mercredi 13 février 2008

L'ABOLITION DES FRONTIERES : UN GRAND PAS DE L'HUMANITE ?

On va traiter cet article comme si on est entrain de manger ( un peu d'humour !!!! avec plaisir)

1-Entrée
L'article 13 de la declaration universelle des droits de l'homme ( ONU ).
1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un Etat.

2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays.

2- Plat de résistance

Je sort un peu ici d'un domaine sur lequel je me suis toujours penché regulièrement : l' économie .Cet article est juste lancé pour reflechir sur un sujet d'actualité , qui reste et fera partie des préoccupations majeures du monde du 21 ème siècle : c 'est l'ABOLTITION DES FRONTIERES.Victime d'une insomnie passagère ( qui peut arriver à tout le monde ) ,En zappant sur la chaine de television Arte ( France chaine n 7 ) aujourd'hui 13 fevrier 2008 vers 4h 30 , je suis tombé sur une émission intitulée :"L 'Abolition des frontières... ".C'est une fausse emission car en fait c'est pas vrai c 'est une sorte d' " emission spectacle ".Les présentateurs ont essayé tout au long de l' émission de montrer qu'on est en direct , on est entrain d'attendre la validation ou non par l ' Assemblée Generale de l' ONU reunie aux Etats-Unis l' ABOLITION DES FRONTIERES A L 'ECHELLE PLANETAIRE.En attendant le vote effectif des delegués qui representent leur pays respectif , il y a eu des courts reportages de par le monde pour voir comment les professionnelles ( tourismes , sociétés speccialisées , etc ) voient -ils cette nouvelle qui est entrain de marquer le 21 ème siècle si elle sera validée .Il y a eu aussi les reportages dans des pays comme l' Inde , le Japon , Afrique , etc.C'est l' ancien Directeur General de l' ONU KOFFI ANNAN lui meme qui est à la tete de la commission des nations unis chargée de perfectionner ce projet .Il y eu ainsi des visites de part le monde ( par Koffi Annan ) , mais c'est en Europe qu'il a terminé ses voyages y rellatifs .Le moment venu , Koffi Annan a fait un petit discours de quelque minute devant l' Assemblée Generale de l' ONU et le vote commence.Dommage l' abolition des frontières n' était pas validée par les delegués , reportée plus tard .L'histoire , est terminée , ce n'est qu'un jeu qui cache des verités bien établies sur lesquelles tout etre humain qu'il soit intelo ou non , noir ou blanc , croyant ou athé doit ( et peut ) reflechir.

Voilà on est là ,on se demande pourquoi pas abolir les frontières ?Oui , j' accepte quelle absurdité , quelle connerie ce type là il est entrain de dire .Avant d'entrer dans un débat polémique qui s'annonce rude , ce serait un grand plaisir pour moi (avec modestie ) de presenter les conséquences directes d'une abolition des frontières
Une abolition des frontières veut dire :
i)-Suppression des limites geographiques qui delimites un pays à un autre ( un Etat à un autre : dans le langage juridique et geographique il y a prfois une différence entre un Etat et un pays , c est pas notre problème principal ici ....);
ii)-Libre circulation des personnes qui veulent entrer ou sortir dans un territoire ( un pays ) donc suppression des visas ( pas plus besoin de passeport ) Il suffira juste de faire une formalité administrative pour enter dans un pays;
iii)-Quasi disparition du concept et du fondement meme de citoyenneté ( à part les avantages sociaux accordés aux citoyens comme dans le cas des pays à forte protection sociale : France , pays scandinave )
iv)-Risque de Submerssion Démographique ( la population du pays d'acceuil est submergée par les immigrés qui la depasse en nombre : par exemple en France il y aura plus d'immigrés que des francais , Madagascar plus des africains que des malgaches. Là la chine et l' Inde ont quelque chose à dire .
v)-Assouplissement des barrièrres tarrifaires et les formalités d'instalation des investisseurs là où ils veulent travailler.
Voilà de ma part les 5 principales conséquences de la suppression des frontières.Parmi ces 5 conséquences ce sont la 2 ème ( libre circulation des personnes ) et la 4 ème ( risque de submerssion demographique ) qui meritent une attention particulière.

A-Les souverainistes ( les nationalistes ) en Afrique , Asie , Europe , Etats-unis , Amerique latine évidement ne vont jamais accepter ce genre de mesure.Ils vont dire , nous on est fier de notre situation .Là les valeurs culturelles ,le patriotisme , l'amour de la patrie viennent surmonter les arguments économiques .

B-Les moderés vont dire , oui c 'est faisable mais ne l' appliquaons pas betement .Il vaut mieux prendre le temps et prendre les mesures qui conviennent progressivement.

C-Les mondialistes ( pour eviter le terme liberal) vont dire oui, c 'est sera un grand pas de l' humanité .Il y aura le transfert de savoir faire , transfert des pouvoirs d'achats , une grande complementarité entre les hommes , en tout ce sera presque le monde partfait... c'est sera le grand defi du 21 èeme siècle ....POUR UN VRAI GRAND PAS DE L 'HUMANITE .

Je ferme la prenthèse là et je vous laisse chacun de reflechir là dessus .
Moi , ma position si vous voulez savoir je suis dans la position B.

3-Dessert

ALAIN : La liberté commence là où s'arrete celle des autres
PASCAL:La pensée fait la grandeur de l'homme
KEYNES: Le libre échange marche droit à la lumière du jour parlant à tous les passants tandis que le protectionnisme grogne dans son coin.

mercredi 6 février 2008

LE SECTEUR FINANCIER DES PED A L’AUBE DU XXIème SIECLE : ETAT DE LIEU DES TENDENCES RECENTES

LE SECTEUR FINANCIER DES PED A L’AUBE DU XXIème SIECLE : ETAT DE LIEU DES TENDENCES RECENTES

Introduction
L’accession à l’indépendance et la prise en main par des nationaux du contrôle de la machine politique constitue la première étape de la décolonisation des PED .Avant de songer à l’indépendance économique, la principale préoccupation financière du nouvel Etat a été d’équilibrer le budget dont la partie fonctionnement est lourdement obérée par la création de services indispensable à sa souveraineté. La faiblesse des ressources propres dont disposent les PED à l’aube de leur indépendance les a contraint de recourir auprès de leur ancienne puissance coloniale. Mais face aux défis de développement inspirés par des programmes de développement national très ambitieux, le mécanisme de financement de ces pays n’a cessé de changer durant la période postérieure .La faiblesse de leurs ressources intérieures (financement par fonds propres) les a obligé de recourir auprès des organismes internationaux ou des Etats pour obtenir des aides ou des emprunts, emprunter auprès des banques pour financer leur économie. Le recours prolongé aux fonds extérieurs a conduit bon nombre des PED dans un système de néocolonialisme dans toutes ses formes remettant même en cause leur souveraineté nationale.
Après leur indépendance politique respective, les PED ont chacun essayé de faire face aux défis de développement longtemps bafoués par le système colonial. Cet article essaie de decortiquer d'une manière synthètique les tendances récentes du secteur financier des Pays en Développement( PED ) dont l'objectif principal est d'apprehender l'Etat , le niveau et la tendance de leur indépendance financière-objet d'un ( des ) autres articles ultérieurs.

1-1- Vue d’ensemble du secteur financier des PED
1-1-Le dualisme financier dans les PED

L’analyse du niveau et de l’évolution de l’indépendance financière nécessite une connaissance approfondie des paramètres jugés indispensables dans le fonctionnement de l’économie d’un pays tout comme pour l’ensemble des PED. C’est l’objet de notre étude ici.
Depuis l’indépendance, des multitudes de reformes se sont succédées dans les PED, pour faire face au défi de développement longtemps revendiqué par la population locale mais aussi et surtout en vue de réduire les risques de vulnérabilité financière qui les secouent régulièrement (crise de la dette, crise financière, etc.) .Ces reformes ont débouché à quelques changements majeurs de leur secteur financier.
On note ainsi :
- des changements dans le secteur bancaire (création de banque de développement, Institutions financières publiques) ;
- l’instauration de marchés des valeurs mobilières ;
- l’apparition des marchés de la dette intérieure
- la dollarisation de l’économie ;
- le développement des institutions de micro finance.

Comme le note Hugon [2006] :« les pays en développement en particulier connaissent un « sous développement économique lié au sous développement financier .Dans ces pays les marchés monétaires sont peu nombreux et peu actifs , les marchés financiers sont embryonnaires ou inexistants (à l’ exception de quelques pays émergents ) ,les filiales étrangères utilisent pour l’ essentiel des circuits « off shore » liés à leurs maisons mères , les petites entreprises locales ont peu accès aux mécanismes de financement , seuls l’ Etat et les entreprises publiques et les emprunteurs à court terme ( crédit de campagne , import export) sont les principaux bénéficiaires des systèmes financiers ».
Malgré les reformes successives entreprises (libéralisation, assainissement), le secteur financier des PED reste toujours fortement segmenté et dans l’incapacité de financer le développement.
Mais qu’en est –il vraiment du secteur financier des PED ? Quels sont les traits marquant du secteur financier des PED depuis l’indépendance ?
Si le dualisme financier caractérise le système financier des PED dans son ensemble, son niveau d’intermédiation en constitue le noyau dur.

Dans la plupart des PED, les systèmes financiers se caractérisent par la coexistence et le fonctionnement parallèle de deux secteurs financiers, l’un formel et l’autre informel. Ce caractère hétérogène des systèmes financiers, plus couramment appelé « le dualisme financier » est l’un des traits distinctifs des économies en développement. Le secteur financier informel est largement marqué par l’absence de règle réglementaire, l’importance des liens interpersonnels et la souplesse des opérations. Le secteur formel par contre est très réglementé, souvent hérité du système colonial.
Les systèmes financiers des PED font apparaître un important dualisme financier, le marché des fonds prêtables étant partitionné .D’un coté, on trouve les banques, très spécialisées dans le financement d’activités formelles, dont les risques doivent être compensés par l’existence de garanties réelles. De l’autre, on trouve un secteur formel qui finance toutes sortes d’activités tant formelles que souterraines, par l’ allocution de N crédits personnels , davantage fondés sur la confiance vis-à-vis du débiteur que sur la base d’estimations du rendement et risque associés aux créances [C . Eboue, 1990, p.27] .Cette vision de
C. Eboué malgré les changements qui se sont opérés dans le secteur financier des PED depuis 1990 reste de nos jours valable.
Grossomodo , si le secteur formel se réfère à un système institutionnel organisé, axé sur les zones urbaines et répondant aux besoins financiers du secteur moderne monétisé, le secteur informel moins institutionnalisé et moins réglementé s’intéresse de plus en plus aux zones rurales et aux sphères de subsistances de l’ économie. Cependant, cette délimitation informel / formel n’est pas toujours évident car la réalité est de plus en plus complexe et il est difficile de tracer avec précision une ligne de partage entre les deux secteurs.
Comme le note Dimitri Germidis et al [1991, p .12] : « Il est devenu traditionnel d’opposer le secteur financier formel au secteur financier informel . Mais il est également important de reconnaître que chacun des deux secteurs est lui –même très diversifié. Il semble difficile de tracer avec précision une ligne de partage entre ces deux sous-ensembles aux contours flous ( « fuzzy sets » ) ».
Il est évident que la structure et le fonctionnement du secteur financier formel déterminent et influencent la nature et l’importance du secteur financier informel, ce qui n’empêche pas ce dernier d’avoir sa propre dynamique. Suivant le pays et le contexte , ce secteur peut ainsi enregistré 30 % à 60% voir plus du total des crédits ruraux, etc. Les circuits de la finance informelle sont caractérisés par plusieurs traits: prédominance des transactions en espèces, faiblesse ou absence des enregistrements et des règlementations, échelle restreinte des opérations, échanges d'actifs hors des cadres juridiques, rôle des relations personnelles et communautaires d’appartenance ou d’adhésion [Lelart ,2005] ;l’argent chaud créateur de lien l’emporte sur l’ argent froid non créateur d’obligation [Bédart ,1986] .Ces circuits informels permettent de différer la consommation et de réaliser une épargne forcée.
Deux thèses principales sont généralement avancées quant aux causes du dualisme financier .La première considère que le secteur financier informel s’explique par les carences du secteur financier formel lesquelles résultent de la répression financière c'est-à-dire la réglementation stricte du système financier et des diverses contraintes imposées par les autorités publiques sur l’activité des institutions financières. La seconde thèse avance que le dualisme monétaire et financier s’explique par le dualisme intrinsèque des structures économiques et sociales et par l’attachement des populations rurales aux valeurs et coutumes traditionnelles [Ibid, p.14]. Autrement dit, le dualisme peut être imputé aussi bien à la répression financière qu’à l’attachement de la population à des comportements traditionnels.
Le regain d’intérêt pour la micro finance dans les années 1990, suite au succès de la Gramen Bank au Bangladesh comme une alternative efficace contre la pauvreté [Soulama , 2002] a transformé d’une manière radicale les systèmes de financement de certaines catégories de population dans bon nombre des PED .Soulama [2002] argumente ainsi : « A l’alternative de l’ aide improductive, la microfinance substitue l’aide efficace, une aide par l’ intermédiaire de petits prêts adaptés aux besoins de la population, qui leur permet de créer de microentreprises viables ».Mais cette émergence de la micro finance a fait apparaître deux changements majeurs dans ces pays [Michel Lelart, 2002]. C’est d’abord l’ apparition d’un secteur financier intermédiaire entre le secteur financier formel et le secteur financier informel , un système financier officiellement reconnu et qu’il faut réglementer . C’est ensuite l’importance du crédit en lieu et place de l’épargne, brisant du même coup le cercle dit vicieux de la pauvreté, le remplaçant avec succès par le cercle vertueux du microcrédit» . Dans certains PED (en particulier dans les pays de l’ UEMOA), il existe désormais à coté des systèmes financiers formels et informels, un Système dit Financier Décentralisé (SFD) .La BCEAO distingue principalement trois types de structures : les coopératives ou mutuelles d’épargne et de crédit, les institutions de crédit solidaire et les projet à volet crédit. Parmi les évolutions récentes , on peut constater qu’il y a une tendance au rapprochement entre les institutions de microfinance classiques et les banques commerciales classiques (et inversement ).Cette tendance s’explique par le phénomène de « downgrading » ( descente de certaines banques classiques dans le champ de la microfinance ) ou du « upgradind » (remontée de certaines institutions classique de micro finance vers des formes bancaires traditionnelles).Cette évolution est loin d’être achevée en Afrique subsaharienne tout comme dans la plupart des PED mais les tendances récentes sont prometteuses .
Quelles qu’en soient les causes, le dualisme financier peut avoir un impact positif et négatif dans les PED. Mais le développement spectaculaire du système de microfinance dans bon nombre des PED ces dernières années, conjuguées aux reformes successives du secteur financier formel nous incitent à avancer que :i) ces deux secteurs peuvent coexister, ii) sont complémentaires, iii) nécessitent des mesures spécifiques pour être viables dans les PED.

Mais qu’en est –il de l’intermédiation financière des PED ?

1-2-L’intermediation financière dans les PED

Dans un article fondateur intitulé : « The crisis in Keynesian Economics », J.R .Hicks [1974] en inventant la notion d’ Economie d’endettement (Economie de Fonds Propres) et l’ Economie de marché financier a ouvert la voie dans l’analyse des différents mécanismes et phénomènes qui se rapportent à l’intermédiation financière . Conformément à l’analyse de Hicks, une économie d’endettement est une économie dans laquelle les agents économiques à besoin de financement (normalement les entreprises, parfois l’Etat) financent leurs déficits en s’adressant principalement aux intermédiaires financiers ( les banques ).A l’inverse, dans une économie de marché financier, les agents à besoins de financement font plus appel aux émissions de titres sur les marchés financiers.
Il est crucial de rappeler que les intervenants financiers formels dans les PED sont composés principalement par :
- la Banque centrale ;
-les Banques et intermédiaires financiers (Banques commerciales, Banques d’affaires , Caisse d’épargne ,Organismes de crédit immobilier , Réseau d’épargne postale , Banques de développement , autres institutions financières , Compagnies d’assurance , etc ) ;
-marchés financiers (valeurs mobilières).
Malgré le développement spectaculaire de la finance informelle et de la microfinance dans certains pays, la dualité financement bancaire / financement par les marchés financiers occupe toujours une place centrale dans l’analyse du structure et de l’évolution du système financier des PED tout comme dans certains pays riches du nord vers les années 1980 et 1990.
D’une manière générale, une distinction fondamentale peut être établie dans les systèmes financiers des PED surtout depuis les années 1990 :
-ceux où les banques et les autres intermédiaires financiers jouent un rôle dominant ;
-ceux où les marchés financiers occupent une place centrale dans le financement de l’économie.
Quoi qu’il en soit, contrairement aux pays riches où le marché boursier est déjà largement développé, le secteur financier des PED reste encore fortement dominé par le secteur bancaire .L’explosion et le développement spectaculaire de l’activité boursière et les marchés financiers dans certains pays émergents
(Pays émergents d’Asie et d’Amérique latine) durant ces dernières décennies, avoisinant même les places financières des pays riches, ne les empêchent pas de figurer parmi les pays à « Economie d’endettement ».
Mais il est extrêmement difficile de faire une délimitation formelle que tel groupe de pays fait parti d’une économie d’endettement et tel groupe des pays à économie de marché financier. Frederic Poulon [2002, p.33] analysant la transition d’une économie d’endettement vers une économie de marchés financiers et prenant comme exemple le cas de la France (1981-1999) a constaté que l’ économie française était dans un état d’économie d’endettement jusqu’en 1990 .Se referant au taux d’intermédiation financière en termes d’offre ( au sens strict , c'est-à-dire le financement bancaire ) par les établissement de crédit , cet auteur a trouvé que l’ économie française a enregistré un taux d’intermédiation supérieure à la valeur critique 1 /2 jusqu’en 1990 .Ce taux a passé ainsi de 78% en 1981 à 65% en 1985 et est descendu à 45% en 1986 pour finir à 58% en 1990 date après laquelle il sera au dessous du niveau critique de 50% ( 45 % en 1991 , 2 % en 1993 et respectivement 32% et 37% en 1997 et 1999) .Toutefois F.Poulon , n’a pas manqué de noter que la transition de l’ économie française vers l’état d’économies de marchés financiers a commencé en 1983 .Une situation qui s’explique par le phénomène de désintermédiation financière au niveau mondial suite à l’ éclatement de la crise international de la dette en 1982 qui a profondément touché le fonctionnement des marches financiers internationaux mais aussi et surtout celui nationaux. Mais le résultat de l’ étude de Nicole Poulon Lafaye [2002, p .63-82] semble contredire la conclusion de F.Poulon selon laquelle la France est passée à l’ Etat d’économie d’endettement depuis 1990 .En effet ,Nicole Poulon Lafaye [Ibid , p.69] a pris en compte l’ indicateur d’intermédiation non plus en termes d’offres au sens strict mais au sens large .Le Conseil National de Crédit ( France ) a décidé depuis 1998 de calculer un nouveau indicateur d’intermédiation financière au sens large . Cet indicateur, contrairement à l’autre (en termes d’offres au sens strict) intègre non seulement les établissements de crédits (banques) mais aussi les sociétés d’assurances, les OPCVM (Organismes Public en Placement des Valeurs Mobilières) vue l’importance de ces institutions dans l’intermédiation. L’examen relatif à l’ évolution de ce taux d’intermédiation financière au sens large lui a permis de constater qu’en fait, l’ économie française est toujours dans un état d’économie d’endettement depuis 1990 .Ce taux a passé ainsi de 78% en 1981 à 64 % en 1985 avant de baisser à 58% en 1990 ,71% en 1993 et 70 % en 1995 .Les valeurs frontières de 40 % et de 48% enregistrées respectivement en 1986 et 1987 ne permettent pas de conclure que l’ économie française était dans un état d’économies de marchés financiers .Parallèlement, la Tunisie pressentant un taux d’intermédiation financière au sens large élevé avec un rythme de croissance soutenue ( 57 % en 1988 ; 67%en 1990 ; 71 % en 1993 et 70 % en 1995 ) est sans aucun doute une économie d’endettement.
Les résultats de l’étude de M Boutiller et J .C Bricongne [2006] qui couvre la période ( 1994 -2004 ) confirment la conclusion de F.Poulon selon laquelle l’ économie française est passée en état d’économie de marchés financiers si l’on se réfère au taux d’intermédiation au sens strict (y compris les crédits des sociétés d’assurance et des OPCVM ) .L’ analyse en termes d’intermédiation au sens large ( tient compte des placements en titres des institutions de crédits , les assurances et les OPCVM) ne corrobore pas ce constat. D ‘après Boutiller et Bricongne [2006] , en France, le taux d’intermédiation financière au sens strict (hors crédits des OPCVM et des sociétés d’assurasse) a passé de 54% à 39 ,5% de 1994 à 2004. Ce taux a passé de 55,4% à 40 ,4 % respectivement en 1994 et 2004 si on tient compte des crédits des OPCVM et des sociétés d’assurance. Le taux d’intermédiation au sens large quant à lui a passé de 76 ,2% en 1994 à 58 ,8% en 2004 .L’économie française est donc une économie de marchés financier si on se réfère au taux d’intermédiation au sens strict mais elle est une économie d’endettement si on tient compte du taux au sens large.
La situation des quatre autres pays riches (Etats –Unis, Royaume Uni, Allemagne, Espagne) mérite d’être mentionnée .Limitant l’analyse au taux d’intermédiation au sens strict, les Etats-Unis et le Royaume Uni sont déjà classés dans l’économie de marché financier, toutefois, cette affirmation est à relativiser car ils ne sont pas vraiment loin de la valeur frontière de 1/2 qui délimite notre classification En effet , le taux d’intermédiation financière des Etats-Unis et du Royaume Uni ont passé respectivement de 33,6% , 33 ,8% en 1994 à 42,9% et 38,9% en 2000 . En 2004, ce taux a été respectivement 47,7 % et 46,2% .L’Allemagne et l’Espagne par contre sont des pays qui méritent de figurer dans les pays à « Economie d’endettement» .Un taux d’intermédiation financière de 69,6% en 1994 ; 73,4% en 2000 et 68 ,6% en 2004 a fait de l’Allemagne le premier pays le plus intermédié parmi les pays les plus riches. L’Espagne avec un taux de 46,1% en 1994 ; 50,6 % en 2000 et 60,2% en 2004 n’en reste pas loin.
Les PED sont des pays à « Economie d’endettement » du fait de la prédominance du secteur bancaire et des intermédiaires financiers traditionnels dans le financement de leur économie. Nous verrons plus tard une analyse détaillée là dessus. Pour l’instant contentons nous d’un aperçu général relatif à leur niveau d’intermédiation financière tiré des travaux de certains auteurs qui ont analysé ce problème.
Dimitri Germidis et alii [1991, p.126-128] effectuant une étude spécifique sur quelques PED ont pu analyser le niveau d’intermédiation financière et l’état d’avancement de quelques PED. En effet, l’analyse de la répartition de l’épargne financière de quelques PED en 1985 ( en pourcentage du total des engagements bruts du système financier ) montre la prédominance du secteur bancaire .Il ressortait de cette étude que les banques commerciales représentent la part la plus importante du total des engagements bruts du système financier, soit en moyenne 50% .Ce ratio va de 31% au Brésil à 40% au Philippines, 45% en Malaisie ,54% en Corée du Sud 59 % en Thaïlande ,57% au Nigeria et 63% au Chili. Les banques centrales viennent au second rang avec des pourcentages qui vont de 10% en Malaisie et en Corée, 20% au Chili et 35% au Brésil et aux Philippines. Cette part reflète le degré d’intervention des autorités publiques dans l’activité économique. La part des établissements de crédits spécialisés correspond en grande partie à celles des banques de développement ; leur poids varie de 2% au Chili et au Nigeria à 8 % en Inde ,16 en Corée du sud et au Philippines et au 18% en Malaisie. Les systèmes de sécurité sociale et les compagnies d’assurance ne représentent qu’une fraction limitée du total des engagements du système financier. Ils n’occupent une place importante qu’en Malaisie et au Chili , grâce notamment au rôle des prévoyance dans ces pays . Les caisses d’épargnent représentent lorsqu’elles existent une part limitée du total des engagements bruts , qui va de zéro au Chili et au Nigeria à 4% au Philippines et 11% au Brésil. Le poids relatif des fonds mutualistes, des trusts et des banques d’investissement est du même ordre, c'est-à-dire entre 1% et 11% du total des engagements bruts .Ce ratio va de 0% au Thaïlande ,1% en Inde et au Chili ,5% au Brésil ,9% au Nigeria et11% en Corée du sud.
En ce qui concerne les marchés financiers, cette étude montre que la part des valeurs mobilières à long terme à revenu fixe et à revenu variable va de 11% en Corée , 20% en Thaïlande , 24% au Nigeria , 30% au Brésil à 48 % en Malaisie.
Chose curieuse, contrairement à l’apparence bon nombres des pays riches réputés par le développement spectaculaire de leur marché financier restent encore fortement dominés par la prédominance du secteur bancaire et le financement intermédié.
Les pays à économies d’endettement (surtout les PED) ont un fonctionnement spécifique par rapport aux pays à « économies de marchés financiers ».
Dans les pays à « économies d’endettement », les agents à capacité de financement préfèrent les placements dans les banques aux titres émis sur les marchés financiers .Généralement, cette préférence pour la liquidité des épargnants conduit les intermédiaires financiers à transformer les liquidités en prêts à moyen et à long termes. Par contre, dans une économie de marché financier, les intermédiaires financiers peuvent plus aisément financer leurs prêts à moyen ou à long terme par des ressources de même échéance grâce à des émissions sur les marchés financiers [SG Jeanneney, 1998, p.53-54] .
Comme l’a remarqué SG Jeanneney [Ibid, p.56-57], dans une économie d’endettement :
i)-la création monétaire peut accroître l’investissement et à travers le multiplicateur keynésien d’investissement l’épargne globale ;
ii)-le taux d’intérêt significatif du point de vue de l’investissement est le taux des crédits bancaires ;
iii)-Il est possible de pratiquer une politique dirigiste du crédit (avec encadrement quantitatif du crédit bancaire et administration des taux d’intérêt. Les taux pratiqués par les banques peuvent être des taux de déséquilibre (la demande de crédit étant supérieure à l’offre) ;
iv)-les banques sont généralement très dépendantes du refinancement de la Banque centrale, d’autant plus que dans les économies peu développées, la monnaie manuelle (émise par la banque centrale) constitue une part importante de la masse monétaire.
Dans ces conditions, il est difficile pour la banque centrale de pratiquer une politique de limitation quantitative stricte de l’offre de monnaie (politique de base monétaire). Il lui reste néanmoins la possibilité d’agir sur la demande de la monnaie centrale par une variation de son taux d’intérêt.

La connaissance de l’état et du niveau d’intermédiation financière est une notion capitale pour appréhender le niveau d’indépendance financière des PED, mais l’analyse des indicateurs spécifiques relatifs au niveau de développement financier en constitue le pilier fondamental.

2- Indicateurs de développement financier des PED
2-1-Breve revue de littérature
Se questionner sur le niveau de développement du secteur financier d’un pays n’est pas chose facile. Quelle approche ? Quelles variables d’analyse à utiliser ?
Le FMI [2006] à travers sa publication de : « Indicateurs de Solidité
Financière » a déjà recensé plusieurs indicateurs permettant d’évaluer la solidité et la santé financière d’un pays .On peut lire à travers cette publication
[FMI, 2006, p.23] : « Les indicateurs de solidité Financière sont calculés pour aider à évaluer et à surveiller les forces et les faiblesses des systèmes financiers. De telles évaluations doivent tenir compte de la situation spécifique du pays concerné, en particulier de la structure de son système financier .Pour simplifier, il importe de savoir si une économie est composée d’un petit ou d’un grand nombre de banques,si elle dispose ou non d’intermédiaires financiers diversifiés, si son marché boursier est complexe et liquide ou non et si les intermédiaires financiers opèrent au niveau international » .S’il est une évidence de reconnaître la portée scientifique et méthodologique de ces indicateurs , fruit même de plusieurs années de recherche de la Division Institutions Financières II du Département des Statistiques ( avec la collaboration des autres Départements ) , la délimitation et l’interaction entre les secteurs financiers domestique et étranger a été presque négligée . Cette délimitation entre les secteurs domestique /étranger via l’approfondissement des déterminants de cette indépendance financière nous permettra par la suite de proposer des indicateurs d’Indépendance Financière qui eux aussi ne sont pas exempt de critique.
Depuis les travaux novateurs de Keynes [1936] qui a révolutionné la macroéconomie contemporaine, de nombreux auteurs ont essayé de chercher des indicateurs permettant d’évaluer le niveau de développement et la solidité du secteur financier d’un pays.
Avant d’entrer dans le cœur du débat, il est crucial de rappeler brièvement les débats relatifs à l’interaction croissance économique / développement du secteur financier (ou développement du secteur réel /développement financier).
L’analyse de l’interaction du développement du secteur réel (à travers la croissance économique) et celui financier est un débat vieux de plus d’un siècle. La question posée est alors de savoir: « Est-ce que le secteur financier qui tire et influence le développement du secteur réel ou c’est l’inverse qui se produit ? ».
Walter Bagehot [1873] et Shumpeter [1911] ont été les premiers à mettre en évidence l’existence d’un lien entre la croissance économique et le développement financier. Trois positions marquent le lien entre le système financier et croissance économique.

i)-Le secteur financier influe positivement sur la croissance économique
Ce premier groupe d’auteurs pense que le système financier a un impact positif sur la croissance économique. Il s’agit des auteurs comme Walter Bagehot [1873] et John Hicks [1969] qui ont montré le rôle critique qu’a joué le système financier dans l’essor de l’industrialisation en Angleterre en facilitant la mobilisation du capital .Schumpeter [1911] soulignant l’importance des banques via l’innovation technologique et le financement des entrepreneurs s’inscrit aussi dans le même ordre d’idée que Bagehot.
Les travaux de Gurley et Shaw [1960] (en approfondissant le rôle du secteur financier dans le processus de croissance économique) et Gerschenkron [1962] (qui a focalisé ses recherches dans l’analyse des écarts de développement par les différences du système bancaire) ont éclairé la voie dans recherche de l’existence du lien entre le secteur financier et la croissance économique. Mais les travaux ultérieurs de Goldsmith [1969] reste une référence .Dans ses travaux, Goldsmith [1969], s’appuie sur des données en coupe international sur la période 1860 à 1963 pour régresser la croissance moyenne sur le développement financier défini par la taille du secteur d’intermédiation financière (mesurée par la valeur de ses actifs sur le PIB).
Plus tard, Shaw et Mac Kinnon [1973] insistant beaucoup sur la théorie de la répression financière , Diamong .D et Dybvig.P [1983], Bencivenga et Smith [1991] mettant en avant le rôle du secteur bancaire ont permis de renouveler cette approche .Bencivenga, Smith et Starr [1996] ,Greenwood et Smith [1997], Rousseau et Wachtel [2000] quant à eux ont montré que la liquidité du marché boursier est importante pour la croissance économique.
Récemment , les travaux de Levine et King[1993] , Levine [1997 ,2000, 2004 , 2005] font autorité et constituent même les bases de références fondamentales en matière de l’analyse de l’ interaction entre le développement financier et croissance économique .Ross Levine [1997] s’intéressant sur un échantillon de 77 pays sur la période 1960-1989 a essayé de prouvé l’existence de lien formel entre le développement de la sphère réelle et la sphère financière . Même si son résultat n’est pas vraiment concluant , l’auteur trouve des corrélations substantielles entre certains indicateurs de la croissance économique et quatre indices de la maturité du secteur financier :i)- le ratio des passifs liquides du secteur ( monnaie en circulation et dépôts à vue ) par rapport au PIB , ii)- le rôle des banques primaires par rapport à la banque centrale ,iii)-la part du secteur privé dans le crédit intérieur ,iv)-les encours de crédit chez les entreprises privés par rapport au PIB. Levine constate également que pour 57 pays, le niveau initial (1960) du premier indice –passifs liquides/PIB prédit de façon significative les indicateurs de la croissance du PIB pendant les 30 années suivantes. On peut déduire aussi de l’étude de Levine qu’il n’est pas possible de prédire si le taux de croissance économique pourrait augmenter et le cas échéant de combien du fait de reformes financières entraînant certains changements spécifiques pour les principaux indices sectoriels. Mais les crises financières des pays émergents des années 1990 et des années subséquentes qui ont largement déstabilisés le secteur réel sont les preuves formelles de l’existence de lien de causalité entre le secteur financier et le secteur réel.
ii)-La croissance économique influe positivement le secteur financier
Le deuxième groupe d’auteurs au premier rang desquels figurent la Keynésienne Joan Robinson pense plutôt que c’est la croissance qui mène le système financier. Pour Robinson [1952] , le développement économique créerait des demandes de type particulier auxquelles répond le système financier en se développant . Le développement du secteur financier peut être donc interprété comme le résultat des demandes exprimées par le secteur productif. La causalité vu précédemment est alors inversée : le processus de croissance exige de nouveaux modes de financements, ce qui provoque le développement du secteur financier. Cette vision keynésienne de Robinson (qui s’oppose à la vision de Schumpeter qui accorde un rôle capital des banques) s’appuie sur le postulat selon lequel : « La où l’entreprise conduit, la finance suit ».La finance et les banques apparaissent alors comme étant des réponses endogènes à la demande exprimée par les agents économiques. Cependant, dans sa contribution de 1979, elle semble nuancer sa position qui se rapproche de la notion de pouvoir d’achat de Schumpeter. Elle reconnaît ainsi que la croissance peut être entravée par une insuffisance de crédit .Pour Robinson[1979] , une économie qui a atteint un certain degré de complexité a besoin de monnaie qui est la représentation abstraite du pouvoir d’achat à partir duquel des transactions peuvent avoir lieu. La vision de Robinson conduit en réalité à une causalité à double sens .Dans un premier temps, l’entreprise emprunte à une banque, puis lorsque le projet a porté ses fruits et accru les gains de l’entreprise, elle commence à émettre des actions ou des obligations et à rembourser l’emprunt à la banque, reconstituant ainsi son crédit pour pouvoir emprunter de nouveau. Le deuxième sens de la causalité se manifeste lorsqu’une proportion plus ou moins constante de l’investissement est financée, l’accroissement du taux d’investissement conduit à une augmentation des prêts bancaires. Ainsi, les crédits bancaires causent en premier lieu l’investissement lequel se traduit en retour par un accroissement du revenu national qui accompagne l’élévation du niveau d’investissement. Cette vision à double sens entre finance et développement réel conduit à considérer que Schumpeter avait partiellement raison.
iii)-Pas de causalité formelle entre le secteur financier et la croissance économique
Ce dernier groupe d’auteurs ne croit pas qu’il y ait une corrélation formelle entre système financier et croissance économique .Robert Lucas [1988] pense ainsi que le rôle des facteurs financiers dans la croissance est exagéré. Mayer [1988] quant à lui avance qu’un marché boursier développé n’est pas important pour le financement de l’entreprise. Stiglitz [1985,1999] corrobore ce constat affirmant que la liquidité des marchés financiers n’a pas d’impact sur le comportement des gestionnaires de compagnies et donc n’exerce pas un certain contrôle corporatif .La plupart des économistes du développement sont également sceptiques quant au rôle du système financier dans la croissance économique. Mais compte tenu du développement spectaculaire de la littérature sur la croissance endogène, certains auteurs comme Berthelemy et Varoudakis [1996] ont mis en évidence l’ambivalence de la relation entre développement financier et croissance. Le résultat de l’étude de ces deux auteurs débouche sur la non-linéarité entre un indicateur de développement financier et la croissance. Ils ont déterminé l’existence d’un seuil minimum de développement financier au-delà duquel il pourrait exister une causalité dans le sens finance vers croissance (ce pays passe ainsi d’un club de convergence à un autre).Cette corrélation peut être inversée ou négative dans le stade de maturité du secteur financier.

Dans le but de mieux appréhender notre étude, se referant à la littérature dominante, l’approche développée par Levine [1993, 1997] sera adoptée ici. Dans une certaine mesure nous adoptons déjà alors la position de Levine et ses collègues selon laquelle : « Le secteur financier exerce une influence positive sur la croissance ».Mais cette position n’est pas formelle. Levine lui-même dans ces travaux a émis des doutes quant à la l’universalité de ce lien de causalité. Cette position nous permettra de proposer les indicateurs clefs de développement financier indispensable à notre analyse.

2-2-Indicateurs de maturité financière

Comme le note Aghion [2007, p.80] : « Dans son excellent revue de littérature dans le Handbook of Economic Growth, Ross Levine [2005] résume ainsi la recherche actuelle sur la finance et la croissance. Globalement ,l’ensemble des recherches actuelles suggère que les pays dont les banques et les marchés fonctionnent mieux se développent plus rapidement , les biais de simultanéité ne semblent pas affecter ces conclusions , une efficacité accru des systèmes financiers réduit les contraintes qui pèsent sur le financement externe des entreprises indiquent qu’il s’agit là d’un des mécanismes par lesquels le développement des marchés financiers influencent la croissance ».Levine à travers cette affirmation confirme l’ existence d’un lien de causalité formelle entre développement financier et croissance. Son article fondateur de 1997 a permis de tirer les indicateurs relatifs au développement financier.
Dans un article de 1997, le Professeur Levine Ross [1997] dans le but d’étudier la relation existante entre le développement de la sphère financière et la sphère réelle de l’économie a relevé quatre indices permettant d’évaluer le niveau de développement financier d’un pays. Ces indicateurs reflètent l’état de maturité financière d’un pays.

i)-La PROFONDEUR FINANCIERE : une mesure de la taille du secteur financier, donne le ratio des passifs liquides du secteur de la monnaie en circulation, plus des dépôts à vue et des passifs porteurs d’intérêts des banques et des intermédiaires financiers non bancaire sur le PIB (M2 /PIB).
ii)-La BANQUE :une mesure du rôle des banques primaires vis-à-vis de la banque centrale , donne la part des banques primaires dans le crédit intérieur total , c'est-à-dire la créance des banques primaires , plus les actifs internes de la banque centrale.
iii)-Le PRIVE :une mesure de la part du secteur privé dans le crédit intérieur, donne le ratio du crédit alloué aux entreprises privées, à l’ exclusion des entreprises d’Etat, par rapport au crédit intérieur total net du crédit octroyé aux banques .La Banque mondiale à travers ses interventions et les différents rapports accorde une importance particulière au développement du secteur privé .On peut lire ainsi dans le rapport annuel de la Banque mondiale [2007,p.21 ] : « Des marchés diversifiés efficaces et bien réglementés, ainsi qu’un cadre juridique et réglementaire favorable au secteur privé, permettant aux entreprises des microentreprises aux multinationales d’investir de manière productive , de créer des emplois et de se développer ».
iv)-Le PRIVY :une mesure de l’ importance du crédit au secteur privé dans l’ économie dans son ensemble , donne le ratio du crédit aux entreprises privées (comme dans iii) par rapport au PIB .
A ces quatre indices relevés par Levine, nous allons en ajouter un relatif aux banques que nous appellerons « Banceco ».
v)-Le BANCECO : C’ est le ratio des crédits bancaires par rapport au PIB .Cet indice est très important car il permet d’évaluer l’importance des banques dans le financement de l’ économie d’un pays donné.

Au sens de Levine, l’hypothèse sous jacente des indices est que,plus chacun d’entre eux est grand au temps t ,plus rapide est la future croissance d’une économie .En d’autres termes ,plus le secteur financier est profond ( c’est à dire plus sa profondeur est grande ), plus le rôle la part su secteur privé dans le crédit intérieur est grande , plus le rôle des banques primaires est grand en comparaison de celui de la banque centrale , et plus le crédit en circulation dans les entreprises privés est grand par rapport à l’ économie globale , et plus le taux de croissance de l’ économie est élevé .
Il est crucial de rappeler que ces indicateurs cernent des caractéristiques spécifiques du secteur financier et reflètent le niveau global de sa taille .Ils ne disent rien de certains détails structurels et institutionnels jugés significatifs .

1-2-2-1-Analyse globale des maturités financières des PED
Le tableau 1 ci-après nous retrace l’état global du secteur financier des PED conformément aux critères d’évaluation proposés précédemment. Le tableau 2 tiré de l’étude de King et Levine [1993] nous permet de faire une comparaison relative à notre résultat.

Tableau 1 : Indicateurs de développement financier des PED (1)

1980 1985 1990 1995 1996 1997 1998 1999 2000
M2/PIB 0,29 0,31 0,33 0,38 0,38 0,41 0,44 0,47 0,48
PRIVE 0,79 0,73 0,73 0,74 0,75 0,71 0,69 0,69 0,69
PRIVY 0,27 0,30 0,32 0,32 0,32 0,35 0,35 0,34 0,34
BANQUE 0,65 0,65 0,76 0,79 0,78 0,77 0,76 0,78
BANCECO 0,37 0,37 0,37 0,38 0,41 0,4 0,44 0,43
(1) PED : L’échantillon est composé de 17 pays en développement dont Afrique : Algérie, Bénin, Cameroun, Madagascar ; Amérique latine :Argentine , Brésil , Equateur ,Mexique ; Asie :Chine ,Inde , Indonésie ,Thaïlande , Corée du sud.
Source : Calcul de l’auteur à partir du Statistiques Financières Internationales, FMI, 2002.

Tableau 2: Indicateurs de développement financier de King et Levine pour l’année 1985

Très Riche Riches Pauvre Très Pauvres
M2/PIB 0,67 0,51 0,39 0,26
PRIVE 0,71 0,58 0,47 0,37
PRIVY 0,53 0,31 0,20 0,13
BANQUE 0,91 0,73 0,57 0,52
Nb : Echantillon 29 pays
Source : King et Levine [1993].

Il ressort du tableau 1 que le secteur financier des PED dans l’ensemble est encore dans un état embryonnaire.
i)-Le degré de monétisation de l’économie (M2/PIB) n’a cessé de s’amplifier tout au long de la période d’étude (1980-2000) passant respectivement de 0,29 à 0,31 en 1980 et 1985 et respectivement de 0,38 et 0,48 en 1995 et 2000 .Il est important de noter que le niveau moyen de cet indicateur (pour l’année 1985) trouvé par Levine [1993] pour les pays très riches est de 0, 67 et 0,51 pour les riches, respectivement 0,39 et 0,26 pour les pauvres et les pays très pauvres
( Tableau 2). A partir de 1995, le niveau moyen de la profondeur financière des PED a dépassé le seuil critique de 0,365 (avancé par Varoudakis et Berthelemy [1998] au-delà duquel un pays est jugé avoir affranchi le premier stade du développement financier. Mais quoi qu’il en soit ce faible niveau d’approfondissement financier (profondeur financière) des PED reflète la faible taille de leur secteur financier qui malgré le développement du secteur bancaire reste encore fragile. L’hypothèse selon laquelle le taux de liquidité (M2/PIB) est un indicateur crucial du niveau de développement financier reste quand même critiquable [Fry ,1997] .Selon Fry, cet indicateur est une estimation correcte du développement de la finance dans des pays aux premiers stade de leur développement, du fait notamment du poids prédominant des banques dans le financement des entreprises et par le sous-développement des marchés financiers, ce qui n’est plus le cas des pays où les marchés financiers sont déjà largement avancés . En fait, dans des économies financièrement développées, il est probable que la vitesse de circulation monétaire tende à augmenter plus vite que la masse monétaire. Dans ce cas, le taux de liquidité pourrait négativement corrélé avec les évolutions du PIB, contrairement à ce que prévaut Levine .L’utilisation de cet indicateur pour les PED est à notre sens justifié par le fait qu’ils sont tous (même les pays émergents) des pays à « Economie d’endettement » où la monnaie et la quasi –monnaie occupent une part non négligeable de la masse monétaire et où les Banques prédominent.
ii)-L’indicateur PRIVE (Crédit au secteur privé /Crédit intérieur) montre une importance capitale du secteur privé. En effet, le secteur privé accapare presque deux tiers ou plus des crédits intérieurs dans les PED passant de 0,79 en 1980 à 0,73 de 1985 à 1990 et 0,69 en 2000.Notre résultat ne cadre pas vraiment avec les résultats de King et Levine [1993], qui montrent que les pays pauvres et très pauvres censés représentés les PED ont eu un indice PRIVE respectivement de 0,47 et 0,37 en 1985 .Dans notre cas, cet indice est 0,73 en 1985 .Cette différence est attribuée d’une part à la faiblesse de notre échantillon,d’autre part aux pays qui composent l’ échantillon.
iii)-L’analyse de la variable PRIVY (Crédit privé /PIB) montre une tendance croissante tout au long de la période considérée passant de 0,27 à 0,30 entre 1980 et 1985 et respectivement de 0,32 à 0,34 entre 1990 et 2000 .A titre de comparaison, dans l’étude de King et Levine [1993], cet indice est de l’ordre de 0,20 et 0,13 respectivement pour les pays pauvres et très pauvres en 1985 et respectivement 0,53 et 0,31 pour les pays très riches et les pays riches.
iv)-La variable BANQUE (Crédit bancaire/ Crédit bancaire plus créances internes de la Banque centrale) a enregistré une quasi-stabilité à partir de 1996 après la tendance croissante amorcée depuis 1985 .Les Banques ont assuré ainsi 65% des actifs financiers internes des PED en 1985 et respectivement 76 % et 0,78% en 1995 et 2000.Ce fait corrobore bien le fait que ces pays sont des pays à « Economie d’endettement ».Le fait que les Banques assurent presque deux tiers des actifs internes des PED est un signal fort de l’importance du secteur bancaire dans les PED , ce qui ne réduit pas forcement la marge de manœuvre de la Banque centrale . Dans une « Economie d’endettement », la maîtrise des variables de contrôle de la politique monétaire par la Banque centrale est de plus en plus certain (on ne tient pas compte des autres paramètres exogènes).
v)-La variable BANCECO (Crédit bancaire /PIB) a suivi une tendance à la hausse 1985 à 1998 passant de 0,37 à 0,4 avant de se stabiliser à 0,44 et 0,43 respectivement en 1999 et 2000 .

A noter que ces chiffres sont à interpréter avec précaution car les disparités du niveau de développement financier, les structures économiques et les cadres institutionnels ne sont pas les mêmes dans l’ensemble des PED .Ce qui nous amène à une analyse régionale de l’évolution de ces indicateurs.

1-2-2-2-Analyse régionale des maturités financières des PED
L’analyse globale du niveau de développement financier des PED ne nous permet pas vraiment d’avoir une vision claire et nette de chaque région .Il importe ainsi de prolonger l’analyse en termes régionale. Les tableaux 3-4-5 ci- après nous retracent l’évolution de ces indicateurs pour trois groupes de régions à savoir l’Afrique, l’Amérique latine, l’Asie qui constituent les principales délimitations régionales de notre étude.

Afrique
Le secteur financier de l’Afrique, d’après ce qu’on entend partout dans les études et différents rapports des organismes internationaux, gouvernementaux et paragouvernementaux est déficient, mal -organisé et très segmenté. La Banque mondiale [Ibid,p.21] note ainsi : « Des marchés efficaces sont particulièrement nécessaires en Afrique où le développement du secteur financier est inégal, la réglementation commerciale excessive, l’accès au crédit limité surtout dans les zones rurales et l’intermédiation financière moins répandue que dans n’importe quelle région du monde ».
En nous référant au tableau 3 ci-après, ce constat semble être confirmé rien qu’en comparant l’indice d’approfondissement financier à ceux des autres PED.


Tableau 3: Indicateurs de développement financier de l’Afrique (1)

1980 1985 1990 1995 1996 1997 1998 1999 2000
M2/PIB 0, 32 0,34 0,26 0,24 0,22 0,24 0,24 0,26 0,26
PRIVE 0,86 0,79 0,75 0,47 0,52 0,50 0,55 0,69 0,69
PRIVY 0,32 0,33 0,23 0,08 0,08 0,06 0,07 0,08 0,08
BANQUE 0,70 0,63 0,62 0,65 0,64 0,65 0,67 0,70
BANCECO 0,35 0,27 0,18 0,17 0,16 0,18 0,19 0,17
(1) : Algérie, Bénin, Cameroun, Madagascar.
Source : Calcul de l’auteur à partir du Statistiques Financières Internationales, FMI, 2002.

En effet, l’indice de la profondeur financière ( M2 /PIB) de l’Afrique a passé de 0,32 en 1980 à 0,34 en 1985 et respectivement 0,24 et 0,26 en 1995 et 2000.
Parallèlement, l’indice PRIVE a passé de 0,86 en 1980 à 0,79 en 1985 et 0,69 en 2000.
La variable PRIVY a enregistré une forte régression durant la période d’étude passant de 0,32 en 1980 à 0,08 en 1995 et 2000. La forte baisse de cette variable est attribuée à l’importance grandissante du secteur public (gouvernemental) dans ce continent.
La variable BANQUE mérite une attention particulière. L’examen relatif à l’évolution de cette variable montre une grande importance des banques vis-à-vis da la banque centrale. Les banques ont assuré environ 70 % des actifs financiers internes en Afrique (l’échantillon) en 1985 et respectivement 62% et 70% de ces actifs en 1995 et 2000. Paradoxalement, cette valeur (surtout en 1985 et depuis 1998) est très proche du niveau trouvé par King et Levine [1993] pour les pays riches (0,73) en 1985 (voir tableau 9) et loin du niveau correspondant aux pays pauvres et les pays très pauvres qui a été respectivement de 0,57 et 0,52. Dans notre cas, cette valeur est de 0,70
(en 1985 ), largement supérieure à celle de King et Levine pour les pays pauvres et très pauvres en 1985.Cette différence est justifiée par l’importance des Banques d’ Etat dans les pays qui composent notre échantillon pendant les années 1980 et le début des années 1990. Dans les pays comme le Cameroun, Madagascar, Bénin et Algérie, l’Etat a toujours occupé une place capitale dans le secteur bancaire .Les nationalisations successives des années 1970 et 1980, ont fait que l’Etat était devenue acteur principal du secteur bancaire comme résultat explosion des crédits bancaires et des financements des grands programmes d’investissement à outrance (Comme le cas de Madagascar vers la fin des années 1970 et début 1980). Le niveau élevé de l’indice Banque (Environ 0,65 ou plus) enregistré depuis 1996 reflète l’assainissement et la bonne santé du secteur bancaire du continent à cause de la privatisation du secteur qui a fait explosé les crédits intérieurs mais aussi et surtout la maîtrise des crédits de la Banque centrale dans l’économie (financement du déficit).
La baisse tendancielle de l’indice BANCECO (passant de 0,35 en 1985 à 0,18 en 1995 et 0,17 en 2000) confirme la diminution relative du rôle des banques dans l’économie.

Amérique latine
Les pays de l’ Amérique Latine sont réputés pour l’instabilité de leur secteur financier. La crise d’endettement international des années 1980 a fait sa gestion en Mexique avant de faire une tache d’huile dans les autres PED de la région, de l’Afrique et de l’Asie. Les crises successives des années subséquentes : crise Mexicaine de 1994, crise brésilienne de 1998, crise de la dette souveraine de l’équateur de 1998, crise de l’Argentine de 2002 reflètent la fragilité financière permanente de ces pays qui évidement nous renvoie à l’analyse du niveau de développement de leur secteur financier (Tableau 4).


Tableau 4 : Indicateurs de développement financier de l’Amérique latine (1)

1980 1985 1990 1995 1996 1997 1998 1999 2000
M2/PIB 0,22 0,17 0,19 0,26 0,26 0,28 0,28 0,28 0,27
PRIVE 0,73 0,52 0,55 0,86 0,83 0,74 0,70 0,65 0,68
PRIVY 0,19 0,15 0,18 0,25 0,21 0,23 0,24 0,24 0,23
BANQUE 0,55 0,55 0,79 0,85 0,89 0,84 0,81 0,81
BANCECO 0,18 0,24 0,28 0,26 0,29 0,29 0,30 0,29
(1) : Argentine, Equateur, Brésil, Mexique
Source : Calcul de l’auteur à partir du Statistiques Financières Internationales, FMI, 2002.
A priori, l’examen rapide relatif au tableau 4 indique un faible niveau de monétisation de l’économie, une forte implication du secteur privé et du secteur bancaire dans l’économie.
L’indice relatif à la profondeur financière (M2 /PIB) est faible, avoisine même le niveau de l’Afrique .Cet indice passe ainsi de 0,22 en 1980 à 0,26 en 1995 et 0,27 en 2000.Les pays d’Amérique latine sont alors des pays à faible niveau de monétisation .Ce faible niveau de monétisation reflète la réticence de la population à détenir des actifs liquides vue l’hyperinflation et les désordres monétaires qui caractérisent ces pays. Les gens ont tendance ainsi à détenir des actifs moins liquides et les transformer en actifs liquide en cas de crise comme a été le cas en 2002 en Argentine. A titre d’illustration, cet indice a été de 0,24 en 1980 en Argentine, 0,11 en 1990 et 0,31 en 2000 .Dans la même période, il a été respectivement 0,11 et 0,25 en 1980 et 1985 au Brésil et 0,28 en 2000.
L’indice PRIVE ( Crédit au secteur privé / Crédit intérieur) montre une importance capitale du secteur privé malgré une forte régression enregistrée entre 1980 et 1990 .Cet indice a passé de 0,73 en 1980 à 0,55 en 1990 et 0,67 en 2000 .
Parallèlement, la variable PRIVY (Crédit privé /PIB) a enregistré un résultat médiocre (en déca de la moyenne des PED et légèrement au dessus de l’Afrique). Cet indice a passé ainsi de 0,19 à 0,15 en 1980 et 1985 et de 0,25 à 0,23 en 1995 et 2000 alors que la valeur moyenne de l’ étude de King et Levine [1993] a été respectivement 0,20 et 0,13 pour les pays pauvres et très pauvres en 1985 .
La variable BANQUE montre le rôle capital du secteur bancaire vis-à-vis de la Banque centrale. Cette variable a passé de 0,55 à 0,79 de 1985 à 1995 et 0,81 en 2000.La stagnation de cette variable observée entre 1985 et 1990 est attribuée à la réticence des banques à financer les activités économiques dans les PED suite à la crise d’endettement international qui a fait naître des créances douteuses dans la majorité des PED surtout en Amérique latine (dont les pays de l’échantillon).
La faible valeur de la variable BANCECO reflète le fait que les secteurs bancaires de ces pays ne sont pas vraiment dynamiques.

Asie
Ces deux dernières décennies, le continent asiatique (surtout les pays émergents ) se différencie de d’Afrique et de l’Amérique latine par le dynamisme spectaculaire de leur secteur financier conjugué au développement spectaculaire du secteur réel. Ces pays ont dégagé un taux de croissance moyen de plus de 6% et plus de 10 % pour la chine durant la dernière décennie et de nos jours .Mais la crise asiatique de 1997 est un signal fort de la fragilité financière de ces pays. Crise attribuée souvent au phénomène de Péché Originel d’Eichengreen et Hausmann [1999,2003] et l’Arrêt Brutal (Sudden Stopps) de Calvo [1998, 2004] , elle trouve avant tout sa source dans l’ état d’avancement de leur secteur financier ( Tableau 5).

Tableau 5 : Indicateurs de développement financier de l’Asie (1)

1980 1985 1990 1995 1996 1997 1998 1999 2000
M2/PIB 0,32 0,42 0,54 0,63 0,66 0,72 0,80 0,86 0,90
PRIVE 0,77 0,87 0,88 0,90 0,90 0,88 0,83 0,72 0,70
PRIVY 0,31 0,41 0,56 0,63 0,67 0,75 0,75 0,71 0,70
BANQUE 0,71 0,78 0,86 0,87 0,82 0,81 0,81 0,84
BANCECO 0,46 0,59 0,66 0,70 0,78 0,81 0,82 0,83
(1) : Inde, Chine, Indonésie, Corée du Sud, Thaïlande.
Source : Calcul de l’auteur à partir du Statistiques Financières Internationales, FMI, 2002.
En nous referant au Tableau 4, on constate que la profondeur financière (M2/PIB) de l’Asie (l’échantillon) est déjà largement avancé .Ce qui signifie un niveau de monétisation élevé de l’économie .Cette variable a presque triplé de valeur en 20 ans passant de 0,32 en 1980 à 0,63 en 1995 et 0,90 en 2000.Ce niveau elévé de l’indice approfondissement financier met en lumière l’ état d’avancement et la dynamique considérable du secteur financier de l’ Asie
( pays émergents de l’ Asie ).Le niveau d’après 1996 ( 0,66 et plus ) avoisine ou dépasse même le niveau de profondeur financière des pays riches ( 0,51 ) et des pays très riches ( 0,67 ) relatif à l’ année 1985 [King et Levine ,1993] .
A titre d’illustration, à noter que cet indice a passé de 0,37 à 0,42 de 1980 à 1990 en Inde et 0,56 en 2000 .En chine , il a passé de 0,36 à 0,80 de 1980 à 1990 et 1,52 en 2000 .En Indonésie ,Corée du Sud et Thaïlande , il est passé respectivement de 0,16 ; 0,33 et 0,38 en 1980 à 0,40 ; 0,38 et 0,70 en 1990 , enfin 0,57 ; 0,79 et 1,05 en 2000.Se referant à ces valeurs , on peut déduire que la chine et la Thaïlande sont des pays largement monétisé par rapport à la Corée du sud , l’ Indonésie et l’Inde. Toutefois, ils représentent tous un indice jugé significatif largement au dessus du seuil minimal de développement financier de 0,365 avancé par Varoudakis et Berthelemy [1998].
L’analyse des variables PRIVE et PRIVY font ressortir une importance capitale et une forte implication du secteur privé dans l’économie. L’indice PRIVE passe ainsi de 0,77 à 0,88 de 1980 à 1990 et 0,70 en 2000. Ce secteur englobe alors presque deux tiers ou plus même des crédits intérieurs. On voit bien la dynamique du secteur privé dans ce continent .L’indice PRIVY a aussi enregistré une performance remarquable passant de 0,31 à 0,56 de 1980 à 1990 et 0,70 en 2000.
En ce qui concerne la variable BANQUE ,la dynamique du secteur bancaire est remarquable .Cet indice a passé de 0,71 à 0,86 de 1980 à 1995 et 0,84 .La crise asiatique de 19997 a affecté d’une manière moins significative le secteur bancaire car l’indice Banque a passé de 0,87 en 1996 avant la crise à 0,81 en 1997 pendant la crise et s’est stabilisé à 0,81 pendant les deux années qui ont suivi la crise c'est-à-dire en 1998 et 1999 .La valeur élevée de cet indice Banque ( supérieure à 0,70 ) pendant la période d’étude reflète bien la forte implication du secteur bancaire dans ces pays et son rôle capital vis-à-vis de la Banque centrale.
La dynamique du secteur bancaire est confirmée si on analyse l’évolution de la variable BANCECO .Cet indice a passée ainsi de 0,46 à 0,66 de 1985 à 1995 et 0,83 en 2000 .


En bref , en nous référant aux tableaux 3-4-5, parmi les PED ,les pays de l’ Asie mènent la cadence en matière de développement financier , suivi de l’ Amérique latine et de l’Afrique qui comme toujours termine la marche. L’indicateur relatif à la profondeur financière ( M2/PIB ) ,les indices BANQUE et BANCECO corroborent ce constat. La supériorité asiatique est nette devant les résultats moyens de l’Amérique latine et la performance médiocre de l’Afrique. Si les indicateurs directs de développement financier montrent une nette différence entre ces trois régions, l’analyse des deux autres indicateurs indirects à savoir le PRIVE (Crédit privé / Crédit intérieur) et le PRIVY (Crédit privé / PIB) ne nous permet pas de faire une conclusion nette. Une analyse approfondie de l’évolution de ces deux variables nous permet quand même de confirmer la classification précédemment.


1-2-3-Indicateurs relatifs au marché boursier

Compte de tenu de l’importance du développement spectaculaire des marchés boursiers dans certains PED (quelques pays émergents d’Asie et d’Amérique latine, quelques pays d’Afrique) il s’avère capital d’intégrer dans notre analyse deux nouvelles variables : la capitalisation boursière et le turnover. Ces variables permettent d’évaluer la taille et la liquidité du marché. Levine et zervos [1996] ont été les premiers à avoir développé suffisamment cette approche.
i)- Le Ratio de capitalisation boursière sur le PIB ( CapBour/PIB ) permet d’évaluer la taille du marché .La capitalisation boursière est égale à la valeur totale de tous les titres inscrits . Pour Levine et Zervos , la taille du marché boursier est positivement corrélée avec l’ habilité à mobiliser le capital et à diversifier le risque.
ii)-Le Turnover (TURN) est le taux de rotation en volume c'est-à-dire le rapport des transactions en volume sur la capitalisation boursière en volume. Cette mesure complète aussi la mesure concernant la taille car un marché peut être important mais inactif.
Constatant l’importance de la libéralisation financière dans les pays émergents, et faute de données statistiques suffisantes permettant de calculer ces indicateurs, nous nous limiterons ici aux données de Levine et Zervos de 1996.
Le tableau 6 ci-après met en évidence l’évolution de ces indicateurs pour certains pays émergents.

Tableau 6 : Indicateurs du marché boursier des pays émergents

CapBour/PIB Turnover
Avant Après Avant Après
Argentine 0,0115 0,0658 1,167 3,395
Brésil 0,0565 0,3268 4,361 3,790
Mexique 0,0762 0,2894 7,477 3,561
Philippines0,0712 0,2457 4,513 2,015
Thaïlande 0,0682 0,4172 6,213 0,8561
Inde 0,0749 0,2397 5,059 3,343
Pakistan 0,0581 0,1620 0,720 1,474
Jordanie 0,4205 0,5714 0,607 2,026
Source :Levine et Zervos ,1996.
Ce tableau montre que l’intégration financière a permis d’augmenter la capitalisation boursière des marchés émergents surtout dans des pays comme la Thaïlande, la Jordanie et le Brésil où elle (la capitalisation boursière) a déjà enregistré un score significatif .Toutefois, l’évolution de l’indicateur TURNOVER dans des pays comme le Brésil, le Mexique, le Philippines, la Thaïlande et l’Inde reflète le manque de dynamisme de ces marchés. Certains pays émergents n’ont pas pu alors dynamiser les transactions au sein de leurs bourses de valeur mobilières de façon à ce que les taux de transactions suivent le rythme de croissance de la capitalisation. Ce fait s’explique par le faible pouvoir de financement du marché financier. Une étude de la Banque Européenne de l’Investissement [2006] a pu montrer la situation globale des PED mettant en exergue les indicateurs relatifs au Turnover et à la capitalisation boursière comme le montre le tableau 7 .

Tableau 7 : Indicateurs du marché boursier des PED et des autres pays (en % )


Afrique Asie Amq lat PaysMed UE 25 UE8 EU
TURNOVER
36,1 90,4 23,7 107,4 93,3 41,7 169,1
CapBour
Privé/PIB 9,7 11,4 6,7 nd 39,4 4,9 106,8
CapBour
Publiq
/PIB 36,4 16,9 25,9 42,5 47,1 29,3 44,1
Note : Amq lat : Amérique latine, PaysMed : Pays de la Mediterannée, UE : les 25 pays membres de l’ Union Européenne, U8 : Les huit pays de l’Europe centrale et orientale qui ont adhéré l’Union Européenne en 2004, EU : Etats-Unis.
Source : Banque Européenne d’Investissement ,2006 , Tendance économique dans les pays partenaires (p.19).
L’examen relatif à ce tableau montre une forte dynamique du marché boursier des pays de la Mediterannée et asiatique présentant un taux de rotation respectif de 107,4% et 90,4% avoisinant ou dépassant même la performance des 25 pays de l’Union Européenne .Chose surprenante, l’ Afrique dépasse même l’Amérique latine en matière de capitalisation boursière ( privée ou publique ) mais aussi en matière de rotation des valeurs mobilières (Turnover).La performance globale des PED ( Asie, Amérique latine , Afrique , Pays de la Mediterannée ) est comparable à celle des huit nouveaux membre de l’ Union Européenne ( UE8).Il est quand même important de noter que ces indicateurs reflètent largement la situation des pays émergents parmi les PED mais non pas de l’ensemble des PED .Le résultat significatif de l’ Afrique est alors biaisé par la performance de l’Afrique du Sud. La dynamique de l’Asie et de l’Amérique latine est attribuée aux pays émergents de ces deux continents.

Si les indicateurs relatifs au secteur financier présentés jusqu’ici permettent d’avoir une vision d’ensemble de son état d’avancement, ils ne fournissent pas des informations fiables quant à sa solidité .

1-2-3-Indicateurs de solidité du secteur financier des PED
Les indicateurs proposés précédemment ne permettent pas d’évaluer la solidité du secteur financier. Ce sont des indicateurs relatifs à la taille et à la liquidité réelle de l’économie. N’est-il pas alors capital de proposer d’autres indicateurs permettant d’évaluer la solidité du secteur financier du pays en question ? Trois indicateurs à savoir le rendement de l’ actif , le Ratio prêts non productifs sur le total des prêts , le capital réglementaire rapporté à l’ actif pondéré en fonction des risques permettent d’évaluer cette solidité du secteur financier comme le montre le tableau 8 ci- dessous .

Tableau 8 : Indicateurs de solidité du secteur bancaire des PED ( en %)

Rendement de l’actif Prêts non productifs sur total des prêts Capital réglementaire sur actif pondéré en fonction des risques
2002 2003 2004 2002 2003 2004 2002 2003 2004
PaysEmerg Asie 0,8 0,9 1,3 15,5 13,1 10,8 13,8 14,31 14,3
Amérique latine -1,3 1,3 1,6 12 9,6 6,9 13,7 14,7 16,1
Moyen Orient 1,2 1,2 1,5 14,7 14,3 13,4 15,2 14,9 14,6
Afrq Subsahar 2,1 3,1 3,1 16,9 14,6 13,3 17,7 16,6 16,9
Source : FMI , Global Stabilty Reviw [ 2005 ].

L’examen relatif au tableau 8 montre que le secteur bancaire des PED affiche des indicateurs agrégés de performance modeste. Ce fait reflète bien les conditions d’activité difficile et l’insuffisance de la pratique de gestion des risques. La faiblesse du rendement de l’ actif ,conjugué à l’importance des taux de prêts non productifs, malgré le résultat encourageant au niveau du ratio d’adéquation du capital ( capital réglementaire / actif pondéré en fonction des risques ) illustre la fragilité du secteur bancaire des PED .Une analyse approfondie de ce tableau permet d’avancer que le Moyen Orient et l’ Afrique Subsaharienne sont fortement exposés si on se réfère à l’indicateur relatif au prêts non productifs alors que l’ Amérique latine et les pays émergents d’Asie affichent une certaine stabilité .La tendance se renverse si on s’intéresse au rendement de l’ actif, une situation paradoxale car ces deux sous-régions
(Afrique subsaharienne et le Moyen orient) sont largement marginalisées par les créanciers privés pour des causes diverses.
Si on prolonge l’analyse dans le cadre des marchés financiers (tableau 9), on aperçoit que l’indicateur relatif à la volatilité des rendements boursiers affiche une performance notable dans tous les pays de l’échantillon à l’exception du Brésil et de l’Argentine qui ont connu une hausse de cet indicateur au cours de la période considérée (avant et après la libéralisation financière).

Tableau 9 : Volatilité des rendements boursiers des pays émergents

Volatilité des Rendements boursiers
Avant Après
Argentine 0,281 0,428
Brésil 0,184 0,428
Mexique 0,107 0,103
Philippines 0,070 0,069
Thaïlande 0,056 0,068
Inde 0,036 0,070
Pakistan 0,030 0,060
Jordanie 0,044 0,042
Source :Levine et Zervos , 1996 .

Tel qu'on a pu constater à travers les différents données et tableaux de cet article , le defi du secteur financier reste de mise dans les PED.Si la suprematie asiatique est une évidence , le reveil de l' Amérique latine et de l' Afrique se dessine à l' horizon .Mais le fossé qui separe les pays émergents et les PMA restent encore une évidence dans les trois régions des PED ( Afrique , Asie et l' Amérique latine ).