mercredi 14 mars 2007

SUITE 1: SURVOL HISTORIQUE DES RAPPORTS FINANCIERS

1-1-2-Tutelle financière renforcée par la zone franc de 1939 à 1949
La création de la zone franc a renforcé encore la mainmise de la France sur ses colonies .Si pendant la période de la guerre 1939 -1945, la mise en marche de la zone franc n’était pas encore effective, la période 1946-1949 a été marquée par des reformes institutionnelles et administratives qui concrétisent son effectivité. En effet , la zone franc a été crée le 09 septembre 1939 c ‘est à dire quelques jours après le déclenchement de la deuxième guerre mondiale .A partir de cette date le contrôle des changes est instauré, une mesure qui officialise sur le plan économique la création d’une union monétaire .Cette union monétaire autorise la liberté des transferts au sein de la zone et installe le contrôle des changes en dehors .Ces mesures de contrôle de change obligent chaque individu à déclarer tout avoir à l’étranger et à céder les devises acquises lors des transactions avec des non résidents. Le gouvernement de Vichy de 1940 va encore renforcer ces mesures pendant la période de guerre. L’évolution de la guerre et ses répercussions vont beaucoup influencer le mécanisme de fonctionnement de la zone franc .Des changements d’ordres institutionnels, économiques et administratifs se sont succédés. La politique monétaire des membres a été commune s’ajoutent les contrôles exercés sur le commerce extérieure .Après la guerre, l’intégration monétaire fut consolidée suite à la conférence de Brazzaville[1] qui s’est tenue le 30/01 au 08/02/1944.L’emprise de la France sur son empire a été réaffirmé après la libération .Comme l’ Affirme Leduc (M.Leduc , 1965, p.41) le 26 décembre 1945, un communiqué du ministère des finances comprend une partie intitulée : « Constitution de la zone franc », ce sont bien des décisions monétaires qui provoquent la création officielle de la zone franc.
Les années qui suivent ont été marquée par des reformes en profondeur du système monétaire et financier qui lient la métropole avec les colonies. Quelques unes de ces reformes reflètent encore l’empreinte des mesures précédentes tandis que d’autres font preuve de ruptures. Les contrôles de changes et du commerce extérieure ont été ainsi maintenus .Les conditions de base de création d’une zone monétaire ont été de nouveau respectées telles sont la liberté des transferts (rétablie en juin 1646) ; les contrôles de changes, la gestion des ressources en devises par le fonds Français de stabilisation des changes, la fixité des parités des monnaies circulant dans la zone franc.
Mais quels sont les fondements politique et économique de la création de cette zone monétaire?Suite à la conférence de Brazzaville , pour faire face à la dévaluation du Franc français qui menace l’économie d’outre-mer, pour renforcer son tutelle financière et monétaire sur les colonies, la France a décidé de créer des zones monétaires dans son empire . Sur la base de deux rapports d’André Postel-Vinay[2] et de Brunet[3] , adressés au ministre des finances le 20 décembre 1945, la zone franc a été crée. Le décret du 26 décembre 1945 a décidé de former deux Zones Monétaires [4] basées sur le critère géographique. Ce sont les Colonies Françaises d’Afrique (CFA) et les Colonies Française du Pacifique (CFP).
La dévaluation du franc français du 26 décembre 1945 a beaucoup influencé la parité entre le franc français et le CFA.
Le CFA a cour légal dans les colonies d’Afrique subsaharienne. Sa parité est fixée à 1,7 FF en 1946 puis 2 FF en 1948 et 0,02 FF en 1960 (création du nouveau Franc Français). Dans une certaine mesure, la création des francs coloniaux peuvent être considérée comme une autonomie monétaire attribuée aux pays membres mais en réalité elle était un moyen de renforcer la maîtrise du système monétaire des colonies .En effet l’exécution de la politique monétaire de ces pays était toujours inspirée de la Métropole. Les avantages avancés par la conférence de Brazzaville n’étaient alors que des avantages superficiels pour ces pays .D ‘un coté, la parité des monnaies et son changement relèvent encore de la compétence de la métropole et de l’autre coté la personnalité monétaire de ces pays a été conçue dans un cadre régional hérité de la colonisation.. Le changement de parité a eu des conséquences diverses. Si en Afrique occidentale française, le Sénégal n’a été vraiment pas touché par ce changement de parité, dans les autres pays, ce changement a fortement secoué l’économie nationale en renchérissant les marchandises importées, et accentuant par là la pénurie inhérente au lendemain de la guerre. Ce qui a amené le gouverneur du Dahomey à conclure : « Force est de constater que le consommateur colonial ne profite en aucune manière de la différence de la valeur entre CFA et le franc métropolitain»[5].Des évènements similaires ont été observés dans des colonies comme Madagascar, et l’essentiel des pays de l’Afrique centrale.
La dévaluation du CFA qui suivait celle du franc français du 26 janvier 1948 (sur la parité de 2franc CFA contre) n ‘est autre que le reflet de la mainmise de la France sur le système monétaire des pays membres. La dévaluation successive du CFA lui a accordé une valeur plus élevée qu’à celle de la France, malgré les forces économiques de cette dernière. Parallèlement, dans les colonies anglaises en Afrique de l’ouest, l’unité de monnaie coloniale valait la moitié de la livre sterling[6] , ce qui tenait en compte des fondamentaux de l’économie.
Au sens de F. Bloch-Laine (1956, p.347) après quatre années d’ajustements monétaires (1945-1949), « l’unité de la zone franc était complètement rétablie, cependant les monnaie d’outre –mer ne sont plus que des multiples du franc métropolitain».La France a réussi d’affirmer son autorité monétaire sur ces pays au cours de cette période .Mais elle va étendre encore cette domination visant les instituts d’émission de ces pays.
1-1-3- Tutelle financière renforcée par l’emprise sur les instituts d’émissions de 1949 à 1960
Avant la guerre, la France n ‘a pris qu’une faible part de participation dans le capital des banques coloniales, ce qui n’était plus le cas après la guerre. Malgré les donnes politiques de l’ époque avec les mouvements de contestation indépendantistes dans la majorité des territoires colonisés ,la France va faire de tous ses moyens conserver leur emprise sur le système monétaire et financier de ces pays .La nationalisation a été l’une des principales mesures adoptées .Elle voulait mettre en œuvre une organisation mieux adaptée aux besoins de l’ économie, de telle sorte que la fonction d’émission ne corresponde plus à l’exercice d’un privilège mais représente un véritable service public(Ibid,p.65).
Les institutions monétaires nationales furent nationalisées, transformées en sociétés d’économie mixte ou remplacées par des organismes publics nouveaux (René Sandretto, 1994, p.35).
Des mesures fondamentales ont été prises dans les territoires français d’Afrique membre de la zone franc. Mais force est de signaler que jusqu’en 1955 les mesures prises n’ont été que des mesures superficielles ne permettant pas vraiment de réaménager d’une manière significative la zone franc.
La création des instituts d’émissions en Afrique centrale et en Afrique de l’ouest, puis dans la région de l’océan indien, la transformation de la banque d’Algérie en Banque d’Algérie et de la Tunisie sont les changements marquant de ce rapport monétaire entre la France et les pays membre de la zone CFA.
-En Afrique de l’ouest en 1955, l’Institut d’émission. de l’Afrique Occidentale Française (AOF) et du Togo a été crée pour devenir Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest(BCEAO) en 1959.
-En Afrique centrale la même année, l’Institut d’émission de l’Afrique centrale et du Cameroun été crée qui sera l’ancêtre du Banque Centrale des Etats de l’Afrique Centrale(BCEAC) crée en 1959.
Ces deux instituts ont le même statut du point de vue de leur mode de fonctionnement, leur statut juridique mais aussi de leur structure .Ils sont tous les deux établissement publics français ; siégés à paris avec un capital de 500 millions de francs métropolitains doté par l’ Etat ; le tiers des membres du conseil d’administration représentait la région concernée , ils disposent d’un directeur général et d’un président .Il est crucial de noter que ces instituts d’émissions n’ont pas eu le privilège d’exercer les opérations de banques de prêt ou d’escomptes .Ils disposaient quand même les principales attributions d’instituts d’émission( transferts extérieurs, opération de réescompte, avance sur effets publics, centralisation des risques bancaires).
-Dans l’Océan indien en 1950, la réorganisation de la Banque de Madagascar
(Crée en 1925) a transformé cette banque en société d’économie mixte et a pris l’appellation Banque de Madagascar et des Comores .L ‘augmentation du capital de cette banque a fait que les pouvoirs publics détenaient la majorité du capital et les deux pays concernés furent représentés dans le conseil d’administration.
-En Afrique du Nord, la Banque d’Algérie nationalisée en 1946 a été transformée en Banque d’Algérie et de la Tunisie en 1949 .Ces deux pays détenaient 50% du capital de cette banque.
Afin d’assurer une coordination monétaire adéquate dans les instituts d’émissions et de la zone, la France a pris quelques dispositifs d’ordre monétaire et administratifs .Ainsi en 1951, la première institution qui confère à la zone franc un caractère structuré a été crée. C’est également en 1951 qu’une loi du 24 mai prévoit l’ouverture dans les livres du Trésor français d’un compte de compensation des monnaies de la zone franc ou compte d’opérations(Célestin Monga et Jean claude Tchathhouang, 1996,p.21).Le décret du 05 février 1952 a transformé le « comité technique de coordination » en « Comité monétaire de la zone franc » qui regroupe des représentants des ministères des finances , des banques centrales et commerciales .Mais ce comité n‘a pas vraiment fonctionné comme prévue car la France l’a utilisé à sa manière au détriment des pays membres .A titre d’exemple la dévaluation du Franc français de 1958 a été décidé sans consultation de ce comité.
Les mouvements de contestation dans les colonies françaises d’Afrique vont beaucoup influencer la suite du fonctionnement de la zone franc mais aussi de la tutelle financière de la France sur ses colonies .Il est quand même important de rappeler que quelques pays de la zone franc ont déjà quitté la zone après leur indépendance. C’était le cas du Liban en 1948, la Syrie en 1949, le Maroc et la Tunisie en 1956, la Guinée en 1958, l’Algérie en 1962. Après l’indépendance politique, il n’y plus que quelques pays africains qui feront parti de la zone franc CFA. Ce qui nous ramène à la période post- coloniale qui n’est plus dans le cadre temporel de notre étude. Il est aussi capital de rappeler que la caisse centrale de la France d’outre-mer qui a remplacé la caisse centrale de la France d’outre –mer, le 02 février 1944 a beaucoup contribué au renforcement de la coopération entre la Métropole et ses colonies, avec des résultats plus que mitigés.
1-2-Les autres colonies françaises
Contrairement aux pays africains, la mainmise de la France dans le système financier et monétaire des autres colonies d’Asie et du pacifique n’ont pas duré. .Un constat qui s’explique à deux égards .D’abord ces pays là ont eu leur indépendance politique plus vite que les pays africains, ensuite ils ont quitté la zone franc après leur indépendance. Comme dans les autres colonies , la France a toujours exercé son tutelle financière dans ces pays mais la non appartenance à la zone franc ou son abandon précoce les distinguent des pays africains .Les autres colonies françaises d’outre-mer regroupent entre autre la Guadeloupe, la Guyane , la nouvelle Calédonie , l’ Indochine , la Polynésie française, Wallis et Futuna .Ces pays là n’ont pas échappé aux ingérences de la France .Le secteur bancaire et monétaire a été organisé de tel sorte que la France ou les entrepreneurs français puissent dégagent des avantages considérables. Ainsi les banques de Guadeloupe en 1851, de la Guyane en 1854, de la Nouvelle Calédonie en 1874, de l’Indochine en 1875 ont été crée dans le but de maximiser les apports financiers et commerciaux des colonies envers la Métropole. Des dispositifs juridiques et financiers ont été pris dans les années qui suivent pour renforcer cette tendance de domination .Ainsi depuis 1888, la banque d’Indochine exerça le plein pouvoir sur les autres banques de la Nouvelle Calédonie et l’Océanie. Mais une loi du 25 septembre 1948 devait modifier cette situation .Selon ses termes, la banque d'Indochine perdait le privilège de l'émission dans l'ensemble des territoires où il lui avait été confié, à des dates fixées pour chaque territoire par un décret particulier. En attendant ces décrets, elle continuerait toutefois à observer les règles statutaires prévues en 1931 dans ses rapports avec le Trésor et la nature de ses opérations. Le pouvoir de la banque d’Indochine était limité car ne pouvait pas exercer vraiment le rôle de la banque d’émission. La création du CFP(Colonie Française du Pacifique devenue Communauté Financière du Pacifique depuis le 26 décembre 1945) va encore confirmer cette sphère de domination déjà en place depuis des décennies.
Le CFP circula dans les colonies françaises des caraïbes et du Pacifique. Sa parité a été de 2,4 FF en 1946 et 5,5 FF en septembre 1949.
Suite à leur indépendance politique, les Etats de l’ancienne Indochine se dotaient de leur propre monnaie en décembre 1954 créant par là la piastre vietnamienne, le kip laotien et le riel cambodgien. Dans le territoire d’outre –mer du Pacifique, l'Institut d'émission d'outre-mer (IEOM) a été créé par l’art 30 de la loi de finance rectificative de 1966 pour succéder à la Banque de l'Indochine.
Dans l’ensemble, ces pays n’ont pas pu exercer ni leur souveraineté monétaire ni leur autonomie financière car ils étaient toujours sous le giron politique et financier de la France L’Indochine (Cambodge, Vietnam, Laos) a eu quand même une certaine souplesse par rapport aux pays africains dans la conduite de leur politique monétaire.

Pendant l’ère coloniale la France a toujours essayé par tous les moyens de maîtriser le secteur financier et monétaire de ses colonies .Les dispositifs monétaires et financiers pris ont toujours renforcé sa tutelle financière sur ses colonies. Mais qu’en est –il de la Grande Bretagne et ses colonies
2-Les colonies Britanniques

La grande Bretagne est sans aucun doute avec la France l’une des grandes puissances coloniales de la planète. La conquête coloniale n’a cessé de s’intensifier surtout depuis la dernière moitié du XIX siècle .En effet si en 1876 , l’empire colonial britannique comptait 25,9 millions d’habitants dans un espace de 22,5 millions km² , il va compter 393,5 millions d’habitants en 1914 pour un espace de 33,5 millions km².Sur le plan économique l’ hégémonie économique et financière de la Grande Bretagne a beaucoup facilité son tutelle financière sur ses colonies .La création de la zone Sterling en 1931 va encore renforcer cette tendance de domination des systèmes économiques et financier des colonies .

2-1-Tutelle financière renforcée par l’hégémonie financière britannique
Depuis le XVIIème siècle jusqu’au tournant du XX ème siècle, l’Angleterre a été considéré comme la première puissance économique et militaire du monde. Une puissance qui trouve ses sources dans le modernisme du système économique et financier via la création de la banque d’Angleterre en 1694, l’attractivité de la place financière de Londres, l’étendu de son empire colonial, les reformes administratives, etc. Un pays qui a beaucoup opté pour le système économique mercantile et s’est orienté vers le libéralisme économique à partir du milieu du XVIIIème siècle, l’Angleterre est considéré comme le berceau de la finance moderne .Cette hégémonie économique et financière de la Grande Bretagne a conféré un statut de monnaie internationale à la Livre Sterling. Malgré alors les débats virulents entre les bullionistes qui favorisent la théorie de currency school (base de la théorie quantitative de la monnaie de Fisher) comme chef de file Ricardo et les anti-bullionistes qui optent vers la théorie de banking school ( base de la théorie monétaire keynésienne ) inspirée par T.Tooke et J.Fullarton[1] , la livre sterling a pu imposer ses forces dans le système monétaire international. Le système d’étalon-or en vigueur de 1870-1914 va beaucoup contribuer à la domination de la Livre Sterling dans les transactions financières internationales et lui confère par la suite le statut de monnaie internationale .Les autres grandes puissance vont officialiser ce fait vers 1870.Paraphrasons Jean Pierre Delas (1994, p.103) sur ce point : « L ‘étalon-or a été découvert par hasard. Lorsqu’aux environs de 1870, la France , l’ Allemagne qui vient de réaliser son unification, l’ Italie et l’ Espagne, se joignent à l’ Angleterre, aux pays de l’ Europe du Nord et aux Etats-Unis , pour adopter de jure ou de facto ce qu’on appelle le monométallisme-or( par opposition au bimétallisme or et argent) tous les pays développés se trouvent avoir une définition en un poids d’or de leur monnaie[2] .La puissance de la place financière de Londres et des banques britanniques vont faire la livre une monnaie aussi bonne que l’or .La balance sterling va corroborer encore cette tendance dans la mesure où les monnaies ont été gagées sur le livre non plus sur l’or .Meyer ,comme Brown ou Ragnar Nurkse insistent sur le fait que les nations commerçantes du XIX ème siècle étaient naturellement portées à maintenir la stabilité de leur change sur Londres .Aussi rattachèrent-elle leur monnaie à l’or car le Sterling était lié à ce métal . Les mésaventures de l’ Inde dont la devise fut liée à l’ argent jusqu’en 1893 et dont Keynes nous a conté l’ histoire montre combien cette précaution était justifiée[3].La livre devint ainsi une monnaie de réserve que les opérateurs préfèrent plus que le métal jaune jusqu’en 1914 année pendant laquelle la convertibilité était suspendue par les belligérants pour entrer dans le système de gold exchange standard entre les deux guerre et le système de Bretton woods de 1944 à 1973.

2-2-Tutelle financière qui s’exerce à travers la zone sterling

Les désordres économiques causés par la crise de 1929 ne vont pas tarder à influencer et déstabiliser le système économique des grandes puissances et ses pays satellites .Pour l’Angleterre, la dévaluation de 1931 couplé avec l’abandon de l’étalon- or en vigueur depuis 1924 furent les principales mesures prises par le gouvernement en place .La Zone sterling fut crée dans ce contexte là.
En effet, en septembre 1931 la livre même si encore convertible en or cessa d’être convertible à parité fixe contre l’or, une situation qui va déboucher sur une dépréciation de l’ordre de 30% de sa valeur quelques mois plus tard. Cette évolution marque la fin d’une longue période d’hégémonie financière et monétaire de la l’Angleterre, sur le plan mondial. Cette situation catastrophique de l’économie britannique a beaucoup suscité des débats dans les sphères académique et politique. Dans ce sens Keynes (1972, p.109-110) [4]d’avancer : « A Londres, la City se considérait comme tenue d’honneur de faire tous les efforts possibles pour préserver la valeur de la monnaie telle qu’elle était lorsque furent acceptés les vastes dépôts effectués par les étrangers, et ce même le résultat devait en être une autre tension intolérable imposée à l’industrie britannique. A partir de quel seuil avions –nous le droit de donner priorité à nos propres intérêts ? ».Si de 1932 à 1945 la zone sterling (bloc sterling pour certains auteurs jusqu’en 1939) se met en place, de 1945 à 1972 elle va trouver son apogée avant de disparaître définitivement à la suite des crises du système de Bretton woods de 1971. Pendant cette époque l’empreinte de l’empire Britannique a été toujours visible au grand dame de ses colonies.
Au début, la zone sterling regroupe la grande Bretagne, les Pays du Commonwealth sauf Canada, et à différente époques Islande, Irlande Jordanie , Koweït, Libye , Pakistan .La création du Commonwealth lors de la conférence d’ Ottawa ( 1932) constitue la base fondamentale de la zone monétaire sterling. Une zone par laquelle l’Angleterre va renforcer son emprise financier et monétaire sur son empire colonial mais aussi prendre des mesures protectrices pour faire face à son déclin économique. En réalité, la zone sterling n ‘a pas été vraiment effective avant la deuxième guerre mondiale, c ‘est la période de l’après guerre qui marque un véritable changement effectif .La réticence des pays membres à soutenir la livre quelques mois avant la guerre vue la forte dépréciation de cette dernière, el la décision des autorités monétaires britanniques en septembre 1939 de suspendre la convertibilité-or de la livre vont transformer vraiment le bloc Sterling en Véritable zone sterling dans laquelle les contrôles des changes étaient devenu de règle.
Les errements de la deuxième guerre mondiale, la puissance économique et financière des Etats- Unis, les défis de l’après guerre vont contraindre le gouvernement Britannique à prendre des dispositifs de contrôle de change vis à vis de ses partenaires. Ces mesures ont été pris pour maîtriser l’hémorragie des capitaux dans les pays membre de la zone sterling .Mais l’accession à l’indépendance de certains pays membres vont déstabiliser la zone ce qui ne va pas influencer d’une manière significative son mode de fonctionnement. Ces pays indépendants vont quitter définitivement la zone. Il en est ainsi de le l’Egypte le 14fevrier 1947 et la Palestine le 22fevrier 1948.
Comme l’ affirme J.de Sailly (1957,p.14) : « De 1945 à 1965 , la zone sterling se définissait comme un système coopératif de contrôle des changes pratiqué par une association de pays divers sur la base d’une monnaie qui a cessé d’être librement convertible et avec la mise en commun des ressources en or et en devises.
Comme la zone franc son fonctionnement fut attribué à une zone monétaire organisée autour d’un pays dominant. Quelques règles fondamentales ont été ainsi mises en place à savoir :
-la liberté des transferts de capitaux entre les Etats membres
-le contrôle des changes
-la fixité de change avec la livre
La centralisation de la zone en métropole accentua encore la mainmise de l’Angleterre sur cette zone monétaire .Un avantage qui constitue la pierre angulaire de l’ingérence financière britannique sur ses colonies. Dans ce sens J P Dellas (1953, p.861) d’avancer « Les pays de la zone sterling utilisaient en outre la place financière de Londres et le marché monétaire britannique pour y effectuer une grande partie de leur placements : l’organisation de la Livre sterling tend, d’une part à développer au maximum l’usage de la livre dans le monde, d’autre part à réaliser une économie de devises aussi stricte que possible.
Mais force est de constater que même si la zone sterling conférait des pouvoirs étendus aux autorités monétaires et financières britanniques , la conduite de la politique monétaire et les grandes décisions y afférentes ont été un peu souple par rapport à la zone franc et s’inspiraient des conférences du Commonwealth lesquelles n’étaient pas périodiques .Cette zone monétaire a fonctionné alors avec moins de dirigisme qui conférait une certaine autonomie monétaire aux banques centrales des Etat membres jusqu’ à leur indépendance .
Dans les faits si la stabilité des changes et la convertibilité des monnaies pouvaient être considérées comme des avantages et des points forts de la zone pour les pays membres, la centralisation des réserves de change à Londres a été perçue comme un avantage majeur attribué à la Grande Bretagne. L’explosion de la balance sterling de 1932à 1937 du fait de la politique de « stock piling » des partenaires de la Grande Bretagne marque en tout état de cause l’implication des Etats membres dans ce système .Quoi que l’on dise, le but de la zone sterling était de faire régner à une échelle limitée la stabilité monétaire que le gold standard assurait mécaniquement à l’échelle quasi mondiale (Meyer, 1952).La convertibilité de la Livre qui se profilait à l’horizon après des crises de change successives des années 1947, 1949, 1957 constitua un grand tournant dans la conduite de la politique économique Britannique mais aussi sa relation avec les pays membres de la zone. En effet après la deuxième guerre mondiale, le gouvernement travailliste en place voulait instaurer un Etat providence pour assurer la reconstruction via une politique de faible taux d’intérêts .Mais l’ hésitation des Etats –Unis pays créditeur , la non convertibilité de la livre , la faiblesse des réserves extérieures de l’Angleterre seront des obstacles majeurs pour la réalisation de ce projet ce qui a amené presque à son abandon .Le marasme économique qui secoua l’ économie britannique de l’ après guerre a conduit le gouvernement à dévaluer la livre de 30% en 1949.Mais l’ accumulation et l’ explosion des stocks monétaires des pays membre de la zone de 1947-1953 seront un avantage considérable pour l’empire dans la mesure où ces réserves vont diminuer de moitié les déficits courants britannique .Gerold Krozewski (1996,p.600) précise ce fait : « Son stock monétaire a augmenté de façon exorbitante: il est passé de moins d’un quart du stock total de la zone à environ de moitié , ie de £ 400 millions à £ 1400 millions de 1947à 1953 »[5].Il est crucial de préciser ici , dans un contexte mondial prédominé par le multilatéralisme que ce stock monétaire a suscité beaucoup de débat entre les économistes pendant la période ultérieure. .Les uns considéraient ces stocks comme une menace les autres comme un atout. Le premier souci était que la structure de liquidité des stocks ne permettrait pas d’honorer les retraits sollicités par les membres à un moment donné et que l’institution gérant les fonds, les « Crowns Agents » deviendraient insolvable. En fait les retraits étaient moins importants que prévus et les liquidités générées par les stocks (balance sterling) suffisaient pour satisfaire les demandes. Force est aussi de constater qu’après la crise de Suez, le gouvernement britannique n’était plus en mesure d’encourager les exportations des capitaux vers l’outre-mer et a pris des mesures qui concordent avec le contexte multilatéralisme de l’époque. Le retour à la convertibilité de la livre fut l’objectif principal du gouvernement conservateur depuis 1951, chose faite en 1958 lorsque la livre après des crises diverses d’ordre interne et externe comme la crise du canal de suez de 1956 a retrouvé son statut de monnaie internationale mais ne pouvait plus surpasser le statut international du dollar américain. Dans les années 1960, la réticence de la Grande Bretagne à poursuivre les accords passés avec les membres, l’attirance des propriétaires des capitaux à s’investir en Europe et aux Etats- Unis, couplé avec l’indépendance récente des colonies vont créer une nouvelle donne de la zone sterling qui va s’éclipser définitivement en 1972.Les crises de la Livre sterling qui se profilaient depuis 1966 , passées par sa dévaluation de 1968 conjuguées aux crises du système des Bretton woods de 1971 , mais aussi l’indépendance politique de quelques colonies vont déboucher à la dislocation de la zone sterling le 23 juin 1972[6].A partir de 1972 les contrôles des changes furent alors étendus à tous les pays sauf l'Irlande et, après 1973, à Gibraltar. La zone sterling a cessé d'exister quand le contrôle des changes a été établi en octobre 1979.La grande Bretagne a renforcé son mainmise sur le système financier et monétaire de ses colonies d’abord par son hégémonie économique jusqu’en 1914 mais aussi par la zone sterling de 1931 à l’indépendance
[1] Responsables de la Banques d’Angleterre
[2] A rappeler que la Banque centrale des Etats-Unis ne verra le jour qu’en 1913.
[3] F Meyer ,Britain the sterling area and Europe, Cambridge , Bowes ans Bowes , 1952 , in 8° , p.150-William Adams Brown Jr ,The international gold standard reinterpreted- Ragnar Nurkse, l’ experience monétaire internationale , SDN.
[4] Keynes J.M. , Essais sur la monnaie et l’économie, Les cris de cassandre, Payot, Paris, 1972.
[5] Gerold Krozewski , La zone sterling dans les relations Grande Bretagne-Outre-mer ,p 599-614 , in La France et l’outre-mer : un siècle de relations monétaires et financières , Comité pour l’ histoire économique et financière de la France , colloque tenu à Bercy les 13,14 et 15 novembre 1996,Imprimerie nationale.
[6] Successivement ces pays ont quitté la zone sterling .le 08 avril 1957 pour le soudan,23 juin 1959 l p l’ Irak, le 31 décembre 1963 la fédération centrafricaine, le 29 octobre 1964 la Somalie ,le 11 novembre 1965 la Rhodésie, 17 octobre 1966 la Birmanie,06 janvier 1971 la Vanuatu,15 décembre 1971 la Libye, le 23 juin 1972 pour les pays suivants l’ Australie, Bahrain, Bangladesh, Botswana, Brunei, Chypre, Fiji, Gambie , Ghana, Hong Kong ,Inde ,Jordanie ,Kenya, Kiribati ,Koweït ,Lesotho Malawi , Malaisie, Maldives, Iles Maurice, Namibie , Nauru ,Népal ,Nouvelle Zélande, Nigeria, Oman, Pakistan ,Papouasie- Nouvelle guinée, Qatar, Samoa, Seychelles, Sierra Leone ,Singapore, Afrique du sud, Sri Lanka , Swaziland , Tanzanie , Ouganda, Emirat Arabes Unis, Zambie ,Ireland le 30 mars 1979.

[1] La Conférence de Brazzaville a crée les bases de l’union française qui se substitua à l’empire colonial suite à la reconnaissance par le Général De Gaulle des rôles joués par les colonies dans la libération de la France.
[2] Directeur de la Caisse Centrale de la France d’Outre-mer (CCFOM).

[3] Directeur du trésor.
[4] Dans les autres territoires non membre de ces deux zones monétaires, la monnaie métropolitaine continua toujours à avoir cour légal.
[5] CARAN, 200 Mi 1874 , rapport économique annuel du Dahomey , 1946 , p.3- Cité par Hélène d’Almeida-Topor , in La France et l’outre-mer ,1996, p.527.
[6] A.G.Hopkins , An Economic History of west Africa , Londres , Oxford University press , 1973.

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