samedi 10 janvier 2009

SOUVERAINETE MONETAIRE DES PED DANS LE CADRE DE L 'AJUSTEMENT STRUCTUREL

La souveraineté monétaire des PED dans le cadre de la PAS du FMI

Comme l’a noté Edwin Le Heron [2008,p.119] :« la force de la FED est d’avoir pu être keynésienne en 1970 , monétariste après 1979 , originale avec Greenspan et peut être nouvelle keynésienne avec Bernanke sans avoir eu à modifier son cadre institutionnel ».Cette phrase résume bien la signification d’une banque centrale responsable dans un pays souverain monétairement et peut être considérée comme référence en matière d’analyse de la dynamique et de l’effectivité de la souveraineté monétaire d’un pays .
Dans quelle mesure alors les coopérations avec les IBW remettent en cause la souveraineté monétaire des PED sous ajustement ? Les accords de coopération avec les Institutions de Bretton Woods (IBW) influent –ils d’une manière significative la souveraineté et la gestion monétaire des pays sous ajustement ? Voilà les deux questions centrales qui méritent d’être posées ici.
On sait, au centre des relations avec les IBW se trouvent des conditionnalités qui cadrent les négociations avec les Etats membres en besoin de financement. Si dans le cadre général , le FMI est tenu à faire respecter l’équilibre macroéconomique via un cadrage pointu des critères à respecter , la Banque mondiale est traditionnellement tenu à financer le développement dans toutes ses dimensions avec des résultats plus mitigés qu’on connait déjà .A coté de la rigueur budgétaire , des mesures de libéralisation et des autres critères retenus dans les dix commandements du Consensus de Washington , la rigueur monétaire fait figure parmi les critères vedettes de la Politique d’Ajustement Structurel ( PAS).Le FMI en particulier fait de ce critère de rigueur un dogme. Dans toutes les négociations avec les Etats membres, le modèle de l’Approche Monétaire de la Balance des Paiements ( AMBP ) de Polak [ 1957] constitue ,le modèle de référence du FMI . Ce modèle tient compte comme objectif principal la rigueur monétaire pour éviter un dérapage inflationniste d’une politique monétaire expansive. Deux courants ont le plus influencé le FMI ces dernières années : la Nouvelle Economie Classique ( NEC) et la Nouvelle Economie Politique (NEP) .Parmi les chefs de fils de la NEC , on cite J Barro [1974, 1983] , Robert Lucas [ 1995] ,Prescott et Kydland [ 1977] .Parmi les principales propositions de cette approche ,il y a d’abord l’hypothèse de d’anticipation rationnelle de Lucas mais aussi l’incohérence temporelle des politiques discrétionnaires fortement développée par Kydland et Edward Prescott [ 1977] qui leur ont valu le prix Nobel de 2004 .Cette approche s’inscrit dans le sillage du monétarisme de Friedman qui stipule que « l’inflation est partout un phénomène monétaire ».J Barro et David Gordon [1983] ont peaufiné par la suite cette approche introduisant la « notion de réputation de la banque centrale » qui consiste à intégrer les anticipations d’inflation dans l’analyse. La NEP compte parmi elle des économistes reconnus comme Ann Krueger [1993,2002] ou les tenants du public Choice dont fait parti Buchanan ,Tollison et Gordon Tullock [ 1980] .Ce courant met en avant la lecture de l’ environnement politique dans lequel s’insère les prescriptions du Fonds et adopte une conception fonctionnaliste de l’ Etat. La remise en cause de l’efficacité des pouvoirs politique dans la gestion monétaire constitue le principal argument des monétaristes, NEC, NEP parmi lesquels sont issus les principaux responsables du FMI. En 1985 déjà, Rogoff a développé la théorie de « délégation stratégique » qui incite à donner plus d’indépendance à la banque centrale. L’indépendance de la banque centrale apparait pour Rogoff la solution optimale pour éloigner les hommes politiques de la politique monétaire et maitriser par là l’objectif de stabilité des prix .Il est tout à fait normal alors qu’on assiste à une règle stricte de rigueur monétaire dans le cadre de négociation des programmes avec le FMI. De l’accord Stand By ou accord de confirmation des pays émergents au FAS, FASR et FRPC des pays pauvres, il n’est jamais question de laisser la rigueur monétaire .La maitrise de l’inflation reste de fait l’objectif principal des banques centrales des pays sous ajustement au détriment de la croissance. Aux yeux des techniciens du FMI, évidement d’inspiration monétariste, il n’est pas question d’adopter toute forme de relance monétaire sous peine d’alimenter l’inflation. C’est une position radicale dans laquelle aucune négociation n’est plus possible .Dans ce cas de figure , la banque centrale malgré son indépendance stipulée par son statut a pour vocation principale la lutte contre l’inflation et laisse de coté toute sorte d’ajustement jugé capital dans la conduite d’une véritable politique économique responsable mais non pas une politique économique passive qui caractérise ces pays à cause des conditionnalités de la PAS .Se référant à l’ article IV du FMI , Michel Lelart [2007,p.73] résume d’une manière synthétique les contraintes qui pèsent sur les PED dans le cadre de la PAS : « Chaque pays s’efforcera d’orienter sa politique économique… ,il ne doit pas l’orienter mais seulement s’efforcer de le faire ; chaque pays cherchera à promouvoir la stabilité …,il ne doit pas la promouvoir mais seulement chercher à le faire ;enfin, chaque pays évitera de manipuler les taux de change …, il ne lui est pas interdit de manipuler les taux de change , il doit seulement éviter de le faire ».En Afrique , comme dans les pays émergents , le FMI a été toujours présent dans le cadrage de la politique monétaire . La programmation financière (y compris monétaire) des pays sous ajustement doit avoir l’aval du FMI sinon, le déblocage des fonds ultérieurs et des programmes y relatifs pourraient être suspendus. Encore , dans bon nombre de pays, le FMI n’hésite pas à interférer directement dans leur gestion monétaire .L’article IV du FMI stipule qu’un pays peut choisir de définir et de stabiliser sa monnaie par rapport au DTS, à une autre monnaie, à plusieurs monnaies ou de la laisser flotter plus ou moins librement. Il faut seulement que sa politique soit conforme aux objectifs du Fonds. La seule limitation est l’interdiction formelle de toute référence à l’or. Une fois son choix effectué , un pays doit s’y tenir et appliquer le système choisi.[Ibid ,p.72].Le statut du FMI donne alors une certaine liberté aux pays membres en matière de régime monétaire ou régime de change .Mais il doit en même temps exercer une ferme surveillance sur les politiques de change des Etats membres , ce qui justifie son intervention régulière dans le choix des régimes de change des PED .Une des dispositions de l’ article IV adoptée par les administrateurs le 29 avril 1979 stipule : « Tout membre doit s’abstenir de manipuler les taux de change … en vue d’empêcher l’ajustement effectif de sa balance des paiements ou de s’assurer un avantage compétitif inéquitable sur d’autres membres ».[Ibid , p.76] . Ce point montre comment la coopération avec le FMI remet en cause la souveraineté monétaire des pays sous ajustement. Malgré la liberté du choix de régime monétaire et de change que leur offre le statut IV , une autre section de celui-ci contredit ce fait privant les PED de l’ajustement monétaire qui s’impose à un certain moment .Il en ainsi des mesures de dévaluations successives imposées des années 1980 et 1990 mais aussi celles des dernières années dans les pays africains, en Amérique latine ,le changement de régime de change juste à la demande du FMI , les changements de parité dans les pays émergents . A l’exemple de Madagascar, les politiques de dévaluations successives contrairement aux arguments du FMI n’ont pas pu apporter leur fruit .La forte dépréciation du Franc Malgache (le FMG) de l'ordre de 4000% de 1973 (date à la quelle Madagascar a quitté la zone franc) à 2008 reflète évidement le dérapage de la politique monétaire appliquée par les dirigeants qui se sont succédés mais il y aussi une grande part de responsabilité du FMI qui cadre régulièrement la politique monétaire appliquée .Les dépréciations successives du FMG à partir du Shadow programme de 1994 ( exigence du FMI pour que Madagascar passe du change fixe au change flottant) en est l’exemple concret.
La souveraineté monétaire des PED est alors remise en cause dans le cadre de la PAS.L’indépendance de la banque centrale cache une autre réalité bien établie : l’ingérence monétaire du FMI. Cette ingérence monétaire remet en cause pas seulement l’indépendance effective de la banque centrale mais encore et surtout la souveraineté monétaire. Bon nombre des PED sous ajustement souffrent ainsi d’ « une souveraineté monétaire déguisée » au détriment de leur développement. Mais existe –t-il une approche alternative crédible qui renforce la souveraineté monétaire des PED ? Les économistes hétérodoxes, keynésiens, postkeynésiens, marxistes, école de la régulation ou institutionnaliste restent tous attachés au contrôle de l’ensemble des instruments de la politique économique par le gouvernement afin de permettre une meilleure efficacité et légitimité [Le Heron, 2008 p.116]. A part les nouveaux keynésiens ( qui pensent à l’instar des néoclassiques dont les NEC qu’à long terme la monnaie est neutre), les hétérodoxes ne sont pas pour une politique passive de la banque centrale qui accorde beaucoup d’importance à la ciblage d’inflation comme a été le cas depuis 1990 dans une bonne partie des banques centrales .Si leur conception et leurs assises théoriques se différencient les des autres , l’objectif final de leur analyse est le renforcement de la flexibilité de la banque centrale donc de sa capacité d’agir. Parmi les différentes pistes de réflexion qu’on peut avancer ici, l’analyse monétaire postkeynésienne fait figure au premier plan.
Le prolongement de l’œuvre fondateur de J M Keynes de [1930 ,1936] fait suite à un développement considérable de l’analyse monétaire de ses disciples .Keynes pour faire face aux crises des années trente qu’a traversées la Grande Bretagne a préconisé une politique de relance monétaire dans laquelle l’indépendance de la banque centrale figure est une pièce centrale .A ses yeux, l’ingérence des policy maker ( responsables politiques) dans la gestion monétaire peut annuler les effets attendus d’une relance donc il est capital que la banque centrale dispose d’une indépendance réelle .La finalité de l’argumentation de Keynes a été toujours la relance de l’activité économique dans un contexte marquée par la dépression . Aujourd’hui, la situation s’est inversée, l’indépendance de la banque centrale est imposée partout dans les PED pour éviter le dérapage inflationniste si cher aux disciples de Friedman et aux libéraux .La défense de l’indépendance de la banque centrale n’est plus alors comme au temps de Keynes. Cette indépendance est là aujourd’hui, sous l’impulsion des préceptes monétaristes pour juguler au maximum l’inflation qui est jugée partout comme un phénomène monétaire alors que du temps de Keynes elle a été préconisée en vue d’une relance monétaire. La séparation du pouvoir entre le pouvoir politique et la banque centrale n’est pas fondée pour les keynésiens .A travers la théorie endogène de la monnaie, la plupart des postkeynésiens préconisent une banque centrale active et non plus passive apte à faire face aux défis de relance et de l’ajustement monétaire de l’économie. Evidement avec le concours du pouvoir public, cette option est considérée comme une condition primordiale d’une souveraineté monétaire effective aussi bien dans les PED que dans les pays développés.
La théorie monétaire postkeynésienne est fondée essentiellement sur le caractère endogène de l’offre de la monnaie .Les postkeynésiens Américains [ Kregel , Randall Wray, Arestis, Dow] ,les postkeynésiens français du circuit
[ Piegay, Rochon , Poulon, Parguez] ,les postkeynésiens Anglais [Godley, Kaldor,Deleplace ,Nell] , les postkeynésien canadiens [ Marc Lavoie, Gilles Dostaler] s’accordent à dirent que l’offre de monnaie ne peut pas être fixée d’une façon arbitraire par la banque centrale .Elle est déterminée par la demande de crédit et les préférences du public .C’est le fameux aphorisme selon lequel
« Les crédits font les dépôts » note Marc Lavoie [2004, p.55] dans son œuvre intitulé « L’économie postkeynésienne ».La théorie monétaire postkeynésienne inverse la causalité du sens dépôt-crédit chez les néoclassiques. Les banques n’ont pas forcement besoin de dépôts préalables pour consentir des crédits .La création des crédits et des dépôts bancaires se font sur la seule base de crédibilité et des suretés offertes par l’emprunteur [Heinsonhn et Steiger , 2000] .La monnaie banque centrale comme la monnaie bancaire est endogène et ne peut être fixée de façon arbitraire par la banque centrale. Le volume de monnaie banque centrale est lié aux crédits consentis et à la monnaie bancaire par un diviseur de crédit. La monnaie bancaire n’est pas un multiple de la quantité de monnaie banque centrale, c’est la monnaie banque centrale qui est un quotient de la quantité de monnaie bancaire .Un argument majeur qui conforte l’inversion de la causalité dépôt-crédit chez les postkeynésiens est le fait qu’ils réfutent la théorie wickselienne des fonds prêtables que les nouveaux keynésiens [ Stiglitz, Mankiw , Tobin ] acceptent à l’instar des néoclassiques . Les postkeynésiens contrairement aux néoclassiques avancent que c’est l’investissement qui induit l’épargne et non l’inverse. Il suffit alors la mobilisation des ressources nationales car le financement de l’activité ne dépend plus que de la crédibilité de l’emprunteur et des normes financières existantes. La rareté du financement est conventionnelle [Lavoie, 2004, p .55] .Dans cette optique, ils réfutent l’existence d’un taux d’intérêt naturel et que l’inflation ne peut être causée par un taux de croissance de la monnaie, au contraire c’est le taux de croissance des prix et de la production qui va causer la hausse du stock de la monnaie. La théorie endogène de la monnaie accorde beaucoup d’importance entre l’offre de la monnaie et le processus de production. C’est dans ce sens que la théorie monétaire postkeynésienne est assimilée régulièrement à une « Economie monétaire de production » ou « Economie du circuit monétaire ».Dans le cadre pratique de la politique monétaire, l’endogeneité de la monnaie engendre un caractère fondamental de la monnaie sur lequel repose le principal argument des postkeynésiens face aux attaques virulentes des néoclassique : c’est la « non- neutralité de la monnaie ».Les postkeynésiens ne voient dans l’indépendance des banques centrales qu’une tentative des néoclassiques d’imposer une vision dichotomique de l’ économie entre les phénomènes monétaires , telle l’inflation qui relèveraient de la banque centrale et les phénomènes réels qui relèveraient du marché [Le Heron ,2008, p .117] .Pour les keynésiens , la monnaie n’est pas neutre puisqu’elle agit par le crédit et le taux d’intérêt sur la production et l’emploi .L’hypothèse irréaliste de l’ anticipation rationnelle montre que les agents économiques ne vont pas tenir compte de l’horizon long terme comme conséquence , toute décision de relance ou rigueur adoptée par la banque centrale sera incorporée dans les habitudes de consommation et d’investissement local. Edwin Le Heron [2008] montre que la politique monétaire des NEC inspirés du monétarisme de Friedman peut être résumée à travers la théorie de la crédibilité de la banque centrale. Cette crédibilité est mesurable à travers le taux de réalisation de l’objectif établi qui n’est autre que la maitrise de l’inflation. Pour Edwin Le Heron [Ibid, p.116], les deux hypothèses théoriques fondamentales de l’indépendance des banques centrales : le biais inflationniste et les anticipations rationnelles sont contraires à la réalité des faits et sont aujourd’hui largement remises en question .La position de Maurice Allais [1993] converge aussi dans le sens du renforcement d’un Etat vraiment responsable de sa politique monétaire à l’instar des postkeynésiens. Maurice Allais [1993, p.323] affirme ainsi : «Si nous nous considérons non seulement l’histoire de ces dernières décennies, mais également ces des deux derniers siècles, et sans doute celle de ceux qui les ont précédés, les facteurs monétaires apparaissent certainement comme ayant une importance tout à fait exceptionnelle dans le fonctionnement de toute économie. Si, en effet, des conditions monétaires appropriées ne sont pas assurées, l’expérience montre qu’il ne saurait y avoir ni efficacité de l’économie ni équité dans la distribution de revenus ».
Pour toutes ces raisons évoquées, la culte de stabilité de prix, objectif principal des banques centrales des PED sous ajustement ne rime pas forcement avec le défi de développement des PED .Le principe d’indépendance de la banque centrale -source d’une politique monétaire passive doit être alors remplacée par une banque centrale active apte à faire face au problème majeur des PED : la stagnation. Dans un tel cas de figure, la souveraineté monétaire du pays ne doit plus être remise en cause ce qui renforce la crédibilité et l’efficacité de l’action de la banque centrale. Il est alors temps que les PED changent de cap sous peine de nager dans une sorte de « soumission monétaire chronique » qui les caractérise depuis des décennies.
La Chine , un pays qui n’a jamais eu de relation avec les IBW en particulier avec le FMI mérite ici d’être notée .La chine à l’instar des grands pays développés a toujours conduit à sa guise sa politique monétaire .La performance économique de la chine et la stabilité de sa monnaie n’ont jamais été remises en cause jusque là .Au contraire , sa souveraineté monétaire vis-à-vis de l’ extérieur constitue l’une des pièces centrales de son décollage économique .Il en est aussi des pays pétroliers du moyen orient .Malgré l’exigence et les critiques fréquentes des Etats-Unis et de l’ Europe qui accusent l’autorité chinoise d’avoir appliquer régulièrement une politique de dumping monétaire en sous-évaluant le yuan (la monnaie chinoise) ,la chine tient toujours jusque-là à mener sa politique monétaire à sa guise. La souveraineté monétaire de la chine tout comme celle des pays pétroliers du Moyen Orient n’a jamais été remise en cause .D’une part, ils n’ont pas eu des relations durables avec les IBW (ou pas du tout) .D’autre part, leur situation financière leur ont permis d’avoir une politique monétaire autonome sans trop dépendre de l’extérieur. En tout, leur souveraineté monétaire renforce la crédibilité de la politique monétaire de leur banque centrale .Mais dans la réalité ,le sens de causalité entre la crédibilité de la politique monétaire de la banque centrale et la souveraineté monétaire reste en suspens.
1-2-3-Souveraineté et crédibilité de la Banque centrale : quelle relation ?

Une question se pose alors : y a –il une relation de causalité entre souveraineté monétaire et crédibilité de la politique monétaire de la banque centrale ?
Autrement dit est ce que la souveraineté monétaire qui précède et influence la crédibilité de la banque centrale ou c’est l’inverse ? Le premier cas, amène à dire que l’efficience de la politique monétaire résulte avant tout de l’existence d’une certaine souveraineté monétaire jugée indispensable dans la conduite de toutes reformes monétaires et financières envisagées afin de garantir l’indépendance financière. Dans ce sens, les conditions précitées qui cadrent la souveraineté monétaire doivent être remplies entièrement ou partiellement .Des conditions qui stipulent les attributs en matière de frappe et création de monnaie, la capacité institutionnelle .Ce cas de figure , peut être envisagé dans le cas des grands pays industrialisés comme les Etats-Unis , les grands pays Européens membre actuellement de la zone Euro , la Grande Bretagne , le Japon , quelques pays pétroliers du moyen orient et la chine. Ces pays ont eu tous leur souveraineté monétaire au sens large du terme qui les ont permis malgré les tensions qui ont pesées sur leur économie à un certains moments de mener à bien leur politique monétaire par l’intermédiaire de leur banque centrale respective. Par contre, le second cas montre que la crédibilité de la politique monétaire de la banque centrale est une condition sin qua non pour arriver à la souveraineté monétaire. Aucune souveraineté monétaire ne peut être alors envisagée sans cette crédibilité. Mais de quelle crédibilité s’agit-il ici ? La crédibilité de la politique monétaire de la banque centrale est généralement définie comme la faculté des autorités monétaires à imposer sa politique monétaire vis-à-vis des objectifs tenus dans le cadrage général de la politique monétaire à un moment donné. D’une autre manière, c’est la faculté de la banque centrale à respecter et faire respecter ses objectifs .Des questions se succèdent pour éclairer ce débat .La Banque centrale peut –elle influencer le marché monétaire comme le stipule son statut ? Arrive-t-elle vraiment à maitriser les variables clés de l’économie ? Dans quelle mesure une détente du taux de base de la banque centrale peut-elle influencer les taux primaires des banques de second rang ? La manipulation des réserves obligatoires peut-elle vraiment influencer les comportements des banques par rapport à leur politique de crédit ? Les réponses à ces questions peuvent être trouvées en analysant les mécanismes de transmission de la politique monétaire mais la crédibilité de la banque centrale est un paramètre à ne pas négliger dans l’analyse. Une crédibilité qui résulte de la combinaison de deux facteurs à savoir le bien fondé de la politique monétaire et la compétence des autorités monétaires. Ce sont principalement les cas des pays émergents d’Asie et d’Amérique latine, les pays Africains. Quelques-uns d’entre eux ont pu reformer leur secteur financier et monétaire avec ou sans assistance des institutions de Bretton woods .Il en ainsi des pays comme , la Malaisie , la Corée du sud , Afrique du Sud .Les autres pays émergents ou non sont toujours à la recherche de la potion magique leur permettant de renforcer la crédibilité de leur banque centrale dans la conduite de leur politique monétaire .
Il est tout à fait difficile alors de se prononcer sur cette question souveraineté monétaire amène-t-elle la crédibilité de la banque centrale ou l’inverse ? Ce qu’on peut avancer, la finalité de toute reforme monétaire et financière est le décollage économique et l’amélioration du sort de la population qui nécessairement vont passer par la croissance économique sans négliger les autres dimensions humaines de l’économie. Logiquement , souveraineté et crédibilité peuvent aller de paire mais il est capital que souveraineté précède crédibilité car, la crédibilité de la banque centrale peut être passagère si le pays en question n’ a pas vraiment sa propre souveraineté monétaire .Les pays émergents d’Amérique latine et d’Asie victimes des crises financières des années 1990 et des années récentes sont des exemples concrets en la matière .
La souveraineté monétaire pour la plupart des PED reste encore une utopie Qu’ils commencent alors à entreprendre les reformes monétaires adéquates pour arriver à ce stade en vue de faire valoir leur indépendance financière. Des reformes qui nécessitent avant tout des projections solides et cohérentes dans l’ensemble mais non pas des reformes à l’aveuglette qui ont prédominé depuis les années 1980 dans ces pays.
Comme on l’a démontré précédemment, la théorie monétaire postkeynésienne offre une alternative prometteuse pour que les PED dans son ensemble puissent reconquérir leur souveraineté monétaire longtemps bafouée par la PAS et par l’asymétrie monétaire au niveau mondial. En tout état de cause, la recherche d'un régime monétaire optimal des PED dépend de deux choses :i) la volonté ou non de ces pays de s'approprier leur souveraineté monétaire, ii) les contextes économiques et les structures économiques de chaque pays. L'essentiel n'est pas alors le fait d'avoir sa souveraineté monétaire mais de maitriser les défis qui en résultent dont la stabilisation monétaire (ce qui n'est pas toujours le cas) et l’utilisation des marges de manœuvre possibles qu’elle offre dans la conduite une politique monétaire vraiment responsable.

PERSPECTIVE RECENTE DE LA SOUVERAINETE MONETAIRE DES PED

Depuis des sicècles et de nos jours ,la sphère monétaire constitue une branche fondamentale de l' économie.Les crises financières recurrentes des pays émergents des années 1990 et des années subséquentes mais aussi la vulnérabilité financière des PMA montre à quel point le régime monétaire des PED constitue le noyau dur de leur système financier .Cet article met en exergue la souveraineté monétaire des PED dans une perspective récente .Je m'excuse d'avance sur les imperfections de cet article aussi bien dans le forme que dans le fonds . Bonne lecture!!!

PERSPECTIVE RECENTE DE LA SOUVERAINETE MONETAIRE DES PED
Le Système Monétaire International (SMI) d’aujourd’hui comme celui d’après guerre est marqué par une forte domination du dollar américain. L’hégémonie du dollar est une évidence malgré les disfonctionnements qu’a traversés l’économie américaine. Les Etats-Unis avec sa monnaie restent le cœur du SMI , alors que de l’ autre coté , il y a la périphérie essentiellement constituée des PED (émergents , et PMA) et les autres pays industrialisés .Des auteurs postkeynésiens dont Arestis et all [2005] dans le Journal Post-keynésian Economics ont mis en évidence la pérennité et la soutenabilité d’un tel système. Une des principales conclusions de cette étude est la création d’une monnaie internationale et d’une chambre de compensation chargée d’assurer l’ajustement des déséquilibres des banques centrales [Keynes , 1944] .Comme l’a bien résumé Michel Lelart [2007 ,p.22-24] : « sur le plan technique , le plan Keynes est un mécanisme de compensation, sur le plan financier c’est une procédure de crédit , sur le plan politique c’est la garantie d’une réelle symétrie ».Si la mise en place ou la faisabilité de ce plan reste en suspens , la domination des pays à monnaie forte ( les USA , la zone euro) sur les pays à monnaie faible (les PED ) restent une évidence .Le déséquilibre croissant des rapports financiers et monétaires au niveau mondial débouche régulièrement à une sorte d’asymétrie monétaire du SMI qui s’explique par la perte progressive ou totale de la souveraineté monétaire des PED . L’effectivité réelle de la souveraineté monétaire peut être appréhendée à travers leur régime monétaire et leur régime de change.

1-Remise en question de la souveraineté monétaire : l’asymétrie monétaire

La souveraineté monétaire est un concept très large et difficile à appréhender. Malgré les multitudes d’études relatives à la monnaie effectuées par des économistes théoriciens et / ou praticiens, ce concept reste toujours mal exploité même si ces études là dans la plupart des cas traitent le sujet d’une manière ou d’une autre. En règle générale , « la souveraineté d’un Etat est la qualité de l’ Etat de n’être obligé ou déterminé que par sa propre volonté dans les limites du principe supérieur du droit et conformément au but collectif qu’il est appelé à réaliser » [Le Fur , 1896] .Pour simplifier dans cette étude, la souveraineté monétaire sera définie comme « la capacité d’ un pays à mener à bien sa politique monétaire sans avoir eu d’une manière ou d’une autre l’ingérence d’autre pays ou organisation extérieure au système monétaire en question et qui ne remet pas en cause la souveraineté de la nation ». Cette définition ramène aux différentes perspectives monétaires des PED qui ont largement changé durant les deux dernières décennies .Il en est ainsi des études relatives au régime de change, la zone monétaire, la dollarisation, les currency board. Ces variantes multifacettes de l ‘économie monétaire font toujours intervenir le concept de souveraineté monétaire mais de degré différent. Dans tous les cas de figure ,l’arbitrage et le rapport de force entre la monnaie cœur (dollar et l’euro) et la périphérie ( la monnaie des PED ) constitue les principaux déterminants de la souveraineté monétaire des PED. Si sur le plan monétaire, les Etats-Unis et la zone euro ne souffrent pas de restrictions de souveraineté monétaire, la plupart des PED en souffre beaucoup et subit régulièrement d’une manière ou d’une autre l’hégémonie des monnaies fortes dont le dollar, l’euro et l’ yen. Ce déséquilibre du rapport monétaire entre le centre et la périphérie est appelé régulièrement « Asymétrie monétaire » qui est la forme la plus visible de la « soumission monétaire » des PED vis-à-vis des pays cœurs dont les Etats-Unis.
Se référant à la définition précédente, la capacité d’un gouvernement (ou autorité monétaire) à gérer librement, sans contrainte ni dépendance extérieure de l’instrument monétaire peut être qualifiée de souveraineté monétaire, une des variantes de la nature et du degré de dépendance financière vis-à-vis de l’extérieur. Une nation qui émet sa propre monnaie est au moins en partie souveraine. On parle ici de « souveraineté monétaire de fait » .Toutefois, la capacité d’émission de monnaie (et des instruments y relatifs) n’est pas la seule forme de souveraineté monétaire. Il y a ainsi des pays qui ont leur propre monnaie, leur propre banque centrale mais qui sont obligés de fait à recourir à des monnaies étrangères afin de stabiliser leur monnaie ou leur économie (Currency board, dollarisation).Il importe de rappeler qu’entre un Etat pleinement souverain et un Etat qui ne l’est point, il existe une infinité de souveraineté monétaire imparfaite. La définition chartalisme de la monnaie implique qu’une autorité monétaire pleinement souveraine peut jouer sans influence excessive sur la valorisation de l’instrument monétaire [Knapp, 1973 et Schumpeter, 2004].En d’autres termes, c’est le crédit que les utilisateurs de la monnaie confèrent à son émetteur qui détermine sa valeur. A la différence du chartalisme , le « métallisme théorique » nie tout rôle à l’institution émettrice dans l’ établissement des conditions nécessaires à la valorisation de l’ instrument monétaire. Pour ce courant, la monnaie n’a ni valeur intrinsèque, ni la valeur dérivée que lui confère l’institution émettrice. Elle ne vaut que par la garantie associée, c'est-à-dire par exemple une certaine quantité de métal ou d’une monnaie. L’existence du péché originel [Eichengereen ,1999] ou la dollarisation des dettes en est l’exemple concret. La traduction moderne de la monnaie est la monnaie souveraine et obéit à une définition chartaliste. Sa valeur lui est conférée ainsi par l’institution émettrice. Cependant, plus ce crédit diminue, plus le « métallisme pratique » dévient nécessaire pour rétablir une valorisation suffisante de la monnaie nationale. Le pouvoir économique local est ainsi obligé de fait à restreindre sa souveraineté monétaire même s’il dispose encore certaines prérogatives. L’assemble et l’ accumulation des restrictions contraintes de souveraineté monétaire amènent les pays qui les subissent dans la périphérie monétaire , c'est-à-dire dans une sorte de dépendance vis-à-vis d’une ou plusieurs monnaies représentatives dont le dollar , l’ euro et le Yen .Cette situation est sans aucun doute la preuve tangible de l’ asymétrie monétaire entre les pays du centre et les PED qui évidement montre la perte progressive ou totale de leur souveraineté monétaire .La dollarisation et la zone franc CFA en sont des exemples formels.
2-La dollarisation remet en cause la souveraineté monétaire des PED

Ici, dans un premier temps, dans un premier temps , on va aborder la relation existante entre la dollarisation et la souveraineté monétaire. Ensuite, les faits stylisés de la dollarisation vont corroborer notre hypothèse selon laquelle la dollarisation remet en cause la souveraineté monétaire des PED.
2-1-Dollarisation et souveraineté monétaire : quelle relation ?

La dollarisation est un instrument de politique monétaire très en vogue en Amérique latine vers le début des années 1980 et y a pris de l’ampleur vers les années 1990 avant de s’élargir par la suite vers d’autres pays d’Asie et d’Afrique .Ce terme est devenu familier dans le cercle des économistes ces derniers temps et constitue même un thème brulant des conférences, études et séminaires économiques. Au sens strict, la dollarisation désigne « l’abandon d’une monnaie nationale au profit du dollar américain ». Salama [ 1998 , p.8] définit la dollarisation comme « l’ évolution selon laquelle le dollar s’impose de plus en plus comme réserve de valeur , unité de compte et parfois intermédiaire des échanges pour certains produits ».Bourguinat et Dohni [2002,p.59] reformulent une définition voisine puisqu’ils la désignent comme « le processus de remplacement par le dollar des Etats-unis des monnaies nationales préexistantes en tant qu’unité de fixation des prix des biens , d’instrument des paiements et de détention de l’épargne ».Au sens large du terme ,la dollarisation peut être définie comme « un système en vertu duquel un pays renonce entièrement ou partiellement à utiliser sa propre monnaie et adopte comme moyen légal ou moyen de paiement une devise mondiale stable ( le dollar ,l’ euro ») . Plusieurs typologies de dollarisation peuvent être envisagées suivant le degré de pénétration, d’utilisation et d’officialisation de la devise en question dans le pays concerné. On distingue ainsi la dollarisation intégrale et officielle de la dollarisation partielle et officieuse .La dollarisation intégrale et officielle est assimilée à un processus de substitution d’une monnaie étrangère à la monnaie nationale , ce sont alors les modèles de substitution qui sont privilégiés comme outils d’analyse .La dollarisation partielle et officieuse quant à elle articule la réflexion sur l’ analyse de cout/ avantages de la décision de faire disparaitre la monnaie nationale au profit d’une monnaie étrangère[Ponsot ,2003]. Qu’on soit dans un régime de dollarisation totale ou partielle, la souveraineté monétaire du pays concerné est en jeu. La question n’est pas ici alors de savoir quelle régime favoriser mais de savoir comment et dans quelle mesure la dollarisation remet en cause la souveraineté monétaire du pays dollarisé.
Si la dollarisation officielle et intégrale via l’abandon de l’exclusivité monétaire s’apparente comme une perte totale de la souveraineté monétaire du pays concerné, la dollarisation partielle et de facto se traduit par une crise de légitimité de l’unité de compte domestique qui érode progressivement la souveraineté monétaire. L’analyse fonctionnaliste de la monnaie qui privilégie l’approche en termes de substitution d’actifs et de substitution monétaire permet de connaitre le degré de dollarisation d’une économie alors que l’approche institutionnelle qui met en avant son identité qui caractérise un pays ou une région quelconque renvoie au concept de souveraineté monétaire. Dans cette étude, l’approche institutionnaliste (chartaliste) est mise en avant sans oublier l’apport de l’approche fonctionnaliste.
La dollarisation est un phénomène qui date déjà plus d’un siècle. En effet, jusqu’à une date récente, seul le Panama parmi les pays de taille significative avait opté dès 1904 pour une dollarisation officielle. Or, l’Equateur et le Timor oriental en 2000, le Salvador en 2001 ont choisi à leur tour la monnaie américaine comme moyen de paiement sur leur territoire, renonçant ainsi à toute souveraineté monétaire. Le Nicaragua et le Costa-Rica pourraient se laisser séduire dans un avenir plus ou moins proche. Si l’Argentine a hésité de franchir le pas à maintes hésitations, on notera qu’il existe une double circulation incluant le dollar au Guatemala [Minda ,2005] .Cette amplification de la dollarisation totale reflète le souci des dirigeants latino-américains à stabiliser leur monnaie après les fortes secousses financières qui caractérisent les années 1990 .L’adoption d’un régime de dollarisation totale est un choix lourd de conséquence. L’abandon d’une monnaie nationale au profit d’une monnaie étrangère est un choix presque irréversible sinon nécessite un long processus de dédollarisation. Comme le note Minda [2005] : « Combien de monnaie des pays indépendants ont retrouvé leur pouvoir libératoire après avoir perdu leur cours légal ? A part le Liberia dans la zone dollar, le Botswana et le Swaziland dans la zone rand, l’exemple ne sont pas légion ».
Si dans le passé, la plupart des études relatives à ce régime monétaire se sont orientés à la dollarisation partielle, le questionnement sur le régime de dollarisation intégrale commence à prendre de l’ampleur ces dernières années. Ce changement de cap a été opéré dans le cadre de la recherche des « solutions en coins » ou « corner solutions » qui commence à prendre de l’ampleur après les crises financières successives des années 1990 dans les pays émergents durant lesquelles l’Amérique latine et l’Asie du Sud Est ont été les principaux victimes .Bon nombre d’éminents économistes ont ainsi essayé de rompre avec les régimes dites intermédiaires. Entre le choix d’un flottement libre et d’un ancrage total, ils ont préféré adopté un autre régime qu’est la dollarisation totale ou intégrale supposée capable d’enrayer l’instabilité monétaire de ces pays.
Une question cruciale qui mérite d’être posée est ainsi de savoir si la dollarisation intégrale constitue un régime monétaire optimal pour la stabilité monétaire et le décollage économique des pays latino-américains en particulier et les PED dans l’ensemble ?
Peser le pour et le contre de la dollarisation n’est pas chose facile .Les partisans de la dollarisation mettent en avant les avantages suivants :crédibilité renforcée des gouvernements face aux crises de change d’où une baisse des taux d’intérêt par diminution de la prime de risque ;réduction de l’inflation et baisse des couts de transaction d’où une plus grande intégration commerciale , financière et fiscale ;abandon du financement par création monétaire ce qui favorise le secteur bancaire , meilleure prévention des crises d’endettement, approfondissement des systèmes financiers .En tout état de cause , la dollarisation est considérée comme source de stabilité monétaire et financière du pays dollarisé. Les pays qui entretiennent des relations commerciales et financières très étroites avec les Etats-unis sont le premier groupe de pays qui mérite d’être dollarisé totalement .Le Panama en est l’exemple concret. Le deuxième groupe concerne les pays qui souffrent d’un désordre politique de grande ampleur comme l’Equateur et le Salvador, le Timor et les pays en décomposition.
Les opposants à la dollarisation totale tournent leur objection autour de cinq types d’arguments : la perte d’indépendance de la politique monétaire, abandon de la politique de change, perte du droit de seigneuriage, disparition du prêteur en dernier ressort et limitation des instruments contra-cycliques. Ici, c’est la perte de la souveraineté monétaire qui est en jeu. La dollarisation est percue ici comme symptômes de malaise profond, celui de la perte de la légitimité de la monnaie domestique. Elle est la crise de l’institution-monnaie et met mal la souveraineté monétaire. Comme l’a noté Théret [1998, p.27] : « La monnaie est un symbole fort d’appartenance à une même entité politique, économique et sociale » .Pour Anderson [1991] : « Elle est vecteur d’indentification au sein d’une communauté imaginaire au même titre que le drapeau, les emblèmes, les langues, l’hymne, etc ».La dimension symbolique et identitaire de la monnaie nécessite que celle-ci soit avant tout unité de compte et plus précisément unité de compte unique. Keynes [ 1930] et Knapp sont les deux auteurs de la première moitié du XXème siècle qui ont mis l’ accent sur « le primat de l’ unité de compte ».Cette conception est aujourd’hui largement développée par des auteurs postkeynésiens en particulier l’ approche néo-chartaliste de Wray ou celle qui privilégie les questions de souveraineté monétaire .Dès la première ligne de son traité sur la monnaie [ 1930] , Keynes explique que l’unité de compte ( money of account) ,c'est-à-dire dans laquelle les dettes , les prix ; le pouvoir d’achat général sont exprimés est le concept premier de la théorie de la monnaie [Keynes ,1971, p . 3] .La dollarisation entraine un détachement de l’unité de compte domestique par les agents économiques. Comme l’Affirme Aglietta
[2001] : « Un régime monétaire viable dépend de la persistance dans le temps de la confiance placée dans l’unité de compte et sa stabilité constitue le point essentiel de cette confiance ». En bref, suivant le cas (dollarisation partielle ou intégrale), la dollarisation prive les pays dollarisés de leur autonomie monétaire et /ou leur exclusivité monétaire qui sont les attributs essentiels de la souveraineté monétaire d’un Etat.
Dans un régime de dollarisation totale, ces situations évoquées doivent être alors vérifiées, tandis que dans un système de dollarisation partielle, elles seront accomplies partiellement suivant le cas qui se présente. Pour revenir à nos moutons, il convient de rappeler qu’il est extrêmement difficile de faire un bilan objectif des avantages et couts de la dollarisation intégrale .D’une part , le Panama est officiellement le seul pays qui a une longue expérience en matière de dollarisation ( depuis 1904) .En plus , le lien de plus en plus étroit entre ce pays et les Etats-unis biaise toute tentative d’analyse en termes de couts- avantages .D’autre part, l’expérience récente des pays officiellement dollarisés comme l’ Equateur [1999] ,le Salvador[ 2001] , le Timor [2000] ne permettent pas vraiment d’avoir une vision large pour une appréhension réelle de ce phénomène . En tout état de cause, l’évaluation des avantages et couts de la dollarisation intégrale nécessite la prise en compte des structures économiques, sociales et politiques des pays candidats .Toutefois, il importe de noter que malgré les avantages que procurent la dollarisation intégrale, ce régime monétaire ne doit pas être adopté qu’en dernier recours. L’utilisation du dollar pour les transactions réelles et financières est souvent une réaction des citoyens ou des pouvoirs publics d’un pays à l’instabilité de la monnaie nationale. Malgré la stabilité monétaire qu’elle apporte, la dollarisation peut rendre le système financier plus vulnérable aux crises de liquidités et de solvabilité et surtout source de la perte de la souveraineté monétaire du pays en question. Dans un pays dollarisé, la perte de la souveraineté monétaire prive les autorités monétaires à prendre des mesures alternatives aux chocs extérieurs sans oublier la perte de l’identité monétaire considérée comme un symbole fort d’un Etat souverain moderne [Théret, 2003].La dollarisation favorise alors la dépendance financière du pays concerné au pays émetteur de la xénomonnaie (le dollar).
En raison de son cout d’opportunité, l’abandon d’une monnaie nationale pour une devise étrangère constitue une solution de dernier recours à l’instabilité financière et monétaire des pays latino-américains. Malgré quelques avantages spécifiques, il est illusoire d’envisager ce régime monétaire comme un miracle pour réduire l’instabilité monétaire des pays émergents et de surcroit du SMI. La gestion passive du dollar par les autorités américaines corrobore ce constat. Une dollarisation partielle des PED en particulier des pays émergents ( ce qui est un fait pour bon nombre de pays) est alors inévitable vue l’hégémonie du dollar américain et la puissance économique des Etats-unis .La limite de la soutenabilité des déficits jumeaux américains (depuis 2000) est de l’autre coté un signe avant coureur des risques d’une dollarisation totale. La gestion du dollar par la FED avec les conséquences qui s’ensuivent ne vont pas suffir à limiter les dégâts d’une dollarisation intégrale dans les pays qui souhaitent l’appliquer. D’autant plus que la FED n’a jamais décidé de coopérer pour atténuer les effets désastreux de la dollarisation dans les pays dollarisés. Encore, la nouvelle configuration du SMI, résultat de la crise financière actuelle ne permet plus les Etats-unis à se comporter comme avant.

2-2-Faits stylisés de la dollarisation :la dollarisation partielle
L’appréhension de la dollarisation peut être analysée à deux niveaux :la dollarisation intégrale et la dollarisation partielle .Si dans la plupart des cas , la dollarisation intégrale est assimilée à la dollarisation officielle et de jure ,la dollarisation partielle quant à elle fait référence à la dollarisation officieuse et de facto. Dans le fait, cette délimitation peut être contrariée par des pratiques et des réalités tout à fait différentes de ce que l’on pense ou de ce que l’on croit. Dans ce qui suit, la dollarisation partielle sera mise en avant vue l’importance capitale de ce régime monétaire dans bon nombre des PED. La dollarisation intégrale sera laissée de coté dans la mesure où il n’y a qu’un nombre limité de pays dont le Panama, l’Equateur, le Salvador, le Guatemala, le Timor Oriental qui l’ont adopté. En plus, la souveraineté monétaire de ces pays est déjà entièrement bafouée par ce régime. On ne voit plus alors l’intérêt d’accorder trop d’importance à ce régime monétaire d’autant plus que cette question est déjà presque traitée auparavant.
La dollarisation partielle se réfère à une approche fonctionnaliste de la monnaie (Money is what money does) et invite à assimiler la dollarisation à un processus de substitution .Dans cette optique, la dollarisation ne décrit rien d’autre que la substitution par les résidents de la monnaie interne par une monnaie externe dans ses trois fonctions : unité de compte, intermédiaire des échanges (moyen de paiement), réserve de valeur. Ce régime de dollarisation privilégie le modèle de substitution qui se traduit par la volonté des agents de diversifier et de protéger leurs actifs contre les risques de dévaluation de la monnaie nationale. Il convient à cet égard de faire une distinction entre les deux motifs de la demande de monnaie étrangère : la substitution monétaire et la substitution d’actifs financiers. Les modèles de substitution monétaire (currency substitution) renvoient aux situations dans lesquelles existe une demande de monnaie étrangère pour assurer les fonctions d’unité de compte et de moyen de paiement. La xénomonnaie (le dollar) devient le principal instrument de la circulation monétaire. Ce cas de figure se manifeste dans une situation d’hyperinflation qui rend les couts d’utilisation de la monnaie nationale trop élevés pour réaliser les transactions et incitent les agents à trouver des instruments monétaires alternatifs [Balino, 1999, p.5] .Cette forme de dollarisation a connu un développement notable dans les pays d’Amérique latine et certains pays d’Asie après la stabilisation de l’inflation.
La substitution d’actifs financiers (assets substitution) quant à elle est une tendance qui découle de l’évaluation du risque et des possibilités de rendement des actifs libellés en monnaie nationale et en devise. Les actifs libellés en monnaie étrangère protègent leurs détenteurs des risques macroéconomiques à l’ exemple de l’instabilité des prix et des longues périodes de dépression qui ont ébranlé bon nombre des PED .Ce modèle fait ainsi l’ arbitrage entre la portefeuille des actifs domestiques et les actifs étrangers.
L’analyse en termes de substitution monétaire et de substitution d’actifs permet d’apprécier le degré de pénétration du dollar dans un pays donné. Jusqu’à une période récente, les mesures du degré de dollarisation se sont polarisées essentiellement sur les phénomènes de substitution d’actifs, plus particulièrement les dépôts dans les banques domestiques. Aujourd’hui, le principal indice utilisé pour mesurer la dollarisation est celui qui donne un aperçu de la dollarisation des dépôts (ratio foreign currency deposits /broad money) [Ponsot, 2003] .Il ressort de l' étude de Socorro [2006] sur la période 1996 à 2001 qu'à l’ exception des caraïbes et des pays développés , les autres régions assistent à une hausse notable du ratio relatif à la dollarisation en termes de dépôts .Cette hausse est manifeste que ce soit en Amérique du sud , dans l’ économie en transition ,au Moyen Orient , en Afrique ou en Asie .Une tendance à la dollarisation du monde est ainsi observée ces dernières années si on se réfère à cet indicateur. A titre d’illustration, en Amérique latine dans les pays comme l’Argentine, le Pérou et le Chili, les dépôts en dollars excédent même les dépôts en monnaie nationale (supérieure à 65%).Une des conséquences néfastes de la dollarisation partielle est le risque de liquidité et de solvabilité. La non- évaluation de ces risques peut être source des retraits massifs de dépôts bancaires et de crise financière .Comme l’a expliqué Socorro [2006], le risque de liquidité s’explique par la non-couverture des passifs en dollars des banques. Une augmentation supposée du risque-pays ou de risque bancaire pourrait pousser les déposants ou autre créanciers à convertir leurs dépôts ou ligne de crédit en dollars liquides ou à les transférer à l’étranger. Les passifs en dollars doivent être réglés au pair contre des monnaies étrangères. Cette situation peut déboucher à un épuisement total des réserves de change de la banque centrale dans le cas où les actifs liquides en dollars à l’étranger ne couvrent pas les passifs en dollars. C’est le cas de l’ Argentine et du Pérou où la dollarisation des dépôts est beaucoup plus faible que la dollarisation des prêts accordés par le système bancaire domestique .La tendance inverse est observée en Turquie et en Uruguay. Certains pays sont alors plus exposés et vulnérables en cas de dévaluation. La peur de la dévaluation (fear offloating) s’accentue ainsi au fur et à mesure que la dollarisation de la dette augmente [ Calvo ,Reinhart].Une détérioration de la situation économique peut provoquer aussi des ruées bancaires comme a été le cas du Mexique en 1982 ,l’ Argentine et l’ Uruguay en 2001 et la Bolivie en 2003 .
Dans les pays dollarisés, les risques de liquidité résultent d’un déséquilibre entre les actifs et les passifs en monnaies étrangères, ainsi que les effets d’une forte dépréciation de la monnaie nationale. Quand les passifs en monnaie étrangères d’une banque excédent ses actifs en ces monnaies, une dépréciation de la monnaie nationale réduira sa valeur nette et pourrait compromettre sa solvabilité. C’est ce se passe lorsqu’une banque accepte des dépôts en monnaies étrangers et accorde des prêts en monnaie nationale.
Orienter l’analyse de la dollarisation en termes de substitution d’actifs se traduit par une priorisation de la fonction de réserve de valeur de la monnaie aux détriments des deux autres fonctions de la monnaie (moyen de paiement, unité de compte).Des études récentes ont essayé de remédier à cette restriction donnant plus de priorité à la substitution monétaire c'est-à-dire le rôle relatif de la xénomonnaie par rapport à la circulation monétaire locale. Une des questions fondamentales qui mérite d’être élucidée ici est de savoir quel indicateur et quelle variable d’analyse utiliser ?Une considération de la monnaie au sens strict du terme revient à considérer l’agrégat monétaire M1 comme variable d’analyse. L’analyse du rapport de la monnaie étrangère ( xénomonnaie) au sens strict sur l’ensemble de cet agrégat monétaire donne le degré de dollarisation monétaire au sens strict d’un pays .L’extension de cette approche à l’ Agrégat M3-M1 permet de connaitre le degré de dollarisation financière d’un pays. L’analyse qui se réfère à l’ agrégat monétaire M3 c'est-à-dire la monnaie au sens large met en évidence la dollarisation monétaire au sens large du pays concerné .Dans cette analyse , l’agrégat M3 sera considéré comme la variable la plus apte à expliquer la dollarisation monétaire .De cet fait ,la dollarisation monétaire peut être appréhender en observant l’ évolution et la valeur de l’ indicateur dm3.

dm3= Billets et pièces dollarisés+ total des dépôts dollarisés/Masse monétaire en monnaies nationales et étrangère au sens de M3
Tableau 22: La dollarisation monétaire de l’Amérique latine au sens de M3

Argentine 1993Q1-2001Q3 Bolivie 1992Q4-2005Q3 Brésil 1996Q4-2005Q3 Chili 1995Q4-2005Q4 Colombie 1995Q1-2005Q4 Costa Rica 1993Q1-2005Q3 Mexique 1992Q4-2005Q4 Pérou 1993Q4-2005Q3
Déb pério 0,39 0,84 0,1 0,26 0,06 0,52 0,07 0,76
Fin pério 0,6 0,77 0,1 0,2 0,06 0,61 0,07 0,63
Minimum 0,39 0,77 0,09 0,19 0,03 0,49 0,06 0,61
Maximum 0,6 0,88 0,14 0,27 0,06 0,62 0,23 0,77
Moyenne 0,48 0,85 0,1 0,23 0,04 0,57 0,08 0,71
EcartType 0,05 0,03 0,01 0,01 0,01 0,04 0,03 0,03

Source :Colliac Stéphane [2006,p.133] .
Trois groupes de pays peuvent être formulés en matière de dollarisation monétaire au sens large en Amérique latine .Le premier groupe formé par les pays à faible dollarisation composé du Brésil ,de la Colombie et du Mexique .Dans ces trois pays ,l’ essentiel de la monnaie étrangère détenue l’est sous forme de billets et pièces .Ceci est normal au Brésil puisque les dépôts en monnaie étrangères sont proscrits. De fortes restrictions sur la détention de dépôts en monnaie étrangère explique également le résultat colombien .Le deuxième groupe est formé par des pays à dollarisation moyen dont fait parti l’Argentine et le Costa Rica .On remarque aussi que la dollarisation monétaire au sens de M3 est en augmentation dans ces deux pays. Le troisième groupe est formé par des pays à forte dollarisation monétaire. Il en est ainsi de la Bolivie et du Pérou. Ce phénomène peut s’expliquer par le fait que ces deux pays connaissent une concurrence monétaire à tous les niveaux. Toutefois, on remarque que la dollarisation monétaire suit une tendance baissière dans ces deux pays. Au Pérou, cela s’explique par l’adoption d’une politique de dédollarisation progressive par voie incitative. Cette stratégie à plusieurs piliers a pour but d’ancrer des anticipations de faible inflation au travers d’un ciblage direct et de favoriser l’endogénéisation du risque de change dans le calcul économique [ Colliac ,2006] .
Si la dollarisation a permis la stabilisation économique de certains pays et les a amené au régime de dédollarisation, elle ne l’est point pour d’autres. La Bosnie-Herzégovine, l’Israël, le Mexique, la Pologne et la Slovénie ont dédollarisé leur économie après avoir appliqué une politique crédible de lutte contre l’inflation. Dans certains de ces pays, la dédollarisation a été soutenue par des règlementations et même par une conversion forcée en monnaie nationale des actifs ou passifs en dollars. La persistance de la dollarisation après la stabilisation de la monnaie nationale amène bon nombre d’économistes à s’interroger sur l’effectivité réelle de ce régime monétaire .Par contre , les pays tentés par la dédollarisation forcée ont été victimes de la fuite des capitaux considérable .En 1982 au Mexique , elle a été estimée à 6,5 milliards de dollars. La Bolivie en 1982 et le Pérou en 1985 emboitent le pas du Mexique. Dans la mesure. Alan Greenspan a avertit à plusieurs reprises les candidats à la dollarisation intégrale que la Réserve Fédérale (FED) ne prendra pas en compte leur situation spécifique dans la conduite de sa politique monétaire .Cette position de Greenspan confirme évidement la position hégémonique du dollar américain sur le plan international. La dollarisation (voulue ou subit) par les PED marque ainsi une sorte de « soumission monétaire » vis-à-vis des Etats-Unis .C’est la manifestation la plus concrète de la dépendance financière des PED vis-à-vis de l’extérieur, en particulier vis-à-vis des Etats-Unis.

La dollarisation est l’une des formes apparentes de la perte de souveraineté monétaire des PED .L’expérience des pays de la zone franc CFA l’est aussi mais s’explique par un régime de domination monétaire différent.
3-La zone franc remet en cause la souveraineté monétaire des pays membres

Les pays dans la zone franc sont aussi concernés par le problème de souveraineté monétaire à travers l’accord de coopération monétaire avec la France. La zone Franc est le prolongement de l’accord de coopération entre la France et ses colonies intervenue en 1939 .Elle traduit la coopération entre quinze pays africains entre eux et la France , comprend huit pays d’Afrique de l’ Ouest ( Bénin , Burkina Faso , Cote d’Ivoire ,Guinée Bissau , Mali , Niger , Sénégal et Togo ) , six pays d’Afrique centrale ( Cameroun , Centrafrique, Congo ,Gabon ,Guinée équatoriale et Tchad) et les Comores .Comme le note Claveranne [ 2005, p .1] : « Simple union monétaire à l’origine , la zone franc s’est déployée depuis dans des nombreux autres domaines .Elle interpelle d’abord par son efficacité , celle d’avoir fait la stabilité monétaire une réalité vivace. Elle impressionne également par sa longévité , fruit de sa capacité d’adaptation , puisqu’elle est la seule de toutes les unions monétaires crées dans les années 1930 à avoir survécu ».Au delà de la coopération monétaire entre les Etas , la zone Franc reflète aussi une sorte de « tutelle monétaire » de la France à l’ égard des pays membres .Pour Certains [Samir Amin ,Mamadou Diara ,Kerlfalla Yanasé, Stanley Fisher ,Celestin Monga [1996] , etc] , elle constitue un frein au développement économique des pays de la zone , via l’ingérence monétaire de le France et leur perte de souveraineté monétaire .Pour d’autres , la stabilité monétaire , fruit de la zone franc reflète la nécessite de la pérennité de ce système .Une chose est sûre , la zone franc remet en cause la souveraineté monétaire des pays membres. Mais l’abandon de la zone franc comme le préconise certains économistes offre –t-il un avenir radieux aux pays de la zone franc ? Voilà la question qui mérite d’être posée et qui va attirer notre attention ici. Michel Lelart [ 2007] décrit la zone franc comme un Système Monétaire Franco-Africain (SMFA) . Pour Michel Lelart [Ibid , p .105-107] , le SMFA ( la zone Franc) est régit par trois principes :i)c’est un système de changes ; ii) c’est un système de règlements ;iii) c’est un système de crédits .En sa qualité de système de change , la zone franc assure la stabilité monétaire des membres des deux Banques centrales de la zone ( la BEAC et la BCEAO).La pérennité de la stabilité du CFA est assurée par la zone franc malgré la dévaluation de 50% de 1994 .La zone franc est aussi un système de règlements qui repose sur la convertibilité totale du franc CFA .Cette convertibilité est assurée par le compte d’opérations détenu par le trésor français. Par ce mécanisme de compte d’opérations ,les excédents et les déficits en position extérieure des pays de la zone sont assurés par la le Trésor français .Comme le note Michel Lelart [ Ibid, p.106] :« Cette convertibilité n’est pas limitée aux soldes d’interventions puisque les banques centrales n’interviennent pas sur les marchés mais à l’ensemble des opérations » . La zone franc est aussi un système de crédits dans la mesure où le compte d’opérations n’est pas ouvert à chaque Etat mais à chaque Banque centrale. Son solde reflète alors les positions excédentaires ou déficitaires des pays membres. Ils se financement mutuellement alors .Une position extérieure nette de l’ensemble de la zone se traduit par un compte d’opération créditeur qui va alimenter les réserves de changes de la France et non pas celles des pays membres (puisque, c’est la France qui détient ces réserves). Dans le cas contraire, si le solde du compte d’opérations est déficitaire (débiteur), c’est la France qui doit alimenter les devises nécessaires pour financer le trou et le financement de ce solde est illimité. Le découvert permanent et illimité est complété par des prêts à long terme accordés par la Caisse Française de Développement qui consent plus de 60% de ses crédits aux pays de la zone [ Ibid ,p ;107].Se référant aux trois principes de la zone franc évoqués par Michel Lelart ,la stabilité de la monnaie et la convertibilité de la zone franc doivent être considérés comme les deux arguments essentiels qui confortent encore le maintien de la zone franc .
Mais, la zone franc remet en cause aussi la souveraineté monétaire des pays membres, alors que la souveraineté monétaire est considérée comme un attribut essentiel d’un Etat souverain. La souveraineté est définie comme : « la qualité de l'État de n'être obligé ou déterminé que par sa propre volonté dans les limites du principe supérieur du droit et conformément au but collectif qu'il est appelé à réaliser » . La souveraineté monétaire comme nous l’ avons définie précédemment se traduit par : « la capacité de l’autorité monétaire à gérer sa politique monétaire sans avoir eu l’influence d’une autre entité au système monétaire en question ».Même si par leur statut ,les pays de la zone franc sont libres de choisir la parité de leur monnaie , dans la pratique , la France ne va pas les laisser prendre des mesures à son encontre car elle aussi tire profit de cet accord de coopération monétaire via les relations commerciales et financières entretenues avec les pays de la zone .Il serait alors , complètement utopique de penser que les pays de la zone franc pourraient prendre des mesures monétaires qui ne cadrent pas avec l’intérêt du pays sur lequel le franc CFA est gagée (la France ).Encore et pas la moindre , certes la stabilité est une bonne chose pour ces pays mais la durée et la pérennité de l’accord monétaire avec la France peut prendre fin à un certains moments. Jusque là , cette situation a été toujours évitée mais l’avenir n’assure pas forcement la pérennité de ce modèle de coopération monétaire .Si un jour pour des causes diverses : politique , économique , et ou financière , la France décide de mettre fin l’accord relatif à la zone franc , les pays membres seront dans une situation délicate .Encore , la responsabilité politique , économique et financière de ces pays doit être mise en avant .On se demande ainsi pourquoi des pays qui ont eu leur indépendance depuis près de cinquante ans n’arrivent pas encore à assurer leur propre destin et confiant une grande partie de leur gestion monétaire à l’ancienne puissance coloniale ? Cette situation se traduit évidement pas une sorte d’irresponsabilité des pays africains .Enfin, la plupart des études économiques qui essaient d’évaluer la différence entre les pays membres de la zone franc et ceux non membres ne montent pas vraiment de différences fondamentales entre ces pays. En termes de croissance économique, de développement, ou du cadre institutionnel, jusque-là , les pays de la zone franc malgré la stabilité de leur monnaie ne se détachent pas des autres pays africains comparables ( mis à part l’ Afrique du Sud et l’ Ile Maurice qui sont déjà au dessus du lot ).Cette situation trouve son fondement dans le fait que les pays de la zone franc ne disposent pas de marge de manœuvre d’ajustement de la politique économique
(politique monétaire) en cas de besoin. Les cadres règlementaires qui régissent l’Union Economique et Monétaire Ouest Africain ( UEMOA) et de la Communauté Economique et Monétaire de l’ Afrique Centrale ( CEMAC) ne permettent pas aux autorités monétaires d’accorder plus de crédit aux gouvernements même en cas de besoin ( limité à 20 % des recettes de l’année précédente) .Les modèles de l’UEMOA et de la CEMAC sont largement inspirés du traité de Maastricht de 1992 .Dans ce sens Michel Lelart [1994] avance que : « c’est l’ expérience communautaire européenne qui a servit de base à l’ établissement de ces deux traités ( UEMOA et CEMAC ) ». Dans le cadre de la zone franc , les pays membres n’ont plus alors la prérogative de flexibilité de la politique monétaire ni budgétaire car ils sont contraints à respecter les critères de convergences qui conditionnent la pérennité de leur union . Pour toutes ces raisons évoquées, l'on peut se poser la question de savoir si les pays de la zone franc sont des pays souverains monétairement puisqu'ils n'ont pas le pouvoir de battre monnaie, un acte politique qui détruit les fondements de cette souveraineté. En plus, ces pays ont en commun une monnaie imposée depuis la période coloniale. Une chose est sûre, cette tutelle monétaire assure le contrôle des économies de la zone et garantit les bénéfices des capitaux français en assurant la convertibilité illimitée, la parité fixe avec l’euro (avec le franc français avant 1999) et surtout la liberté des transferts. Dans un système économique mondial guidé par la recherche de profit ,et des intérêts stratégiques ,c’est pas la faute de la France de perpétuer la zone franc quitte à intervenir même dans la gestion monétaire de ces pays via ses administrateurs au niveau de chaque banque centrale de la zone ( BEAC et BCEAO ).Aux pays de la zone alors d’affranchir ce système de « servitude monétaire » s’ils veulent vraiment prendre en main leur propre développement par leurs propres moyens.

Voilà telle est l’effectivité de la souveraineté monétaire des PED dans un monde de plus en plus financiarisé où le risque de crise est de plus en plus grand. A chacun, décideur, chercheur et citoyen alors de prendre en compte cette réalité là pour un monde future et harmonieux des PED.