mardi 13 mars 2007

SURVOL HISTORIQUE DES RAPPORTS FINANCIERS ENTRE LES PUISSANCES COLONIALES ET LES COLONIES : UNE VERITE DANS LES FAITS

SURVOL HISTORIQUE DES RAPPORTS FINANCIERS ENTRE LES PUISSANCES COLONIALES ET LES COLONIES : UNE VERITE DANS LES FAITS

Introduction

Le bilan colonial de la colonisation est un sujet qui a toujours passionné pas mal d’économistes, historiens, politiciens mais aussi simples citoyens. Notre intention n’est pas ici d’apporter un jugement là dessus mais de se questionner sur l’effectivité des rapports financiers entre colons et les colonies pendant l’ère coloniale. Sans aucun doute se referant à l’histoire , les PED dans son ensemble ont été tous ( sauf quelques uns ) colonisés par les puissances coloniales essentiellement européennes à un moment ou à un autre .Une colonisation qui a duré pendant des siècles pour les uns quelques décennies pour les autres mais a toujours laissé des empruntes indélébiles mitigés .Quelles surprises nous réserve-t-elle l’histoire ?Les faits historiques corroborent-ils vraiment aux récits de l’ histoire ?Les réponses relatives à ces questions nécessitent l’analyse des mécanismes financier et monétaire par lesquels les puissances coloniales ont exercé leur pouvoir sur les colonies.

I- La tutelle financière des puissances coloniales

Comment les puissances coloniales ont-elles entrepris leur tutelle financière vis-à-vis de leurs colonies ? Quelles ont été les faits marquants de cette tutelle financière ? Voilà deux questions qui méritent d’être éclairées ici. Si les colonies françaises et britanniques d’Afrique ont été mis sous tutelle par un système financier centralisé en métropole et un mécanisme de zone monétaire non effective, les pays d’Amérique latine et d’Asie ont été dirigé avec des mécanismes plus ou moins souples qui priorisent toujours la plus value financière des puissances coloniales et surtout les rubriques commerciales. Une analyse rétrospective de l’histoire de la colonisation focalisée sur l’aspect économique constitue une démarche analytique cohérente et efficace pour appréhender ce problème .Ce qui ne veut pas dire forcement qu’on va refaire ici toute l’histoire économique de la colonisation qui est à la fois un domaine vaste et complexe pouvant faire même un sujet de recherche tout entier.

1-Les colonies françaises
La France vers la deuxième moitié du XVIII ème siècle a essayé par tous les moyens de renforcer et élargir son empire colonial .La conquête coloniale a été plus ou moins dure suivant les pays à conquérir .Comme le note Jules Ferry [1]: « Les colonies sont pour les pays riches , un placement de capitaux des plus avantageux .Au temps où nous sommes et dans la crise que traversent toutes les industries européennes , la fondation d’une colonie c’est la création d’un débouché».En effet[2] , si en 1876 l’empire colonial Français comptait 6 millions d’habitants pour une superficie de 0,9 millions km² , il comptait 55,5 millions d’habitants en 1913 pour un espace de 10,6 millions km². L’empire colonial a été presque multiplié par dix, la population par neuf en trente sept ans .De quoi à rentabiliser de toute sorte la machine coloniale française.
1-1-Les colonies françaises d’Afrique[3]
La France comme toutes puissances coloniales a ses propres raisons qui l’a incité dans cette aventure coloniale. Sans négliger les dimensions politiques et culturelles, la dimension économique mérite une attention particulière.
Cette dimension s’explique principalement par trois raisons :
-la recherche des matières premières à bon marché ;
-la recherche de main d’œuvre à bon marché ;
-la recherche de partenaire économique et commercial durable.

1-1-1-Tutelle financière qui passe par la domination du système financier et bancaire des colonies
L’année 1848 marque une tournure importante dans la relation politique et économique de la France avec ses colonies et ses futures colonies.
C’est l’année de l’abolition de l’esclavage mais aussi l’année de création d’une banque coloniale. L’abolition de l’esclavage se traduit par l’arrêt des traites négrières qui pendant des siècles ont été considérés comme des fonds de commerces importants pour les trafiquants .L’Ile de Gorée en est un exemple parfait. Il s’ensuivait de ce fait la création d’une banque coloniale qui a été faite dans le but d’étendre le pouvoir économique et financier de la France vis-à-vis de ses colonies. Un fait qui se justifie à deux égards :
-Accroître les échanges avec les colonies
-Définir et appliquer une politique monétaire commune aux territoires colonisés .
Si pendant longtemps, la monnaie française a assuré les échanges dans ces territoires, ca n’a pas empêché les autres monnaie de circuler .L’introduction de la monnaie française et la création de la banque coloniale dans des économies peu monétarisées a beaucoup contribué au renforcement de la domination française dans ces pays et a renforcé leur dépendance vis-à-vis de la France. Progressivement, leur économie ont tourné vers l’ extérieur pour satisfaire les besoins de la Métropole. La fin de l’esclavage a contribué aussi dans une certaine mesure à la mise en marche de cette banque dans la mesure où une partie des indemnités des anciens propriétaires d’esclave y a été affecté. Plusieurs instituts d’émission ont été crée pour renforcer ce cercle de domination et faciliter une cohérence de la politique monétaire dans tous les territoires de l’empire. Ainsi en Afrique, on a assisté à la création de :
-de la Banque d’Algérie (étendue à la Tunisie en 1904),
- de la Banque de la Réunion en juillet 1851 ;
-de la Banque du Sénégal (qui deviendra en 1901 la Banque de l’Afrique Occidentale, ancêtre de la BAO) en 1853 ;
-de la Banque d’Etat du Maroc en 1907 ;
-de la Banque de Madagascar en 1925(devenue Banque de Madagascar et des Comores en mars 1950).
Si le système de fonctionnement et la structure de ces banques ont reflété l’empreinte du pouvoir public colonial, quelques une d’entres elles ont fonctionné avec un statu des banques privées (Banque du Sénégal, Banque d’Indochine) ou mixtes (Banque d’ Algérie).
En plus du monopole d’émission de la monnaie légale, elles assurent également des fonctions de banques de prêt, d’escompte et de crédit.
Dans l’ensemble, les différentes reformes monétaire et financières dans ces pays ont priorisé avant tout les intérêts financiers de la France mais aussi les entrepreneurs français qui ont investis dans les secteurs porteurs de l ‘économie des colonies.
Quelques notes relatives aux régimes financiers des colonies méritent une attention particulière ici .On peut citer :
-le décret du 20/11/1882 portant sur le régime financier des colonies et va s’étendre à l'exécution des budgets des colonies, les règles applicables au niveau de l'État métropolitain.
-la loi du 18/04/1900 dote chaque colonie ou chaque groupement de colonies, de la personnalité civile, tout en lui accordant une certaine autonomie administrative et financière
-la loi du 13/07/1911 institue les modalités du contrôle juridictionnel des comptables exerçant dans les colonies;
-le décret du 30 /12/1912 à propos du régime financier des colonies (1912-1945) dont les principaux axes sont : l’autonomie administrative et financière des colonies ;la cohabitation du système financier de l’ Etat colonial avec le système financier territorial local ; .la mise en œuvre effective de l’organisation du système financier territorial local.
Le discours de Jules Ferry du 28 juillet 1885, suite à la conférence de Berlin organisée par le Chancelier Bismarck, entre les principaux Etats européens, relative au problème du commerce dans le bassin du Congo va renforcer encore cette sphère de domination financière et politique déjà en place .Ce discours de Jules Ferry devant les parlementaires français vise une expansion de -l’empire coloniale française.
Le 1 octobre 1936 la loi monétaire qui abolit la définition –or du Franc Poincaré et qui créa le fonds de stabilisation des changes a été décrété .Cette loi autorise les banques coloniales à considérer le franc français comme une devise étrangère dans les encaisses qu’elles étaient tenues de conserver, un système qualifié par L.Bourcier de Carbon (1959, p.20) de « Franc Exchange Standard », alors que le franc flottant tendait à devenir un franc sterling (R.Sedillot, 1953, p.318).

[1] Jules Ferry, Discours devant la chambre des députés 29 juillet 1885.
[2] Chiffres tirés in Lénine , 1917, p.145.
[3] Les colonies françaises d’Afrique peuvent être décomposées en trois sous groupe. Ceux de l’Afrique occidentale qui regroupent le Benin, Burkina Faso, Cote d’Ivoire ,Guinée Bissau, Mali Niger Sénégal ,Togo ceux de l’Afrique centrale :Cameroun ,Congo , ,Gabon ,Guinée Equatoriale ,République centrafricaine, Tchad ; ceux de l’Afrique australe et de l’Océan Indien : Djibouti, Madagascar , Comores , La Réunion.
Asuivre

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