financer le développement dans toutes ses dimensions avec des résultats plus mitigés qu’on connait déjà .A coté de la rigueur budgétaire , des mesures de libéralisation et des autres critères retenus dans les dix commandements du Consensus de Washington , la rigueur monétaire fait figure parmi les critères vedettes de la Politique d’Ajustement Structurel ( PAS).Le FMI en particulier fait de ce critère de rigueur un dogme. Dans toutes les négociations avec les Etats membres, le modèle de l’Approche Monétaire de la Balance des Paiements ( AMBP ) de Polak [ 1957] constitue ,le modèle de référence du FMI . Ce modèle tient compte comme objectif principal la rigueur monétaire pour éviter un dérapage inflationniste d’une politique monétaire expansive. Deux courants ont le plus influencé le FMI ces dernières années : la Nouvelle Economie Classique ( NEC) et la Nouvelle Economie Politique (NEP) .Parmi les chefs de fils de la NEC , on cite J Barro [1974, 1983] , Robert Lucas [ 1995] ,Prescott et Kydland [ 1977] .Parmi les principales propositions de cette approche ,il y a d’abord l’hypothèse de d’anticipation rationnelle de Lucas mais aussi l’incohérence temporelle des politiques discrétionnaires fortement développée par Kydland et Edward Prescott [ 1977] qui leur ont valu le prix Nobel de 2004 .Cette approche s’inscrit dans le sillage du monétarisme de Friedman qui stipule que « l’inflation est partout un phénomène monétaire ».J Barro et David Gordon [1983] ont peaufiné par la suite cette approche introduisant la « notion de réputation de la banque centrale » qui consiste à intégrer les anticipations d’inflation dans l’analyse. La NEP compte parmi elle des économistes reconnus comme Ann Krueger [1993,2002] ou les tenants du public Choice dont fait parti Buchanan ,Tollison et Gordon Tullock [ 1980] .Ce courant met en avant la lecture de l’ environnement politique dans lequel s’insère les prescriptions du Fonds et adopte une conception fonctionnaliste de l’ Etat. La remise en cause de l’efficacité des pouvoirs politique dans la gestion monétaire constitue le principal argument des monétaristes, NEC, NEP parmi lesquels sont issus les principaux responsables du FMI. En 1985 déjà, Rogoff a développé la théorie de « délégation stratégique » qui incite à donner plus d’indépendance à la banque centrale. L’indépendance de la banque centrale apparait pour Rogoff la solution optimale pour éloigner les hommes politiques de la politique monétaire et maitriser par là l’objectif de stabilité des prix .Il est tout à fait normal alors qu’on assiste à une règle stricte de rigueur monétaire dans le cadre de négociation des programmes avec le FMI. De l’accord Stand By ou accord de confirmation des pays émergents au FAS, FASR et FRPC des pays pauvres, il n’est jamais question de laisser la rigueur monétaire .La maitrise de l’inflation reste de fait l’objectif principal des banques centrales des pays sous ajustement au détriment de la croissance. Aux yeux des techniciens du FMI, évidement d’inspiration monétariste, il n’est pas question d’adopter toute forme de relance monétaire sous peine d’alimenter l’inflation. C’est une position radicale dans laquelle aucune négociation n’est plus possible .Dans ce cas de figure , la banque centrale malgré son indépendance stipulée par son statut a pour vocation principale la lutte contre l’inflation et laisse de coté toute sorte d’ajustement jugé capital dans la conduite d’une véritable politique économique responsable mais non pas une politique économique passive qui caractérise ces pays à cause des conditionnalités de la PAS .Se référant à l’ article IV du FMI , Michel Lelart [2007,p.73] résume d’une manière synthétique les contraintes qui pèsent sur les PED dans le cadre de la PAS : « Chaque pays s’efforcera d’orienter sa politique économique… ,il ne doit pas l’orienter mais seulement s’efforcer de le faire ; chaque pays cherchera à promouvoir la stabilité …,il ne doit pas la promouvoir mais seulement chercher à le faire ;enfin, chaque pays évitera de manipuler les taux de change …, il ne lui est pas interdit de manipuler les taux de change , il doit seulement éviter de le faire ».En Afrique , comme dans les pays émergents , le FMI a été toujours présent dans le cadrage de la politique monétaire . La programmation financière (y compris monétaire) des pays sous ajustement doit avoir l’aval du FMI sinon, le déblocage des fonds ultérieurs et des programmes y relatifs pourraient être suspendus. Encore , dans bon nombre de pays, le FMI n’hésite pas à interférer directement dans leur gestion monétaire .L’article IV du FMI stipule qu’un pays peut choisir de définir et de stabiliser sa monnaie par rapport au DTS, à une autre monnaie, à plusieurs monnaies ou de la laisser flotter plus ou moins librement. Il faut seulement que sa politique soit conforme aux objectifs du Fonds. La seule limitation est l’interdiction formelle de toute référence à l’or. Une fois son choix effectué , un pays doit s’y tenir et appliquer le système choisi.[Ibid ,p.72].Le statut du FMI donne alors une certaine liberté aux pays membres en matière de régime monétaire ou régime de change .Mais il doit en même temps exercer une ferme surveillance sur les politiques de change des Etats membres , ce qui justifie son intervention régulière dans le choix des régimes de change des PED .Une des dispositions de l’ article IV adoptée par les administrateurs le 29 avril 1979 stipule : « Tout membre doit s’abstenir de manipuler les taux de change … en vue d’empêcher l’ajustement effectif de sa balance des paiements ou de s’assurer un avantage compétitif inéquitable sur d’autres membres ».[Ibid , p.76] . Ce point montre comment la coopération avec le FMI remet en cause la souveraineté monétaire des pays sous ajustement. Malgré la liberté du choix de régime monétaire et de change que leur offre le statut IV , une autre section de celui-ci contredit ce fait privant les PED de l’ajustement monétaire qui s’impose à un certain moment .Il en ainsi des mesures de dévaluations successives imposées des années 1980 et 1990 mais aussi celles des dernières années dans les pays africains, en Amérique latine ,le changement de régime de change juste à la demande du FMI , les changements de parité dans les pays émergents . A l’exemple de Madagascar, les politiques de dévaluations successives contrairement aux arguments du FMI n’ont pas pu apporter leur fruit .La forte dépréciation du Franc Malgache (le FMG) de l'ordre de 4000% de 1973 (date à la quelle Madagascar a quitté la zone franc) à 2008 reflète évidement le dérapage de la politique monétaire appliquée par les dirigeants qui se sont succédés mais il y aussi une grande part de responsabilité du FMI qui cadre régulièrement la politique monétaire appliquée .Les dépréciations successives du FMG à partir du Shadow programme de 1994 ( exigence du FMI pour que Madagascar passe du change fixe au change flottant) en est l’exemple concret.
La souveraineté monétaire des PED est alors remise en cause dans le cadre de la PAS.L’indépendance de la banque centrale cache une autre réalité bien établie : l’ingérence monétaire du FMI. Cette ingérence monétaire remet en cause pas seulement l’indépendance effective de la banque centrale mais encore et surtout la souveraineté monétaire. Bon nombre des PED sous ajustement souffrent ainsi d’ « une souveraineté monétaire déguisée » au détriment de leur développement. Mais existe –t-il une approche alternative crédible qui renforce la souveraineté monétaire des PED ? Les économistes hétérodoxes, keynésiens, postkeynésiens, marxistes, école de la régulation ou institutionnaliste restent tous attachés au contrôle de l’ensemble des instruments de la politique économique par le gouvernement afin de permettre une meilleure efficacité et légitimité [Le Heron, 2008 p.116]. A part les nouveaux keynésiens ( qui pensent à l’instar des néoclassiques dont les NEC qu’à long terme la monnaie est neutre), les hétérodoxes ne sont pas pour une politique passive de la banque centrale qui accorde beaucoup d’importance à la ciblage d’inflation comme a été le cas depuis 1990 dans une bonne partie des banques centrales .Si leur conception et leurs assises théoriques se différencient les des autres , l’objectif final de leur analyse est le renforcement de la flexibilité de la banque centrale donc de sa capacité d’agir. Parmi les différentes pistes de réflexion qu’on peut avancer ici, l’analyse monétaire postkeynésienne fait figure au premier plan.
Le prolongement de l’œuvre fondateur de J M Keynes de [1930 ,1936] fait suite à un développement considérable de l’analyse monétaire de ses disciples .Keynes pour faire face aux crises des années trente qu’a traversées la Grande Bretagne a préconisé une politique de relance monétaire dans laquelle l’indépendance de la banque centrale figure est une pièce centrale .A ses yeux, l’ingérence des policy maker ( responsables politiques) dans la gestion monétaire peut annuler les effets attendus d’une relance donc il est capital que la banque centrale dispose d’une indépendance réelle .La finalité de l’argumentation de Keynes a été toujours la relance de l’activité économique dans un contexte marquée par la dépression . Aujourd’hui, la situation s’est inversée, l’indépendance de la banque centrale est imposée partout dans les PED pour éviter le dérapage inflationniste si cher aux disciples de Friedman et aux libéraux .La défense de l’indépendance de la banque centrale n’est plus alors comme au temps de Keynes. Cette indépendance est là aujourd’hui, sous l’impulsion des préceptes monétaristes pour juguler au maximum l’inflation qui est jugée partout comme un phénomène monétaire alors que du temps de Keynes elle a été préconisée en vue d’une relance monétaire. La séparation du pouvoir entre le pouvoir politique et la banque centrale n’est pas fondée pour les keynésiens .A travers la théorie endogène de la monnaie, la plupart des postkeynésiens préconisent une banque centrale active et non plus passive apte à faire face aux défis de relance et de l’ajustement monétaire de l’économie. Evidement avec le concours du pouvoir public, cette option est considérée comme une condition primordiale d’une souveraineté monétaire effective aussi bien dans les PED que dans les pays développés.
La théorie monétaire postkeynésienne est fondée essentiellement sur le caractère endogène de l’offre de la monnaie .Les postkeynésiens Américains [ Kregel , Randall Wray, Arestis, Dow] ,les postkeynésiens français du circuit
[ Piegay, Rochon , Poulon, Parguez] ,les postkeynésiens Anglais [Godley, Kaldor,Deleplace ,Nell] , les postkeynésien canadiens [ Marc Lavoie, Gilles Dostaler] s’accordent à dirent que l’offre de monnaie ne peut pas être fixée d’une façon arbitraire par la banque centrale .Elle est déterminée par la demande de crédit et les préférences du public .C’est le fameux aphorisme selon lequel
« Les crédits font les dépôts » note Marc Lavoie [2004, p.55] dans son œuvre intitulé « L’économie postkeynésienne ».La théorie monétaire postkeynésienne inverse la causalité du sens dépôt-crédit chez les néoclassiques. Les banques n’ont pas forcement besoin de dépôts préalables pour consentir des crédits .La création des crédits et des dépôts bancaires se font sur la seule base de crédibilité et des suretés offertes par l’emprunteur [Heinsonhn et Steiger , 2000] .La monnaie banque centrale comme la monnaie bancaire est endogène et ne peut être fixée de façon arbitraire par la banque centrale. Le volume de monnaie banque centrale est lié aux crédits consentis et à la monnaie bancaire par un diviseur de crédit. La monnaie bancaire n’est pas un multiple de la quantité de monnaie banque centrale, c’est la monnaie banque centrale qui est un quotient de la quantité de monnaie bancaire .Un argument majeur qui conforte l’inversion de la causalité dépôt-crédit chez les postkeynésiens est le fait qu’ils réfutent la théorie wickselienne des fonds prêtables que les nouveaux keynésiens [ Stiglitz, Mankiw , Tobin ] acceptent à l’instar des néoclassiques . Les postkeynésiens contrairement aux néoclassiques avancent que c’est l’investissement qui induit l’épargne et non l’inverse. Il suffit alors la mobilisation des ressources nationales car le financement de l’activité ne dépend plus que de la crédibilité de l’emprunteur et des normes financières existantes. La rareté du financement est conventionnelle [Lavoie, 2004, p .55] .Dans cette optique, ils réfutent l’existence d’un taux d’intérêt naturel et que l’inflation ne peut être causée par un taux de croissance de la monnaie, au contraire c’est le taux de croissance des prix et de la production qui va causer la hausse du stock de la monnaie. La théorie endogène de la monnaie accorde beaucoup d’importance entre l’offre de la monnaie et le processus de production. C’est dans ce sens que la théorie monétaire postkeynésienne est assimilée régulièrement à une « Economie monétaire de production » ou « Economie du circuit monétaire ».Dans le cadre pratique de la politique monétaire, l’endogeneité de la monnaie engendre un caractère fondamental de la monnaie sur lequel repose le principal argument des postkeynésiens face aux attaques virulentes des néoclassique : c’est la « non- neutralité de la monnaie ».Les postkeynésiens ne voient dans l’indépendance des banques centrales qu’une tentative des néoclassiques d’imposer une vision dichotomique de l’ économie entre les phénomènes monétaires , telle l’inflation qui relèveraient de la banque centrale et les phénomènes réels qui relèveraient du marché [Le Heron ,2008, p .117] .Pour les keynésiens , la monnaie n’est pas neutre puisqu’elle agit par le crédit et le taux d’intérêt sur la production et l’emploi .L’hypothèse irréaliste de l’ anticipation rationnelle montre que les agents économiques ne vont pas tenir compte de l’horizon long terme comme conséquence , toute décision de relance ou rigueur adoptée par la banque centrale sera incorporée dans les habitudes de consommation et d’investissement local. Edwin Le Heron [2008] montre que la politique monétaire des NEC inspirés du monétarisme de Friedman peut être résumée à travers la théorie de la crédibilité de la banque centrale. Cette crédibilité est mesurable à travers le taux de réalisation de l’objectif établi qui n’est autre que la maitrise de l’inflation. Pour Edwin Le Heron [Ibid, p.116], les deux hypothèses théoriques fondamentales de l’indépendance des banques centrales : le biais inflationniste et les anticipations rationnelles sont contraires à la réalité des faits et sont aujourd’hui largement remises en question .La position de Maurice Allais [1993] converge aussi dans le sens du renforcement d’un Etat vraiment responsable de sa politique monétaire à l’instar des postkeynésiens. Maurice Allais [1993, p.323] affirme ainsi : «Si nous nous considérons non seulement l’histoire de ces dernières décennies, mais également ces des deux derniers siècles, et sans doute celle de ceux qui les ont précédés, les facteurs monétaires apparaissent certainement comme ayant une importance tout à fait exceptionnelle dans le fonctionnement de toute économie. Si, en effet, des conditions monétaires appropriées ne sont pas assurées, l’expérience montre qu’il ne saurait y avoir ni efficacité de l’économie ni équité dans la distribution de revenus ».
Pour toutes ces raisons évoquées, la culte de stabilité de prix, objectif principal des banques centrales des PED sous ajustement ne rime pas forcement avec le défi de développement des PED .Le principe d’indépendance de la banque centrale -source d’une politique monétaire passive doit être alors remplacée par une banque centrale active apte à faire face au problème majeur des PED : la stagnation. Dans un tel cas de figure, la souveraineté monétaire du pays ne doit plus être remise en cause ce qui renforce la crédibilité et l’efficacité de l’action de la banque centrale. Il est alors temps que les PED changent de cap sous peine de nager dans une sorte de « soumission monétaire chronique » qui les caractérise depuis des décennies.
La Chine , un pays qui n’a jamais eu de relation avec les IBW en particulier avec le FMI mérite ici d’être notée .La chine à l’instar des grands pays développés a toujours conduit à sa guise sa politique monétaire .La performance économique de la chine et la stabilité de sa monnaie n’ont jamais été remises en cause jusque là .Au contraire , sa souveraineté monétaire vis-à-vis de l’ extérieur constitue l’une des pièces centrales de son décollage économique .Il en est aussi des pays pétroliers du moyen orient .Malgré l’exigence et les critiques fréquentes des Etats-Unis et de l’ Europe qui accusent l’autorité chinoise d’avoir appliquer régulièrement une politique de dumping monétaire en sous-évaluant le yuan (la monnaie chinoise) ,la chine tient toujours jusque-là à mener sa politique monétaire à sa guise. La souveraineté monétaire de la chine tout comme celle des pays pétroliers du Moyen Orient n’a jamais été remise en cause .D’une part, ils n’ont pas eu des relations durables avec les IBW (ou pas du tout) .D’autre part, leur situation financière leur ont permis d’avoir une politique monétaire autonome sans trop dépendre de l’extérieur. En tout, leur souveraineté monétaire renforce la crédibilité de la politique monétaire de leur banque centrale .Mais dans la réalité ,le sens de causalité entre la crédibilité de la politique monétaire de la banque centrale et la souveraineté monétaire reste en suspens.
1-2-3-Souveraineté et crédibilité de la Banque centrale : quelle relation ?

Une question se pose alors : y a –il une relation de causalité entre souveraineté monétaire et crédibilité de la politique monétaire de la banque centrale ?
Autrement dit est ce que la souveraineté monétaire qui précède et influence la crédibilité de la banque centrale ou c’est l’inverse ? Le premier cas, amène à dire que l’efficience de la politique monétaire résulte avant tout de l’existence d’une certaine souveraineté monétaire jugée indispensable dans la conduite de toutes reformes monétaires et financières envisagées afin de garantir l’indépendance financière. Dans ce sens, les conditions précitées qui cadrent la souveraineté monétaire doivent être remplies entièrement ou partiellement .Des conditions qui stipulent les attributs en matière de frappe et création de monnaie, la capacité institutionnelle .Ce cas de figure , peut être envisagé dans le cas des grands pays industrialisés comme les Etats-Unis , les grands pays Européens membre actuellement de la zone Euro , la Grande Bretagne , le Japon , quelques pays pétroliers du moyen orient et la chine. Ces pays ont eu tous leur souveraineté monétaire au sens large du terme qui les ont permis malgré les tensions qui ont pesées sur leur économie à un certains moments de mener à bien leur politique monétaire par l’intermédiaire de leur banque centrale respective. Par contre, le second cas montre que la crédibilité de la politique monétaire de la banque centrale est une condition sin qua non pour arriver à la souveraineté monétaire. Aucune souveraineté monétaire ne peut être alors envisagée sans cette crédibilité. Mais de quelle crédibilité s’agit-il ici ? La crédibilité de la politique monétaire de la banque centrale est généralement définie comme la faculté des autorités monétaires à imposer sa politique monétaire vis-à-vis des objectifs tenus dans le cadrage général de la politique monétaire à un moment donné. D’une autre manière, c’est la faculté de la banque centrale à respecter et faire respecter ses objectifs .Des questions se succèdent pour éclairer ce débat .La Banque centrale peut –elle influencer le marché monétaire comme le stipule son statut ? Arrive-t-elle vraiment à maitriser les variables clés de l’économie ? Dans quelle mesure une détente du taux de base de la banque centrale peut-elle influencer les taux primaires des banques de second rang ? La manipulation des réserves obligatoires peut-elle vraiment influencer les comportements des banques par rapport à leur politique de crédit ? Les réponses à ces questions peuvent être trouvées en analysant les mécanismes de transmission de la politique monétaire mais la crédibilité de la banque centrale est un paramètre à ne pas négliger dans l’analyse. Une crédibilité qui résulte de la combinaison de deux facteurs à savoir le bien fondé de la politique monétaire et la compétence des autorités monétaires. Ce sont principalement les cas des pays émergents d’Asie et d’Amérique latine, les pays Africains. Quelques-uns d’entre eux ont pu reformer leur secteur financier et monétaire avec ou sans assistance des institutions de Bretton woods .Il en ainsi des pays comme , la Malaisie , la Corée du sud , Afrique du Sud .Les autres pays émergents ou non sont toujours à la recherche de la potion magique leur permettant de renforcer la crédibilité de leur banque centrale dans la conduite de leur politique monétaire .
Il est tout à fait difficile alors de se prononcer sur cette question souveraineté monétaire amène-t-elle la crédibilité de la banque centrale ou l’inverse ? Ce qu’on peut avancer, la finalité de toute reforme monétaire et financière est le décollage économique et l’amélioration du sort de la population qui nécessairement vont passer par la croissance économique sans négliger les autres dimensions humaines de l’économie. Logiquement , souveraineté et crédibilité peuvent aller de paire mais il est capital que souveraineté précède crédibilité car, la crédibilité de la banque centrale peut être passagère si le pays en question n’ a pas vraiment sa propre souveraineté monétaire .Les pays émergents d’Amérique latine et d’Asie victimes des crises financières des années 1990 et des années récentes sont des exemples concrets en la matière .
La souveraineté monétaire pour la plupart des PED reste encore une utopie Qu’ils commencent alors à entreprendre les reformes monétaires adéquates pour arriver à ce stade en vue de faire valoir leur indépendance financière. Des reformes qui nécessitent avant tout des projections solides et cohérentes dans l’ensemble mais non pas des reformes à l’aveuglette qui ont prédominé depuis les années 1980 dans ces pays.
Comme on l’a démontré précédemment, la théorie monétaire postkeynésienne offre une alternative prometteuse pour que les PED dans son ensemble puissent reconquérir leur souveraineté monétaire longtemps bafouée par la PAS et par l’asymétrie monétaire au niveau mondial. En tout état de cause, la recherche d'un régime monétaire optimal des PED dépend de deux choses :i) la volonté ou non de ces pays de s'approprier leur souveraineté monétaire, ii) les contextes économiques et les structures économiques de chaque pays. L'essentiel n'est pas alors le fait d'avoir sa souveraineté monétaire mais de maitriser les défis qui en résultent dont la stabilisation monétaire (ce qui n'est pas toujours le cas) et l’utilisation des marges de manœuvre possibles qu’elle offre dans la conduite une politique monétaire vraiment responsable.

PERSPECTIVE RECENTE DE LA SOUVERAINETE MONETAIRE DES PED

Depuis des sicècles et de nos jours ,la sphère monétaire constitue une branche fondamentale de l' économie.Les crises financières recurrentes des pays émergents des années 1990 et des années subséquentes mais aussi la vulnérabilité financière des PMA montre à quel point le régime monétaire des PED constitue le noyau dur de leur système financier .Cet article met en exergue la souveraineté monétaire des PED dans une perspective récente .Je m'excuse d'avance sur les imperfections de cet article aussi bien dans le forme que dans le fonds . Bonne lecture!!!

PERSPECTIVE RECENTE DE LA SOUVERAINETE MONETAIRE DES PED
Le Système Monétaire International (SMI) d’aujourd’hui comme celui d’après guerre est marqué par une forte domination du dollar américain. L’hégémonie du dollar est une évidence malgré les disfonctionnements qu’a traversés l’économie américaine. Les Etats-Unis avec sa monnaie restent le cœur du SMI , alors que de l’ autre coté , il y a la périphérie essentiellement constituée des PED (émergents , et PMA) et les autres pays industrialisés .Des auteurs postkeynésiens dont Arestis et all [2005] dans le Journal Post-keynésian Economics ont mis en évidence la pérennité et la soutenabilité d’un tel système. Une des principales conclusions de cette étude est la création d’une monnaie internationale et d’une chambre de compensation chargée d’assurer l’ajustement des déséquilibres des banques centrales [Keynes , 1944] .Comme l’a bien résumé Michel Lelart [2007 ,p.22-24] : « sur le plan technique , le plan Keynes est un mécanisme de compensation, sur le plan financier c’est une procédure de crédit , sur le plan politique c’est la garantie d’une réelle symétrie ».Si la mise en place ou la faisabilité de ce plan reste en suspens , la domination des pays à monnaie forte ( les USA , la zone euro) sur les pays à monnaie faible (les PED ) restent une évidence .Le déséquilibre croissant des rapports financiers et monétaires au niveau mondial débouche régulièrement à une sorte d’asymétrie monétaire du SMI qui s’explique par la perte progressive ou totale de la souveraineté monétaire des PED . L’effectivité réelle de la souveraineté monétaire peut être appréhendée à travers leur régime monétaire et leur régime de change.

1-Remise en question de la souveraineté monétaire : l’asymétrie monétaire

La souveraineté monétaire est un concept très large et difficile à appréhender. Malgré les multitudes d’études relatives à la monnaie effectuées par des économistes théoriciens et / ou praticiens, ce concept reste toujours mal exploité même si ces études là dans la plupart des cas traitent le sujet d’une manière ou d’une autre. En règle générale , « la souveraineté d’un Etat est la qualité de l’ Etat de n’être obligé ou déterminé que par sa propre volonté dans les limites du principe supérieur du droit et conformément au but collectif qu’il est appelé à réaliser » [Le Fur , 1896] .Pour simplifier dans cette étude, la souveraineté monétaire sera définie comme « la capacité d’ un pays à mener à bien sa politique monétaire sans avoir eu d’une manière ou d’une autre l’ingérence d’autre pays ou organisation extérieure au système monétaire en question et qui ne remet pas en cause la souveraineté de la nation ». Cette définition ramène aux différentes perspectives monétaires des PED qui ont largement changé durant les deux dernières décennies .Il en est ainsi des études relatives au régime de change, la zone monétaire, la dollarisation, les currency board. Ces variantes multifacettes de l ‘économie monétaire font toujours intervenir le concept de souveraineté monétaire mais de degré différent. Dans tous les cas de figure ,l’arbitrage et le rapport de force entre la monnaie cœur (dollar et l’euro) et la périphérie ( la monnaie des PED ) constitue les principaux déterminants de la souveraineté monétaire des PED. Si sur le plan monétaire, les Etats-Unis et la zone euro ne souffrent pas de restrictions de souveraineté monétaire, la plupart des PED en souffre beaucoup et subit régulièrement d’une manière ou d’une autre l’hégémonie des monnaies fortes dont le dollar, l’euro et l’ yen. Ce déséquilibre du rapport monétaire entre le centre et la périphérie est appelé régulièrement « Asymétrie monétaire » qui est la forme la plus visible de la « soumission monétaire » des PED vis-à-vis des pays cœurs dont les Etats-Unis.
Se référant à la définition précédente, la capacité d’un gouvernement (ou autorité monétaire) à gérer librement, sans contrainte ni dépendance extérieure de l’instrument monétaire peut être qualifiée de souveraineté monétaire, une des variantes de la nature et du degré de dépendance financière vis-à-vis de l’extérieur. Une nation qui émet sa propre monnaie est au moins en partie souveraine. On parle ici de « souveraineté monétaire de fait » .Toutefois, la capacité d’émission de monnaie (et des instruments y relatifs) n’est pas la seule forme de souveraineté monétaire. Il y a ainsi des pays qui ont leur propre monnaie, leur propre banque centrale mais qui sont obligés de fait à recourir à des monnaies étrangères afin de stabiliser leur monnaie ou leur économie (Currency board, dollarisation).Il importe de rappeler qu’entre un Etat pleinement souverain et un Etat qui ne l’est point, il existe une infinité de souveraineté monétaire imparfaite. La définition chartalisme de la monnaie implique qu’une autorité monétaire pleinement souveraine peut jouer sans influence excessive sur la valorisation de l’instrument monétaire [Knapp, 1973 et Schumpeter, 2004].En d’autres termes, c’est le crédit que les utilisateurs de la monnaie confèrent à son émetteur qui détermine sa valeur. A la différence du chartalisme , le « métallisme théorique » nie tout rôle à l’institution émettrice dans l’ établissement des conditions nécessaires à la valorisation de l’ instrument monétaire. Pour ce courant, la monnaie n’a ni valeur intrinsèque, ni la valeur dérivée que lui confère l’institution émettrice. Elle ne vaut que par la garantie associée, c'est-à-dire par exemple une certaine quantité de métal ou d’une monnaie. L’existence du péché originel [Eichengereen ,1999] ou la dollarisation des dettes en est l’exemple concret. La traduction moderne de la monnaie est la monnaie souveraine et obéit à une définition chartaliste. Sa valeur lui est conférée ainsi par l’institution émettrice. Cependant, plus ce crédit diminue, plus le « métallisme pratique » dévient nécessaire pour rétablir une valorisation suffisante de la monnaie nationale. Le pouvoir économique local est ainsi obligé de fait à restreindre sa souveraineté monétaire même s’il dispose encore certaines prérogatives. L’assemble et l’ accumulation des restrictions contraintes de souveraineté monétaire amènent les pays qui les subissent dans la périphérie monétaire , c'est-à-dire dans une sorte de dépendance vis-à-vis d’une ou plusieurs monnaies représentatives dont le dollar , l’ euro et le Yen .Cette situation est sans aucun doute la preuve tangible de l’ asymétrie monétaire entre les pays du centre et les PED qui évidement montre la perte progressive ou totale de leur souveraineté monétaire .La dollarisation et la zone franc CFA en sont des exemples formels.
2-La dollarisation remet en cause la souveraineté monétaire des PED

Ici, dans un premier temps, dans un premier temps , on va aborder la relation existante entre la dollarisation et la souveraineté monétaire. Ensuite, les faits stylisés de la dollarisation vont corroborer notre hypothèse selon laquelle la dollarisation remet en cause la souveraineté monétaire des PED.
2-1-Dollarisation et souveraineté monétaire : quelle relation ?

La dollarisation est un instrument de politique monétaire très en vogue en Amérique latine vers le début des années 1980 et y a pris de l’ampleur vers les années 1990 avant de s’élargir par la suite vers d’autres pays d’Asie et d’Afrique .Ce terme est devenu familier dans le cercle des économistes ces derniers temps et constitue même un thème brulant des conférences, études et séminaires économiques. Au sens strict, la dollarisation désigne « l’abandon d’une monnaie nationale au profit du dollar américain ». Salama [ 1998 , p.8] définit la dollarisation comme « l’ évolution selon laquelle le dollar s’impose de plus en plus comme réserve de valeur , unité de compte et parfois intermédiaire des échanges pour certains produits ».Bourguinat et Dohni [2002,p.59] reformulent une définition voisine puisqu’ils la désignent comme « le processus de remplacement par le dollar des Etats-unis des monnaies nationales préexistantes en tant qu’unité de fixation des prix des biens , d’instrument des paiements et de détention de l’épargne ».Au sens large du terme ,la dollarisation peut être définie comme « un système en vertu duquel un pays renonce entièrement ou partiellement à utiliser sa propre monnaie et adopte comme moyen légal ou moyen de paiement une devise mondiale stable ( le dollar ,l’ euro ») . Plusieurs typologies de dollarisation peuvent être envisagées suivant le degré de pénétration, d’utilisation et d’officialisation de la devise en question dans le pays concerné. On distingue ainsi la dollarisation intégrale et officielle de la dollarisation partielle et officieuse .La dollarisation intégrale et officielle est assimilée à un processus de substitution d’une monnaie étrangère à la monnaie nationale , ce sont alors les modèles de substitution qui sont privilégiés comme outils d’analyse .La dollarisation partielle et officieuse quant à elle articule la réflexion sur l’ analyse de cout/ avantages de la décision de faire disparaitre la monnaie nationale au profit d’une monnaie étrangère[Ponsot ,2003]. Qu’on soit dans un régime de dollarisation totale ou partielle, la souveraineté monétaire du pays concerné est en jeu. La question n’est pas ici alors de savoir quelle régime favoriser mais de savoir comment et dans quelle mesure la dollarisation remet en cause la souveraineté monétaire du pays dollarisé.
Si la dollarisation officielle et intégrale via l’abandon de l’exclusivité monétaire s’apparente comme une perte totale de la souveraineté monétaire du pays concerné, la dollarisation partielle et de facto se traduit par une crise de légitimité de l’unité de compte domestique qui érode progressivement la souveraineté monétaire. L’analyse fonctionnaliste de la monnaie qui privilégie l’approche en termes de substitution d’actifs et de substitution monétaire permet de connaitre le degré de dollarisation d’une économie alors que l’approche institutionnelle qui met en avant son identité qui caractérise un pays ou une région quelconque renvoie au concept de souveraineté monétaire. Dans cette étude, l’approche institutionnaliste (chartaliste) est mise en avant sans oublier l’apport de l’approche fonctionnaliste.
La dollarisation est un phénomène qui date déjà plus d’un siècle. En effet, jusqu’à une date récente, seul le Panama parmi les pays de taille significative avait opté dès 1904 pour une dollarisation officielle. Or, l’Equateur et le Timor oriental en 2000, le Salvador en 2001 ont choisi à leur tour la monnaie américaine comme moyen de paiement sur leur territoire, renonçant ainsi à toute souveraineté monétaire. Le Nicaragua et le Costa-Rica pourraient se laisser séduire dans un avenir plus ou moins proche. Si l’Argentine a hésité de franchir le pas à maintes hésitations, on notera qu’il existe une double circulation incluant le dollar au Guatemala [Minda ,2005] .Cette amplification de la dollarisation totale reflète le souci des dirigeants latino-américains à stabiliser leur monnaie après les fortes secousses financières qui caractérisent les années 1990 .L’adoption d’un régime de dollarisation totale est un choix lourd de conséquence. L’abandon d’une monnaie nationale au profit d’une monnaie étrangère est un choix presque irréversible sinon nécessite un long processus de dédollarisation. Comme le note Minda [2005] : « Combien de monnaie des pays indépendants ont retrouvé leur pouvoir libératoire après avoir perdu leur cours légal ? A part le Liberia dans la zone dollar, le Botswana et le Swaziland dans la zone rand, l’exemple ne sont pas légion ».
Si dans le passé, la plupart des études relatives à ce régime monétaire se sont orientés à la dollarisation partielle, le questionnement sur le régime de dollarisation intégrale commence à prendre de l’ampleur ces dernières années. Ce changement de cap a été opéré dans le cadre de la recherche des « solutions en coins » ou « corner solutions » qui commence à prendre de l’ampleur après les crises financières successives des années 1990 dans les pays émergents durant lesquelles l’Amérique latine et l’Asie du Sud Est ont été les principaux victimes .Bon nombre d’éminents économistes ont ainsi essayé de rompre avec les régimes dites intermédiaires. Entre le choix d’un flottement libre et d’un ancrage total, ils ont préféré adopté un autre régime qu’est la dollarisation totale ou intégrale supposée capable d’enrayer l’instabilité monétaire de ces pays.
Une question cruciale qui mérite d’être posée est ainsi de savoir si la dollarisation intégrale constitue un régime monétaire optimal pour la stabilité monétaire et le décollage économique des pays latino-américains en particulier et les PED dans l’ensemble ?
Peser le pour et le contre de la dollarisation n’est pas chose facile .Les partisans de la dollarisation mettent en avant les avantages suivants :crédibilité renforcée des gouvernements face aux crises de change d’où une baisse des taux d’intérêt par diminution de la prime de risque ;réduction de l’inflation et baisse des couts de transaction d’où une plus grande intégration commerciale , financière et fiscale ;abandon du financement par création monétaire ce qui favorise le secteur bancaire , meilleure prévention des crises d’endettement, approfondissement des systèmes financiers .En tout état de cause , la dollarisation est considérée comme source de stabilité monétaire et financière du pays dollarisé. Les pays qui entretiennent des relations commerciales et financières très étroites avec les Etats-unis sont le premier groupe de pays qui mérite d’être dollarisé totalement .Le Panama en est l’exemple concret. Le deuxième groupe concerne les pays qui souffrent d’un désordre politique de grande ampleur comme l’Equateur et le Salvador, le Timor et les pays en décomposition.
Les opposants à la dollarisation totale tournent leur objection autour de cinq types d’arguments : la perte d’indépendance de la politique monétaire, abandon de la politique de change, perte du droit de seigneuriage, disparition du prêteur en dernier ressort et limitation des instruments contra-cycliques. Ici, c’est la perte de la souveraineté monétaire qui est en jeu. La dollarisation est percue ici comme symptômes de malaise profond, celui de la perte de la légitimité de la monnaie domestique. Elle est la crise de l’institution-monnaie et met mal la souveraineté monétaire. Comme l’a noté Théret [1998, p.27] : « La monnaie est un symbole fort d’appartenance à une même entité politique, économique et sociale » .Pour Anderson [1991] : « Elle est vecteur d’indentification au sein d’une communauté imaginaire au même titre que le drapeau, les emblèmes, les langues, l’hymne, etc ».La dimension symbolique et identitaire de la monnaie nécessite que celle-ci soit avant tout unité de compte et plus précisément unité de compte unique. Keynes [ 1930] et Knapp sont les deux auteurs de la première moitié du XXème siècle qui ont mis l’ accent sur « le primat de l’ unité de compte ».Cette conception est aujourd’hui largement développée par des auteurs postkeynésiens en particulier l’ approche néo-chartaliste de Wray ou celle qui privilégie les questions de souveraineté monétaire .Dès la première ligne de son traité sur la monnaie [ 1930] , Keynes explique que l’unité de compte ( money of account) ,c'est-à-dire dans laquelle les dettes , les prix ; le pouvoir d’achat général sont exprimés est le concept premier de la théorie de la monnaie [Keynes ,1971, p . 3] .La dollarisation entraine un détachement de l’unité de compte domestique par les agents économiques. Comme l’Affirme Aglietta
[2001] : « Un régime monétaire viable dépend de la persistance dans le temps de la confiance placée dans l’unité de compte et sa stabilité constitue le point essentiel de cette confiance ». En bref, suivant le cas (dollarisation partielle ou intégrale), la dollarisation prive les pays dollarisés de leur autonomie monétaire et /ou leur exclusivité monétaire qui sont les attributs essentiels de la souveraineté monétaire d’un Etat.
Dans un régime de dollarisation totale, ces situations évoquées doivent être alors vérifiées, tandis que dans un système de dollarisation partielle, elles seront accomplies partiellement suivant le cas qui se présente. Pour revenir à nos moutons, il convient de rappeler qu’il est extrêmement difficile de faire un bilan objectif des avantages et couts de la dollarisation intégrale .D’une part , le Panama est officiellement le seul pays qui a une longue expérience en matière de dollarisation ( depuis 1904) .En plus , le lien de plus en plus étroit entre ce pays et les Etats-unis biaise toute tentative d’analyse en termes de couts- avantages .D’autre part, l’expérience récente des pays officiellement dollarisés comme l’ Equateur [1999] ,le Salvador[ 2001] , le Timor [2000] ne permettent pas vraiment d’avoir une vision large pour une appréhension réelle de ce phénomène . En tout état de cause, l’évaluation des avantages et couts de la dollarisation intégrale nécessite la prise en compte des structures économiques, sociales et politiques des pays candidats .Toutefois, il importe de noter que malgré les avantages que procurent la dollarisation intégrale, ce régime monétaire ne doit pas être adopté qu’en dernier recours. L’utilisation du dollar pour les transactions réelles et financières est souvent une réaction des citoyens ou des pouvoirs publics d’un pays à l’instabilité de la monnaie nationale. Malgré la stabilité monétaire qu’elle apporte, la dollarisation peut rendre le système financier plus vulnérable aux crises de liquidités et de solvabilité et surtout source de la perte de la souveraineté monétaire du pays en question. Dans un pays dollarisé, la perte de la souveraineté monétaire prive les autorités monétaires à prendre des mesures alternatives aux chocs extérieurs sans oublier la perte de l’identité monétaire considérée comme un symbole fort d’un Etat souverain moderne [Théret, 2003].La dollarisation favorise alors la dépendance financière du pays concerné au pays émetteur de la xénomonnaie (le dollar).
En raison de son cout d’opportunité, l’abandon d’une monnaie nationale pour une devise étrangère constitue une solution de dernier recours à l’instabilité financière et monétaire des pays latino-américains. Malgré quelques avantages spécifiques, il est illusoire d’envisager ce régime monétaire comme un miracle pour réduire l’instabilité monétaire des pays émergents et de surcroit du SMI. La gestion passive du dollar par les autorités américaines corrobore ce constat. Une dollarisation partielle des PED en particulier des pays émergents ( ce qui est un fait pour bon nombre de pays) est alors inévitable vue l’hégémonie du dollar américain et la puissance économique des Etats-unis .La limite de la soutenabilité des déficits jumeaux américains (depuis 2000) est de l’autre coté un signe avant coureur des risques d’une dollarisation totale. La gestion du dollar par la FED avec les conséquences qui s’ensuivent ne vont pas suffir à limiter les dégâts d’une dollarisation intégrale dans les pays qui souhaitent l’appliquer. D’autant plus que la FED n’a jamais décidé de coopérer pour atténuer les effets désastreux de la dollarisation dans les pays dollarisés. Encore, la nouvelle configuration du SMI, résultat de la crise financière actuelle ne permet plus les Etats-unis à se comporter comme avant.

2-2-Faits stylisés de la dollarisation :la dollarisation partielle
L’appréhension de la dollarisation peut être analysée à deux niveaux :la dollarisation intégrale et la dollarisation partielle .Si dans la plupart des cas , la dollarisation intégrale est assimilée à la dollarisation officielle et de jure ,la dollarisation partielle quant à elle fait référence à la dollarisation officieuse et de facto. Dans le fait, cette délimitation peut être contrariée par des pratiques et des réalités tout à fait différentes de ce que l’on pense ou de ce que l’on croit. Dans ce qui suit, la dollarisation partielle sera mise en avant vue l’importance capitale de ce régime monétaire dans bon nombre des PED. La dollarisation intégrale sera laissée de coté dans la mesure où il n’y a qu’un nombre limité de pays dont le Panama, l’Equateur, le Salvador, le Guatemala, le Timor Oriental qui l’ont adopté. En plus, la souveraineté monétaire de ces pays est déjà entièrement bafouée par ce régime. On ne voit plus alors l’intérêt d’accorder trop d’importance à ce régime monétaire d’autant plus que cette question est déjà presque traitée auparavant.
La dollarisation partielle se réfère à une approche fonctionnaliste de la monnaie (Money is what money does) et invite à assimiler la dollarisation à un processus de substitution .Dans cette optique, la dollarisation ne décrit rien d’autre que la substitution par les résidents de la monnaie interne par une monnaie externe dans ses trois fonctions : unité de compte, intermédiaire des échanges (moyen de paiement), réserve de valeur. Ce régime de dollarisation privilégie le modèle de substitution qui se traduit par la volonté des agents de diversifier et de protéger leurs actifs contre les risques de dévaluation de la monnaie nationale. Il convient à cet égard de faire une distinction entre les deux motifs de la demande de monnaie étrangère : la substitution monétaire et la substitution d’actifs financiers. Les modèles de substitution monétaire (currency substitution) renvoient aux situations dans lesquelles existe une demande de monnaie étrangère pour assurer les fonctions d’unité de compte et de moyen de paiement. La xénomonnaie (le dollar) devient le principal instrument de la circulation monétaire. Ce cas de figure se manifeste dans une situation d’hyperinflation qui rend les couts d’utilisation de la monnaie nationale trop élevés pour réaliser les transactions et incitent les agents à trouver des instruments monétaires alternatifs [Balino, 1999, p.5] .Cette forme de dollarisation a connu un développement notable dans les pays d’Amérique latine et certains pays d’Asie après la stabilisation de l’inflation.
La substitution d’actifs financiers (assets substitution) quant à elle est une tendance qui découle de l’évaluation du risque et des possibilités de rendement des actifs libellés en monnaie nationale et en devise. Les actifs libellés en monnaie étrangère protègent leurs détenteurs des risques macroéconomiques à l’ exemple de l’instabilité des prix et des longues périodes de dépression qui ont ébranlé bon nombre des PED .Ce modèle fait ainsi l’ arbitrage entre la portefeuille des actifs domestiques et les actifs étrangers.
L’analyse en termes de substitution monétaire et de substitution d’actifs permet d’apprécier le degré de pénétration du dollar dans un pays donné. Jusqu’à une période récente, les mesures du degré de dollarisation se sont polarisées essentiellement sur les phénomènes de substitution d’actifs, plus particulièrement les dépôts dans les banques domestiques. Aujourd’hui, le principal indice utilisé pour mesurer la dollarisation est celui qui donne un aperçu de la dollarisation des dépôts (ratio foreign currency deposits /broad money) [Ponsot, 2003] .Il ressort de l' étude de Socorro [2006] sur la période 1996 à 2001 qu'à l’ exception des caraïbes et des pays développés , les autres régions assistent à une hausse notable du ratio relatif à la dollarisation en termes de dépôts .Cette hausse est manifeste que ce soit en Amérique du sud , dans l’ économie en transition ,au Moyen Orient , en Afrique ou en Asie .Une tendance à la dollarisation du monde est ainsi observée ces dernières années si on se réfère à cet indicateur. A titre d’illustration, en Amérique latine dans les pays comme l’Argentine, le Pérou et le Chili, les dépôts en dollars excédent même les dépôts en monnaie nationale (supérieure à 65%).Une des conséquences néfastes de la dollarisation partielle est le risque de liquidité et de solvabilité. La non- évaluation de ces risques peut être source des retraits massifs de dépôts bancaires et de crise financière .Comme l’a expliqué Socorro [2006], le risque de liquidité s’explique par la non-couverture des passifs en dollars des banques. Une augmentation supposée du risque-pays ou de risque bancaire pourrait pousser les déposants ou autre créanciers à convertir leurs dépôts ou ligne de crédit en dollars liquides ou à les transférer à l’étranger. Les passifs en dollars doivent être réglés au pair contre des monnaies étrangères. Cette situation peut déboucher à un épuisement total des réserves de change de la banque centrale dans le cas où les actifs liquides en dollars à l’étranger ne couvrent pas les passifs en dollars. C’est le cas de l’ Argentine et du Pérou où la dollarisation des dépôts est beaucoup plus faible que la dollarisation des prêts accordés par le système bancaire domestique .La tendance inverse est observée en Turquie et en Uruguay. Certains pays sont alors plus exposés et vulnérables en cas de dévaluation. La peur de la dévaluation (fear offloating) s’accentue ainsi au fur et à mesure que la dollarisation de la dette augmente [ Calvo ,Reinhart].Une détérioration de la situation économique peut provoquer aussi des ruées bancaires comme a été le cas du Mexique en 1982 ,l’ Argentine et l’ Uruguay en 2001 et la Bolivie en 2003 .
Dans les pays dollarisés, les risques de liquidité résultent d’un déséquilibre entre les actifs et les passifs en monnaies étrangères, ainsi que les effets d’une forte dépréciation de la monnaie nationale. Quand les passifs en monnaie étrangères d’une banque excédent ses actifs en ces monnaies, une dépréciation de la monnaie nationale réduira sa valeur nette et pourrait compromettre sa solvabilité. C’est ce se passe lorsqu’une banque accepte des dépôts en monnaies étrangers et accorde des prêts en monnaie nationale.
Orienter l’analyse de la dollarisation en termes de substitution d’actifs se traduit par une priorisation de la fonction de réserve de valeur de la monnaie aux détriments des deux autres fonctions de la monnaie (moyen de paiement, unité de compte).Des études récentes ont essayé de remédier à cette restriction donnant plus de priorité à la substitution monétaire c'est-à-dire le rôle relatif de la xénomonnaie par rapport à la circulation monétaire locale. Une des questions fondamentales qui mérite d’être élucidée ici est de savoir quel indicateur et quelle variable d’analyse utiliser ?Une considération de la monnaie au sens strict du terme revient à considérer l’agrégat monétaire M1 comme variable d’analyse. L’analyse du rapport de la monnaie étrangère ( xénomonnaie) au sens strict sur l’ensemble de cet agrégat monétaire donne le degré de dollarisation monétaire au sens strict d’un pays .L’extension de cette approche à l’ Agrégat M3-M1 permet de connaitre le degré de dollarisation financière d’un pays. L’analyse qui se réfère à l’ agrégat monétaire M3 c'est-à-dire la monnaie au sens large met en évidence la dollarisation monétaire au sens large du pays concerné .Dans cette analyse , l’agrégat M3 sera considéré comme la variable la plus apte à expliquer la dollarisation monétaire .De cet fait ,la dollarisation monétaire peut être appréhender en observant l’ évolution et la valeur de l’ indicateur dm3.

dm3= Billets et pièces dollarisés+ total des dépôts dollarisés/Masse monétaire en monnaies nationales et étrangère au sens de M3
Tableau 22: La dollarisation monétaire de l’Amérique latine au sens de M3

Argentine 1993Q1-2001Q3 Bolivie 1992Q4-2005Q3 Brésil 1996Q4-2005Q3 Chili 1995Q4-2005Q4 Colombie 1995Q1-2005Q4 Costa Rica 1993Q1-2005Q3 Mexique 1992Q4-2005Q4 Pérou 1993Q4-2005Q3
Déb pério 0,39 0,84 0,1 0,26 0,06 0,52 0,07 0,76
Fin pério 0,6 0,77 0,1 0,2 0,06 0,61 0,07 0,63
Minimum 0,39 0,77 0,09 0,19 0,03 0,49 0,06 0,61
Maximum 0,6 0,88 0,14 0,27 0,06 0,62 0,23 0,77
Moyenne 0,48 0,85 0,1 0,23 0,04 0,57 0,08 0,71
EcartType 0,05 0,03 0,01 0,01 0,01 0,04 0,03 0,03

Source :Colliac Stéphane [2006,p.133] .
Trois groupes de pays peuvent être formulés en matière de dollarisation monétaire au sens large en Amérique latine .Le premier groupe formé par les pays à faible dollarisation composé du Brésil ,de la Colombie et du Mexique .Dans ces trois pays ,l’ essentiel de la monnaie étrangère détenue l’est sous forme de billets et pièces .Ceci est normal au Brésil puisque les dépôts en monnaie étrangères sont proscrits. De fortes restrictions sur la détention de dépôts en monnaie étrangère explique également le résultat colombien .Le deuxième groupe est formé par des pays à dollarisation moyen dont fait parti l’Argentine et le Costa Rica .On remarque aussi que la dollarisation monétaire au sens de M3 est en augmentation dans ces deux pays. Le troisième groupe est formé par des pays à forte dollarisation monétaire. Il en est ainsi de la Bolivie et du Pérou. Ce phénomène peut s’expliquer par le fait que ces deux pays connaissent une concurrence monétaire à tous les niveaux. Toutefois, on remarque que la dollarisation monétaire suit une tendance baissière dans ces deux pays. Au Pérou, cela s’explique par l’adoption d’une politique de dédollarisation progressive par voie incitative. Cette stratégie à plusieurs piliers a pour but d’ancrer des anticipations de faible inflation au travers d’un ciblage direct et de favoriser l’endogénéisation du risque de change dans le calcul économique [ Colliac ,2006] .
Si la dollarisation a permis la stabilisation économique de certains pays et les a amené au régime de dédollarisation, elle ne l’est point pour d’autres. La Bosnie-Herzégovine, l’Israël, le Mexique, la Pologne et la Slovénie ont dédollarisé leur économie après avoir appliqué une politique crédible de lutte contre l’inflation. Dans certains de ces pays, la dédollarisation a été soutenue par des règlementations et même par une conversion forcée en monnaie nationale des actifs ou passifs en dollars. La persistance de la dollarisation après la stabilisation de la monnaie nationale amène bon nombre d’économistes à s’interroger sur l’effectivité réelle de ce régime monétaire .Par contre , les pays tentés par la dédollarisation forcée ont été victimes de la fuite des capitaux considérable .En 1982 au Mexique , elle a été estimée à 6,5 milliards de dollars. La Bolivie en 1982 et le Pérou en 1985 emboitent le pas du Mexique. Dans la mesure. Alan Greenspan a avertit à plusieurs reprises les candidats à la dollarisation intégrale que la Réserve Fédérale (FED) ne prendra pas en compte leur situation spécifique dans la conduite de sa politique monétaire .Cette position de Greenspan confirme évidement la position hégémonique du dollar américain sur le plan international. La dollarisation (voulue ou subit) par les PED marque ainsi une sorte de « soumission monétaire » vis-à-vis des Etats-Unis .C’est la manifestation la plus concrète de la dépendance financière des PED vis-à-vis de l’extérieur, en particulier vis-à-vis des Etats-Unis.

La dollarisation est l’une des formes apparentes de la perte de souveraineté monétaire des PED .L’expérience des pays de la zone franc CFA l’est aussi mais s’explique par un régime de domination monétaire différent.
3-La zone franc remet en cause la souveraineté monétaire des pays membres

Les pays dans la zone franc sont aussi concernés par le problème de souveraineté monétaire à travers l’accord de coopération monétaire avec la France. La zone Franc est le prolongement de l’accord de coopération entre la France et ses colonies intervenue en 1939 .Elle traduit la coopération entre quinze pays africains entre eux et la France , comprend huit pays d’Afrique de l’ Ouest ( Bénin , Burkina Faso , Cote d’Ivoire ,Guinée Bissau , Mali , Niger , Sénégal et Togo ) , six pays d’Afrique centrale ( Cameroun , Centrafrique, Congo ,Gabon ,Guinée équatoriale et Tchad) et les Comores .Comme le note Claveranne [ 2005, p .1] : « Simple union monétaire à l’origine , la zone franc s’est déployée depuis dans des nombreux autres domaines .Elle interpelle d’abord par son efficacité , celle d’avoir fait la stabilité monétaire une réalité vivace. Elle impressionne également par sa longévité , fruit de sa capacité d’adaptation , puisqu’elle est la seule de toutes les unions monétaires crées dans les années 1930 à avoir survécu ».Au delà de la coopération monétaire entre les Etas , la zone Franc reflète aussi une sorte de « tutelle monétaire » de la France à l’ égard des pays membres .Pour Certains [Samir Amin ,Mamadou Diara ,Kerlfalla Yanasé, Stanley Fisher ,Celestin Monga [1996] , etc] , elle constitue un frein au développement économique des pays de la zone , via l’ingérence monétaire de le France et leur perte de souveraineté monétaire .Pour d’autres , la stabilité monétaire , fruit de la zone franc reflète la nécessite de la pérennité de ce système .Une chose est sûre , la zone franc remet en cause la souveraineté monétaire des pays membres. Mais l’abandon de la zone franc comme le préconise certains économistes offre –t-il un avenir radieux aux pays de la zone franc ? Voilà la question qui mérite d’être posée et qui va attirer notre attention ici. Michel Lelart [ 2007] décrit la zone franc comme un Système Monétaire Franco-Africain (SMFA) . Pour Michel Lelart [Ibid , p .105-107] , le SMFA ( la zone Franc) est régit par trois principes :i)c’est un système de changes ; ii) c’est un système de règlements ;iii) c’est un système de crédits .En sa qualité de système de change , la zone franc assure la stabilité monétaire des membres des deux Banques centrales de la zone ( la BEAC et la BCEAO).La pérennité de la stabilité du CFA est assurée par la zone franc malgré la dévaluation de 50% de 1994 .La zone franc est aussi un système de règlements qui repose sur la convertibilité totale du franc CFA .Cette convertibilité est assurée par le compte d’opérations détenu par le trésor français. Par ce mécanisme de compte d’opérations ,les excédents et les déficits en position extérieure des pays de la zone sont assurés par la le Trésor français .Comme le note Michel Lelart [ Ibid, p.106] :« Cette convertibilité n’est pas limitée aux soldes d’interventions puisque les banques centrales n’interviennent pas sur les marchés mais à l’ensemble des opérations » . La zone franc est aussi un système de crédits dans la mesure où le compte d’opérations n’est pas ouvert à chaque Etat mais à chaque Banque centrale. Son solde reflète alors les positions excédentaires ou déficitaires des pays membres. Ils se financement mutuellement alors .Une position extérieure nette de l’ensemble de la zone se traduit par un compte d’opération créditeur qui va alimenter les réserves de changes de la France et non pas celles des pays membres (puisque, c’est la France qui détient ces réserves). Dans le cas contraire, si le solde du compte d’opérations est déficitaire (débiteur), c’est la France qui doit alimenter les devises nécessaires pour financer le trou et le financement de ce solde est illimité. Le découvert permanent et illimité est complété par des prêts à long terme accordés par la Caisse Française de Développement qui consent plus de 60% de ses crédits aux pays de la zone [ Ibid ,p ;107].Se référant aux trois principes de la zone franc évoqués par Michel Lelart ,la stabilité de la monnaie et la convertibilité de la zone franc doivent être considérés comme les deux arguments essentiels qui confortent encore le maintien de la zone franc .
Mais, la zone franc remet en cause aussi la souveraineté monétaire des pays membres, alors que la souveraineté monétaire est considérée comme un attribut essentiel d’un Etat souverain. La souveraineté est définie comme : « la qualité de l'État de n'être obligé ou déterminé que par sa propre volonté dans les limites du principe supérieur du droit et conformément au but collectif qu'il est appelé à réaliser » . La souveraineté monétaire comme nous l’ avons définie précédemment se traduit par : « la capacité de l’autorité monétaire à gérer sa politique monétaire sans avoir eu l’influence d’une autre entité au système monétaire en question ».Même si par leur statut ,les pays de la zone franc sont libres de choisir la parité de leur monnaie , dans la pratique , la France ne va pas les laisser prendre des mesures à son encontre car elle aussi tire profit de cet accord de coopération monétaire via les relations commerciales et financières entretenues avec les pays de la zone .Il serait alors , complètement utopique de penser que les pays de la zone franc pourraient prendre des mesures monétaires qui ne cadrent pas avec l’intérêt du pays sur lequel le franc CFA est gagée (la France ).Encore et pas la moindre , certes la stabilité est une bonne chose pour ces pays mais la durée et la pérennité de l’accord monétaire avec la France peut prendre fin à un certains moments. Jusque là , cette situation a été toujours évitée mais l’avenir n’assure pas forcement la pérennité de ce modèle de coopération monétaire .Si un jour pour des causes diverses : politique , économique , et ou financière , la France décide de mettre fin l’accord relatif à la zone franc , les pays membres seront dans une situation délicate .Encore , la responsabilité politique , économique et financière de ces pays doit être mise en avant .On se demande ainsi pourquoi des pays qui ont eu leur indépendance depuis près de cinquante ans n’arrivent pas encore à assurer leur propre destin et confiant une grande partie de leur gestion monétaire à l’ancienne puissance coloniale ? Cette situation se traduit évidement pas une sorte d’irresponsabilité des pays africains .Enfin, la plupart des études économiques qui essaient d’évaluer la différence entre les pays membres de la zone franc et ceux non membres ne montent pas vraiment de différences fondamentales entre ces pays. En termes de croissance économique, de développement, ou du cadre institutionnel, jusque-là , les pays de la zone franc malgré la stabilité de leur monnaie ne se détachent pas des autres pays africains comparables ( mis à part l’ Afrique du Sud et l’ Ile Maurice qui sont déjà au dessus du lot ).Cette situation trouve son fondement dans le fait que les pays de la zone franc ne disposent pas de marge de manœuvre d’ajustement de la politique économique
(politique monétaire) en cas de besoin. Les cadres règlementaires qui régissent l’Union Economique et Monétaire Ouest Africain ( UEMOA) et de la Communauté Economique et Monétaire de l’ Afrique Centrale ( CEMAC) ne permettent pas aux autorités monétaires d’accorder plus de crédit aux gouvernements même en cas de besoin ( limité à 20 % des recettes de l’année précédente) .Les modèles de l’UEMOA et de la CEMAC sont largement inspirés du traité de Maastricht de 1992 .Dans ce sens Michel Lelart [1994] avance que : « c’est l’ expérience communautaire européenne qui a servit de base à l’ établissement de ces deux traités ( UEMOA et CEMAC ) ». Dans le cadre de la zone franc , les pays membres n’ont plus alors la prérogative de flexibilité de la politique monétaire ni budgétaire car ils sont contraints à respecter les critères de convergences qui conditionnent la pérennité de leur union . Pour toutes ces raisons évoquées, l'on peut se poser la question de savoir si les pays de la zone franc sont des pays souverains monétairement puisqu'ils n'ont pas le pouvoir de battre monnaie, un acte politique qui détruit les fondements de cette souveraineté. En plus, ces pays ont en commun une monnaie imposée depuis la période coloniale. Une chose est sûre, cette tutelle monétaire assure le contrôle des économies de la zone et garantit les bénéfices des capitaux français en assurant la convertibilité illimitée, la parité fixe avec l’euro (avec le franc français avant 1999) et surtout la liberté des transferts. Dans un système économique mondial guidé par la recherche de profit ,et des intérêts stratégiques ,c’est pas la faute de la France de perpétuer la zone franc quitte à intervenir même dans la gestion monétaire de ces pays via ses administrateurs au niveau de chaque banque centrale de la zone ( BEAC et BCEAO ).Aux pays de la zone alors d’affranchir ce système de « servitude monétaire » s’ils veulent vraiment prendre en main leur propre développement par leurs propres moyens.

Voilà telle est l’effectivité de la souveraineté monétaire des PED dans un monde de plus en plus financiarisé où le risque de crise est de plus en plus grand. A chacun, décideur, chercheur et citoyen alors de prendre en compte cette réalité là pour un monde future et harmonieux des PED.