mercredi 10 mars 2010

LES APPORTS FINANCIERS DES INSTITUTIONS DE BRETTON WOODS DANS LES PAYS EN DEVELOPPEMENT : MYTHE OU REALITE ?

La crise financière mondiale se profile encore. Ces dernières années , bon nombre d'observateurs ont été obnubilés par les conséquences en termes réel mais aussi financier de la tempête financière de 2008-2009 aussi bien dans les pays développés que dans les PED. L'augmentation des ressources des IBW , l'APD figurent parmi les principales pistes avancées pour atténuer les répercussions de la crise dans les PED.Si la question relative à l' APD reste encore en suspens -et dépend de la bonne volonté des dirigeants des pays riches du nord (l' APD ne représente qu' à peine 100 milliards de dollars US annuellement depuis 2005), celle relative aux IBW mérite une attention particulière vu le rapport politico-économique qu'elles entretiennent avec bon nombre de PED depuis des décennies. Mais une question demeure, qu'en est -t-il vraiment des apports financiers net des IBW dans ces pays dans le passé pour qu'on puisse imaginer l' éffectivité de cette mesure?
C'est la raison d'être de cet article,fruit de mes humbles réflexions et analyse, évidemment pas exempt de critique.
BONNE LECTURE A VOUS TOUS ET JE M'EXCUSE POUR LES IMPERFECTIONS!!!!

LES APPORTS FINANCIERS DES INSTITUTIONS DE BRETTON WOODS DANS LES PAYS EN DEVELOPPEMENT : MYTHE OU REALITE ?

Les apports financiers des IBW ont évolué dans le temps suivant le contexte économique de chaque pays. Si le FMI s’est beaucoup intervenu dans la stabilisation macroéconomique, le financement de la balance des paiements, et la restructuration du secteur financier, la Banque Mondiale s’est beaucoup optée vers le financement des programmes structurels afin de promouvoir le développement.

1. Les apports financiers du FMI

Comme l’a bien noté Michel Lelart [2007, p. 34] dans son œuvre intitulée « Le Système Monétaire International » : le rôle du Fonds Monétaire International a été de donner aux pays membres des moyens d’intervenir sur les marchés pour soutenir leur monnaie et de ne pas les obliger à maintenir ou à rétablir des restrictions. C’est par l’intermédiaire des différents mécanismes de financement des pays en difficulté que le FMI va essayer de remplir son rôle de garant de la stabilité monétaire et financière internationale.
L’assistance financière du FMI en faveur des pays qui demandent son aide a évolué au cours du temps suivant les programmes en vigueur. Le fonctionnement du FMI est généralement basé sur le quote-part. D’une part, c’est le quote-part qui détermine le montant de décaissement autorisé en faveur de chaque pays. D’autre part, c’est encore le quote-part qui détermine les droits de vote . Dans les pays pauvres, la FAS et la FASR des années 1980 a été remplacée par le FRPC à partir de 1999 alors que les pays émergents ont bénéficié de financement via l’accord Stand By ou les Accords de Confirmation. L’évolution et le volume de financement accordé ont évolué suivant le niveau de développement, des besoins financiers du pays assisté mais surtout de la qualité relationnelle avec ce pays. Jusqu'en 1986, le FMI fournit un soutien aux pays les plus pauvres à travers ses instruments traditionnels. Entre 1974 et 1979, en réponse au premier choc pétrolier, seulement huit accords de confirmation et facilités élargies sont approuvés. Entre 1980 et 1984, suite au second choc pétrolier et aux difficultés d'endettement extérieur des PED, le FMI approuve 27 accords de confirmation et facilités élargies. Les instruments traditionnels du FMI ne parviennent toutefois pas à résorber les déséquilibres de ces pays. Le recours aux accords de confirmation, dont la durée est normalement de un an, est critiqué pour leur courte durée. Pour y faire face, le FMI introduit une nouvelle facilité de crédit pour les pays les plus pauvres en mars 1986, appelée Facilité d'Ajustement Structurel (FAS) pour soutenir des programmes d'une durée de trois ans. Ce sont les pays éligibles aux crédits de l'Agence Internationale de Développement (IDA, une filiale de la Banque Mondiale) qui peuvent bénéficier de ces prêts. Ces crédits sont remboursables sur dix ans et leur taux d’intérêt n'est que de 0,5%. Au milieu de 1987, le F.M.I. introduit les FAS renforcées (FASR), pour des montants cinq fois supérieurs à ceux des FAS, avec des financements budgétaires de la France, du Japon et d'autres pays industrialisés. [Patrick Lenain, 2004].
Ce programme sera poursuivi jusqu'en septembre 1999 avec la mise en place de la Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et de la Croissance (FRPC). Le FMI a déboursé pas mal d'argent pour soutenir la FAS et la FASR. Ainsi au 30 avril 1998, 6,4 milliards de DTS (soit 8,6 milliards de dollars) ont été décaissés en application des 71 accords FASR dont ont bénéficié 48 pays et 1,8 milliards de DTS (2,4 milliards de dollars) au titre d’accords FAS. Contrairement aux pays pauvres, les pays émergents ont bénéficié de traitement spécial de la part du FMI et la Banque Mondiale dans la gestion de la crise d'endettement. Non seulement ces pays constituent l'essentiel des pays en cessation de paiement, mais ils occupent une place importante dans la mise en marche de l’économie mondiale. Le FMI, en particulier face à cette crise, a créé le crédit stand by pour eux. Le crédit stand by est un guichet spécial du FMI destiné principalement aux pays émergents afin qu'ils puissent résoudre leur problème de balance de paiement mais aussi alléger le remboursement de leur dette. En plus de ce crédit, ils peuvent encore bénéficier de crédit de l'accord de confirmation (mécanisme habituel) ou de l'accord élargi (en cas de grand problème financier).
A titre d’exemple, en 1982 le Mexique obtient un accord élargi sur trois ans pour un montant total de 3,6 milliards de DTS ; en 1983 l'Argentine obtient un accord de confirmation et un financement compensatoire pour un montant total de 2 milliards de DTS; le Brésil obtient un accord élargi pour un total de 5 milliards de DTS.


En général, le financement net du FMI en faveur des PED, n’était pas aussi stable qu’on le pense. Le volume de financement net du FMI en faveur des PED est passé de 14,1 à -10,7 milliards de dollars US de 1998 à 2000 et respectivement de 14 à -25,1 milliards de dollars US de 2002 à 2006 .
La tendance baissière (voire même négative) enregistrée depuis 2004 est attribuée aux remboursements de prêt précoce des pays émergents. L’analyse régionale reflète la faible part de l’Afrique Subsaharienne, du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, de l’Asie du Sud dans l’activité du FMI. La faiblesse du volume de financement net (positif ou négatif) corrobore ce constat. Par contre, sa présence dans les régions d’Amérique Latine et Caraïbes, l’Europe et l’Asie Centrale, l’Asie de l’Est et Pacifique est remarquable. Le signe négatif du volume de financement net enregistré dans ces régions depuis 2004 reflète le fait que les PED n’ont pas bénéficié du financement net du FMI. Au contraire, les prêts du FMI excèdent largement les remboursements, ce qui est à l’origine de ce flux net négatif enregistré depuis 2004.
En bref, le financement net du FMI a été remarquable en 1998, 2001, 2002, par contre, il a été faible en 1999, 2003, négatif depuis 2004. Ce constat tranche largement l’idée fortement développée par les économistes néolibéraux selon laquelle le FMI joue un rôle capital dans le financement des PED. Au contraire, comme a été le cas depuis 2004, ce sont les PED qui financent le FMI, qu’ils soient pauvres ou non .

Mais la solidité financière future du FMI a été remise en cause ces derniers temps. La réticence des grands pays émergents comme le Brésil, l’Argentine, la prudence des pays asiatiques suite à la crise de 1997, les désordres socio- économiques causés par la PAS appliquées sont les principaux paramètres qui expliquent cette probable crise future du FMI. En mai 2006 l’ancien Directeur Général du FMI, Monsieur Rodrigo de Rato a chargé un comité de personnalités éminentes d’étudier le mode de financement du FMI. Le rapport de ce comité, remis au conseil d’administration et publié en janvier 2007 concluait que le mode de financement actuel du FMI, selon lequel le revenu de l’institution provient essentiellement des intérêts qu’elle perçoit sur ses prêts, n’était pas adapté compte tenu de la grande diversité de ses fonctions et attributions. Le comité recommandait un nouvel ensemble de mesures, notamment le développement des activités d’investissement et l’assouplissement des règles en la matière, la création d’une dotation au moyen de la vente d’une quantité limitée du stock d’or du FMI, et la facturation des services fournis aux pays membres. Lors de sa réunion d’avril 2007, le CMFI a indiqué que le rapport du comité offrait «un point de départ solide pour la poursuite des travaux en vue de la mise au point d’un nouveau modèle visant à élargir la base de revenu». Le Conseil d’administration a engagé la réflexion sur un mode de financement pouvant recueillir un large soutien parmi les pays membres du FMI [FMI, 2007, p18]. A la fin de l’exercice 2007 (30 Avril 2007), l’encours des crédits du FMI était tombé à 7,3 milliards de DTS, contre 19,2 milliards en avril 2006 (Cet encours de crédit était 100 milliards de dollar US en 2003), en raison de la poursuite des remboursements anticipés et de la faible ampleur des nouveaux décaissements. Les nouveaux engagements du FMI ont fortement baissé: ils sont descendus à 237 millions de DTS durant l’exercice 2007, contre 8,3 milliards de DTS pendant l’exercice précédent (2006), deux nouveaux accords de confirmation ayant été approuvés en faveur du Paraguay et du Pérou. Sept accords de confirmation ou accords élargis étaient en vigueur en fin d’exercice, dont quatre sont considérés comme ayant été conclus à titre de précaution, les emprunteurs ayant fait part de leur intention de ne pas les utiliser. Fin avril 2007, le montant non tiré au titre des accords de confirmation ou des accords élargis en vigueur était de 3,9 milliards de DTS [FMI, 2007, p39] .
Ces dernières années, bon nombre des PED surtout les pays émergents bénéficiant de la bonne santé de leur économie mais aussi jugeant les conditionnalités du FMI trop dures, ont essayé de contourner cette institution via le remboursement précoce de leur dette vis-à-vis de cette institution. Le remboursement total des prêts de ces pays vis-à-vis du FMI a atteint la somme astronomique de 28 milliards de dollars US en 2006 contre 44 milliards de dollars en 2005. A titre d’exemple, en 2006 l’Argentine a remboursé 9 milliards de dollars US de sa dette à l’égard du FMI, 8 milliards de dollars US pour l’Indonésie, 7,5 milliards de dollars US pour la Turquie, 2,5 milliards pour l’Uruguay. Ces paiements précoces du remboursement et/ou le remboursement intégral de la dette de ces pays (Venezuela) vis-à-vis du FMI leur redonnent une certaine autonomie dans la conduite de leur politique financière et donc de reconquérir avec fierté leur indépendance financière longtemps bafouée par les conditionnalités des IBW. Par contre, les pays pauvres prisonniers de la stagnation de leur économie et faute de solution alternative viable restent fortement dépendants du financement du FMI à travers les différents mécanismes relatifs aux accords FRPC et les conditionnalités relatives à l’initiative PPTE et l’IADM conjointement menées avec la Banque Mondiale. D’après Michel Lelart [2007, p.81] au 30 avril 2006, l’aide accordée par le fonds a atteint 328 milliards de DTS, soit 482 milliards de dollars US. Il s’agit là du total des tirages effectués depuis près de soixante ans par tous les pays membres. Le rôle du fonds est devenu plus qualitatif que quantitatif d’autant plus que les pays remboursent maintenant plus qu’ils ne lui empruntent, surtout depuis 2004.Voilà comment la dépendance financière des PED à l’égard du FMI est remise en cause ces dernières années. Ce qui n’empêche pas que bon nombre d’entre eux restent encore largement tributaires de son financement qui reste quand même une goutte d’eau par rapport à leurs besoins financiers.


Si tel a été le cas des apports financiers du FMI, qu’en est-il de la Banque Mondiale?

2. Les apports financiers de la Banque Mondiale

La Banque Mondiale est l’organisme international sur lequel repose le financement de bon nombre des PED. Dans le cadre du PAS des années 1980, et jusqu’à la fin des années 1990, les pays pauvres ont pu recourir au financement du Crédit d’Ajustement Structurel (CAS) via le financement de l’IDA (filiale de la Banque Mondiale). A partir de 1999-2000, ils ont eu recours au crédit relatif au DSRP toujours financé par l’IDA. Les pays émergents quant à eux ont bénéficié du financement du BIRD (Filiale de la Banque Mondiale). Les deux groupes de pays peuvent recourir aussi au financement de la SFI (Société Financière Internationale) et de l’Agence Multilatérale de la Garantie des Investissement (AMGI). Forte de ses ressources, la Banque Mondiale dispose d’une certaine souplesse financière par rapport au FMI. Régulièrement son volume de financement est largement au-dessus du volume de crédit accordé par le FMI, surtout dans les pays pauvres.
Dans l’ensemble, les prêts de la Banque Mondiale en faveur des PED ont enregistré une tendance à la hausse à partir de 2004 après une période d’accalmie observée entre 2003 et 2004. Ces prêts sont passés ainsi de 19519,5 à 20079,8 millions de dollars US de 2002 à 2004 et 24195,8 millions de dollars US en 2007. En Afrique Subsaharienne, ces prêts sont passés de 3793,5 à 4115,9 milliards de dollars US de 2002 à 2004 et 5796,9 milliards en 2007. Cette hausse significative enregistrée depuis 2005 marque la forte présence de la Banque Mondiale dans cette sous-région de l’Afrique. Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, la forte hausse des prêts enregistrée jusqu’en 2006 a été interrompue en 2007. Par contre, contrairement à l’Afrique, les autres régions sont marquées par une période d’instabilité des prêts .
La répartition régionale des prêts de la Banque Mondiale est marquée par une prédominance et une quasi-stabilité de l’Afrique Subsaharienne, de l’Amérique Latine et Caraïbes, de l’Asie de l’Est. La prédominance de l’Europe et de l’Asie centrale qui marque la période 2002-2003 s’est renversée à partir de 2004 en faveur de l’Afrique Subsaharienne, l’Amérique Latine et Caraïbes. Enfin, il est une évidence que le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord n’occupent qu’une faible part des prêts de la Banque Mondiale .
Il est important de rappeler que le principal financement de la Banque Mondiale se fait soit par le financement de l’IDA principalement destiné aux pays pauvres, soit par le financement du BIRD, prérogative des pays émergents et/ou des pays à revenu moyen (revenu intermédiaire).
Le financement de l’IDA est marqué par la prépondérance de l’Afrique qui a absorbé un volume de prêt de l’ordre de 5,8 de dollars pour l’exercice 2007, soit 49% du total des engagements de l’IDA. L’Asie du Sud avec un volume de financement estimé à 4milliards de dollars US (34%) arrive en seconde position, suivie de l’Asie de l’Est et Pacifique qui bénéficient de 1,2 milliards de dollars US de financement (10% du total). Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, l’Amérique Latine et Caraïbes ont absorbé chacun 2% du financement de l’IDA en 2007 [Banque Mondiale, 2007]. Il est aussi important de noter que les principaux bénéficiaires des financements ont été l’Inde (2,3 milliards de dollars), le Pakistan (0,9 milliard de dollars) et le Nigeria (0,8 milliard de dollars). Les engagements de la BIRD sont marqués par la domination, une prédominance des pays émergents. La majeure partie des prêts de la BIRD est allée à la Région Amérique Latine et Caraïbes, avec 4,4 milliards de dollars (soit 34 % du volume des engagements de la BIRD). D’après la Banque Mondiale [2007], la Région Europe et Asie centrale s’est classée en deuxième position avec 3,3 milliards de dollars de financements (26 %), suivie en troisième position par la Région Asie de l’Est et Pacifique avec 2,8 milliards de dollars (22 %). Alors que les cinq plus gros Emprunteurs de la BIRD, à savoir l’Argentine, la Chine, l’Inde, la Turquie et la Colombie, ont reçu 52 % du volume global des prêts accordés par l’institution durant l’exercice 2006, ils ont absorbé 56 % du montant total des engagements de la BIRD pendant l’exercice 2007.
Mais cette analyse basée sur l’évolution des prêts bruts de la Banque Mondiale masque une vérité qui tranche largement avec les discours habituels des IBW. En effet, ces flux de prêts bruts ne tiennent pas compte des remboursements des prêts des PED. Il est tout à fait normal alors d’intégrer ces remboursements si l’on veut vraiment comprendre l’effectivité des financements réels (financement net) de la Banque Mondiale dans les PED.
En termes global, le financement net de la Banque Mondiale en faveur des PED a été plus important de 1998 à 2001, passant respectivement de 8,7 à 7,5 milliards de dollars US. Ce qui signifie que durant cette période, la Banque Mondiale a accordé plus de financement que de remboursement de sa dette de la part des PED. Cette tendance s’inverse à partir de 2002 avec un volume de financement net négatif qui se poursuit jusqu’en 2006. Ainsi, le financement net de la Banque Mondiale en faveur des PED est passé de -0,2 à -2,4 milliards de dollars US de 2002 à 2006 .
L’analyse sur le plan régional montre que l’Afrique bénéficie d’un volume de financement net positif tout au long de la période considérée, passant respectivement de 1,3 à 2,2 milliards de dollars US de 1998 à 2002 et 1,8 milliards de dollars US en 2006. Par contre, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, le flux de financement net de la Banque Mondiale a été toujours négatif (ou nul en 2005) pour passer de -0,2 à -0,9 milliards de dollars US de 1998 à 2006. Dans les autres régions, des PED n’affichent pas une tendance claire et remarquable de l’activité de la Banque Mondiale. On peut constater quand même qu’en général jusqu’en 2001, elles ont affiché un flux de financement net positif, une situation qui se détériore à partir de 2002 .
Contrairement au FMI, la Banque Mondiale n’affiche pas encore un signe de problème de liquidité. La largesse de ces ressources et la bonne santé financière de ses filiales (au détriment des PED) constituent les causes principales de la solidité financière de la Banque Mondiale. En 2006, emboîtant le pas aux autres grands pays émergents, le Mexique a décidé de rembourser 9 milliards de sa dette vis-à-vis de la Banque Mondiale. En effectuant ce remboursement précoce, le Mexique, à l’instar des autres pays émergents, veut aussi prendre une certaine distance vis-à-vis de la Banque Mondiale et du FMI.
3. Les apports financiers des IBW dans l’ensemble

L’Analyse précédente nous a permis d’appréhender les apports financiers des IBW (FMI et Banque Mondiale) séparément. Cette analyse a été capitale dans la mesure où elle nous a permis d’évaluer les apports individuels de ces deux institutions. Mais la complexité et la coopération existante entre ces deux institutions nous incitent à les insérer dans le même caniveau.
On peut constater que le financement net des IBW en faveur des PED dans l’ensemble a été négatif depuis 2004. L’Afrique Subsaharienne affiche un flux de financement net positif pendant la période considérée passant respectivement de 1 à 2,7 milliards de dollars US de 1998 à 2002 et 1,9 milliards de dollars US en 2006. Le Moyen-Orient (sauf en 1999) a toujours enregistré un flux de financement net négatif passant respectivement de -0,2 à -1 milliards de dollars US de 1998 à 2006. En Asie du Sud, ce financement net des IBW est passé respectivement de 0,4 à 1,7 milliards de dollars Us en 1998 et 2006. En Amérique Latine et Caraïbes, il est passé de 4,9 milliards de dollars US en 1998 à -15,3 milliards en 2006. En Europe et Asie Centrale c’était 6,8 milliards de dollars US en 1998 et -5,3 en 2006. Enfin en Asie de l’Est et Pacifique, ce flux net est passé respectivement 9,8 0 -9,4 milliards de dollars US de 1998 à 2006 .
L’Afrique Subsaharienne a toujours enregistré un flux de financement net positif. On constate qu’à partir de l’année 2004 la plupart de ces sous-régions des PED ont affiché un flux de financement négatif des IBW. C’est le cas de l’Amérique Latine, de l’Europe et Asie Centrale, de l’Asie de l’Est et Pacifique. L’Asie du Sud a toujours affiché un flux de financement net positif (sauf en 2003). Par contre, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord ont enregistré un financement net négatif (sauf en 1999).
Le flux de financement net négatif (et inversement) reflète le fait que le montant de remboursement du prêt des ces pays vis-à-vis des IBW a excédé le volume de prêt accordé par ces deux institutions pour une période donnée (année ici). Cette situation reflète une certaine indépendance financière de ces pays vis-à-vis des IBW. En assurant le remboursement de leurs dettes vis-à-vis des IBW, les PED qui dégagent un flux de financement net négatif sont considérés comme des pays qui affichent déjà une certaine forme d’indépendance financière vis-à-vis des IBW.
Ces dernières années (depuis 2004) , les PED dans leur ensemble, l’Amérique Latine, l’ Europe et Asie Centrale, l’Asie de l’ Est et Pacifique , le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, en affichant un flux de financement net négatif des IBW, peuvent être considérés comme des régions moins indépendants financièrement des IBW. Par contre, l’Afrique Subsaharienne et l’Asie du Sud, avec un flux de financement net positif de 1998 à 2006 affichent une certaine forme de dépendance financière vis-à-vis des IBW


Malgré cette tendance vers une certaine autonomie financière de certaines régions (pays) des PED, l’expérience passée montre que la plupart d’entre eux ont demandé d’une façon prolongée l’assistance financière des IBW. On part ici de l’assistance financière à l’assistanat financier.

4. Controverse entre assistanat ou assistance financière

Les recours prolongés aux prêts des IBW sont sans aucun doute la forme la plus simple qui caractérise la dépendance financière d’un pays vis-à-vis des IBW. En demandant régulièrement l’assistance financière des IBW, le pays en question n’est plus dans une situation d’assistance financière passagère (conjoncturelle) mais passe dans un stade d’assistance financière structurelle. Le déséquilibre chronique de son secteur financier (finances publiques) et de sa position extérieure (Balance des paiements, endettement extérieur) et la stagnation de son économie incitent ces pays à demander régulièrement l’assistance des IBW faute de solution alternative viable. Ces recours prolongés aux prêts des IBW s’expliquent principalement par le sous-développement du secteur financier domestique, le problème institutionnel, l’inexistence d’autres sources de financements extérieurs.
Pendant la période 1971-2000, 51 des 128 pays emprunteurs ont été des utilisateurs persistants du prêt du FMI.
Les recours prolongés aux programmes appuyés par les IBW soulèvent des questions qui sont au centre de récentes controverses concernant le rôle de ces institutions dans les pays qui ont besoin d’une plus longue période d’ajustement. Dans le cas du FMI, certains détracteurs estiment que cette utilisation prolongée constitue une entorse à la mission traditionnelle du FMI qui est de soutenir temporairement la balance des paiements et conduit à penser que les programmes appuyés par le FMI ne sont pas efficaces. D’autres observateurs jugent que le recours fréquent aux crédits du FMI peut se justifier dans des pays dont les problèmes d’ajustement sont profondément endémiques et qu’il est totalement compatible avec la mission du FMI.
Un pays comme Madagascar par exemple est essentiellement et régulièrement financé par l’extérieur. En effet, depuis 1997 , le budget d’investissement de ce pays a été financé à 70% par l’extérieur (Banque Mondiale, FMI, BAD, Union Européenne) sans tenir compte des flux publics et privés relatifs aux ONGs, actions humanitaires, etc. Les recettes fiscales servent seulement alors à financer le budget de fonctionnement (environ (55% du budget total) et une partie du budget d’investissement (45 % du budget total) alors même que le pays a besoin de financement pour doper son économie et pour éradiquer la pauvreté qui touche encore 75 % de la population en 2006 [Banque Mondiale, 2008]. Les promesses du MAP ( Madagascar Action Plan ) qui cadre grosso modo les feuilles de route du deuxième mandat (2007-2012) de Ravalomanana Marc ( ex président depuis mars 2009 )offre un espoir de développement à la population longtemps marquée par le désespoir total, même si son financement reste encore à trouver auprès des partenaires habituels (pays riches, les IBW,Union Européenne). Les trois phases de l’ajustement structurel en vigueur i) le FAS du FMI et le CAS de la Banque Mondiale des années 1980; ii) le DCPE I (1996-1999) et le DCPE II (1999-2001); iii) le FRPC du FMI de 2001 à nos jours (avec le nouvel accord de juillet 2006) et le DSRP de la Banque Mondiale (1999-2006), n’ont presque rien apporté à Madagascar en matière de développement et de performance économique malgré la croissance économique soutenue de l’ordre de 4,5% du PIB de 1997 à 2006 (à l’exception de l’année 2002 caractérisée par la crise postélectorale qui a causé une régression de -10% du PIB). Pepe Andrianomanana [2001], dans son étude en collaboration avec l’Université de Harvard sur le compte de l’USAID-Madagascar a pu décortiquer d’une manière synthétique les forces et faiblesses du secteur financier de ce pays. Les recommandations formulées dans cette étude ont pu réformer le système financier malgache avec des résultats plus mitigés vu la réticence des dirigeants à adopter des mesures qui pourront les déstabiliser, les obstacles institutionnels et la mainmise des IBW. Les différents programmes successifs en partenariat avec les IBW n’ont pas empêché la Grande Ile d’être classée 146ème sur 177 en 2005 au niveau mondial en matière de développement humain affichant un indice de développement de l’ordre de 0,49 et un PNB par habitant de l’ordre de 280 dollars pour une année [PNUD, Rapport sur le développement humain 2005]. Est-ce qu’une manière de dire que Madagascar n’a jamais eu besoin (n’aura jamais besoin) des IBW? Ce qu’on peut avancer, dans les contextes actuels, l’abandon des IBW n’est pas une bonne chose pour Madagascar car il aura toujours besoin de ces deux institutions, rien que pour son image vis-à-vis des créanciers (s’il y en a vraiment qui vont s’intéresser, à part les industriels de la zone franche attirés par la faiblesse du coût de la main d’œuvre locale). L’Union Européenne à travers le FED (Fonds Européen de Développement) reste le deuxième bailleur de fonds de ce pays (après la Banque Mondiale) avec une contribution moyenne annuelle de 80 millions d’Euros de 1999 à 2007. Le 10ème FED, un programme de financement estimé à hauteur de 462 Millions d’euros pour la période 2008-2013 reflète la satisfaction de l’Union Européenne en matière de performance économique. C’est donc un prolongement logique du 9ème FED (terminé en 2007) dont le décaissement effectif est estimé à 447 millions d’euros. La Banque Mondiale (premier bailleur de fonds) quant à elle intervient à hauteur de 140 Millions d’euros annuellement depuis 1997. La mobilisation des ressources intérieures reste toujours une alternative prometteuse face aux échecs des politiques économiques passées sous l’égide des IBW. En effet, la Banque Mondiale elle-même estime que rien que les ressources minières (pierres précieuses, or,), environ 150 millions de dollars US échappent chaque année à la caisse de l’Etat alors que le FRPC (2001-2005) du FMI (déjà réparti en trois tranches) n’a été seulement que de l’ordre de 100 millions de dollars US. L’annulation de la dette dans le cadre de l’initiative PPTE dont ce pays a bénéficié a fait régresser sa dette de 4,3 milliards de dollars US avant le point de décision (vers 2001) à 1,5 milliards de dollars en 2007 (soit environ 90 dollars par citoyen malgache) après les mesures successives d’annulation relatives au point d’achèvement (vers fin 2005). Ces mesures d’annulation de la dette, vu leur caractère purement comptable, n’ont pas pu influencer d’une manière significative les conditions de vie de la population à qui elles ont été destinées. La situation s’est même empirée car elles ont entraîné une réduction drastique des transferts effectifs des IBW et des pays riches. La majorité des pays de l’Afrique subsaharienne (à part l’Afrique du Sud, Botswana, Maurice, Seychelles, Gabon) affichent la même configuration que Madagascar. Toutefois ils se différencient les uns des autres par leur structure économique, leur système politique et les cadres institutionnels en vigueur.

Généralement, il s’avère que l’utilisation prolongée des ressources des IBW tend à devenir un problème chronique, car peu de pays parviennent à y renoncer. Ceci s’explique par le fait que les utilisateurs persistants font généralement face à des déséquilibres plus marqués et à des problèmes plus profondément enracinés que les autres pays qui reçoivent le concours des IBW. Cependant, ces caractéristiques n’aboutissent pas nécessairement à une utilisation prolongée, surtout si elles sont bien prises en compte dans la conception des programmes d’ajustement.
Une chose est sûre, les recours prolongés aux prêts des IBW mettent les pays demandeurs dans une forme d’assistanat financier qui constitue à la fois les causes et les effets de la stagnation économique de ces pays. Ce genre d’assistanat financier amène régulièrement les dirigeants de ces pays dans une certaine forme de laxisme budgétaire au détriment de la population à travers le remboursement de la dette et les conditionnalités des différents programmes d’ajustement en vigueur .
Une chose est sûre, la crise financière récente a largement fragilisé la situation financière des PED , mais elle n’ a pas changé pour autant la configuration des rapports politico-financiers entre les PED et les IBW. Malgré les signes de changement superficiels observés au niveau de la Banque Mondiale et du FMI ( avec Dominique Strauss Khan –d’’orientation keynésienne) ces dernières années , le consensus de Washington reste en vigueur et va encore constituer la doctrine fondateur des IBW dans les années à venir.

IL EST TEMPS PEUT ETRE QUE LES PED PRENNENT EN MAIN LEUR DESTIN.
LA BALLE EST DANS NOTRE CAMP!!!!